Après l'excellent "Don't f**k with cats", Netflix propose un nouveau documentaire absolument délirant. Une histoire peuplée de personnages qu'aucune fiction ne se hasarderait à dépeindre de peur de pousser le bouchon trop loin.
Devant Joe Exotic, le personnage principal, on pense illico aux séries de Danny Mcbride (la folie et l'audace capillaire y étant pour beaucoup), tant le "héros" de Tiger King baigne dans une exubérance absolue. Joe Schreibvogel de son vrai nom, gère un zoo spécialisé dans l’élevage de fauves. Il y fait fortune et mène une lutte acharnée envers les défenseurs des droits des animaux, dont il est naturellement dans le collimateur.
Au premier rang de ses détracteurs, on trouve Carole Baskin, qui gère également un parc à Tampa, pour les animaux ayant reçu des mauvais traitements, ou qui sont trop vieux pour être exhibés. Et c'est l'un des points les plus intéressants de ce documentaire très sensationnaliste : Le business des félins, et plus particulièrement de bébés tigres. J'étais loin de m'imaginer que cette fascination pour les photos de bébés avaient pris de telles proportions. Que des gens étaient prêts à tout pour poser sur les réseaux sociaux en compagnie de ces si mignons animaux sauvages.
Un autre constat tout aussi implacable s'impose : les tigres provoquent la fascination de sacrés cinglés. Outre Exotic Joe, on trouve donc Carole Baskin dont la disparition de l'ex-mari génère de nombreuses et légitimes questions ; Doc Antle un gourou sexuel ventripotent aux faux airs de Tim Robbins ; Jeff Lowe un business man clairement escroc au look d'Eminem à 60 ans passés ; James Garretson un intermédiaire ben décidé à balancer tout le monde ... Une galaxie de dingos qui tourne autour de Joe.
Il faut également mentionner les deux époux de Joe, qui a instauré un ménage à trois sordide digne d'un film de Bertrand Blier des 70's, maintenu en vie uniquement par la grâce de la dépendance aux meths que Joe prend soin d'administrer à ses "chers et tendres", et par les luxueux cadeaux qu'il leur fait...
Dit comme cela c'est terrifiant, mais on rit beaucoup durant le visionnage des 7 épisodes. À chaque événement délirant on pense avoir atteint un climax, et les minutes d'après nous amènent à un nouveau pic de n'importe quoi. Une ascension constante de folie dont on ne voit jamais le sommet.
La soigneuse qui se fait arracher une main et qui reprend le boulot 5 jours après sans grimacer, les élections où Joe fait 20% un score qui ferait baver le premier Benoit Hamon venu, le suicide et l'enterrement de Travis dont on se demande lequel des deux événements est le plus glaçant, le mari de Baskin porté disparu, l'incendie du local à crocodiles, les armes explosives omniprésentes, la tentative d'assassinat de Carole, la balance du FBI en jetski...)
Trahisons, coups de théâtre et crises de rires se succèdent. Un OVNI dont il serait dommage de passer à côté. Le pire dans ce tourbillon de bêtise, étant que Joe Exotic parvient tout de même à provoquer une forme de sympathie au spectateur. Alors qu'il est fou, fourbe et que sa production extensive de bébés tigres pour faire du cash ne mérite pas autre chose qu'un éloignement définitif de ce business lucratif.
Mais on a un peu le sentiment qu'il est le seul à avoir payé pour tout le monde. Et que ses intentions, à la base, étaient dictées par un réel amour des espèces sauvages. Il s'est perdu en route, à cause de la drogue, de la paranoïa, des armes et d'un grisement lié à la réussite clinquante made in USA. Qu'il apporte son concours aux associations de protection des droits des animaux, en dénonçant les pratiques illégales dont il a connaissance, est certainement dicté par la rancœur, et le calcul d'une éventuelle remise de peine, mais cela reste bénéfique pour ces espèces exploitées. La statistique terrifiante du documentaire étant qu'il y a plus de tigres en captivité aux USA que dans la nature dans le monde entier.
Il n'empêche qu'au terme de ce visionnage, l'envie naturelle est de placer tout ce petit monde en prison :
Doc qui fait opérer de force ses compagnes pour qu'elles arborent de plus grosses poitrines, Jeff Lowe qui a manifestement manigancé beaucoup de sales coups pour priver Joe de son zoo et qui donne l'impression d'avoir orchestré la tentative d'assassinat, Baskin qui est aussi une sorte de gourou dans son genre et qui semble impliquée dans la disparition de son mari. Bien sûr nous sommes tributaires du choix de mise en scène documentaire, mais certains propos et actions trahissent bien des mentalités.
Une certaine idée de l’Amérique, entre Fargo, Eastbound and down et South Park. À voir pour le croire.