Tiger King est une immersion dans la folie. Celle des propriétaires de parc à félins américains et de leur plus excentrique représentant, Joe Exotic. C'est Apocalypse Now dans l’Oklahoma. Avec des animaux au lieu d'une jungle.
Les épisodes plongent dans la déraison chaque minute un peu plus profondément. La gestion chaotique du zoo, la secte du doc, le trafic de drogue, les envies de meurtre, les intimidations rednecks, Don Lewis, les intermèdes musicaux, la prédation sexuelle de jeunes hommes, les vlogs de Joe et Carole, l'incendie, l'éloge funèbre parlant de couilles, la campagne présidentielle et j'en passe.
Disons simplement que lors du dernier épisode, un amputé des deux jambes conduit une voiture avec pour passager un squelette, juste après l'interview d'un pseudo-tueur à gage dans son bain, et tout cela n'appelle absolument plus aucune question : on a dépassé ce stade il y a bien longtemps.
C'est en voyant la procureur, habillée sobrement et aux propos sensées, qu'on redescend sur Terre et qu'on se souvient que tout ceci est réel.
L'histoire est passionnante. On est captivé de bout en bout par les personnages de fiction que sont tous les protagonistes. On reste médusé par leurs intrigues dignes des séries les plus loufoques. La narration type Rise & Fall est séduisante. Chaque épisode apporte son lot de nouveaux personnages, ses retournement de situation et ses émotions.
Le cabotinage de Joe prête à sourire et on développe bien malgré nous une forme de fascination pour ce grand con. On a envie de ridiculiser Carole (qui n'a pas besoin de notre aide il faut l'avouer), de consoler John Finley et Erik, de pourrir John Lowe et James. On développe de la sympathie pour certains, de l'antipathie pour d'autres. Pas forcément de façon objective.
Et c'est là probablement qu'on touche ce qui m'a gêné dans ce documentaire : la réalisation et le montage sont au service d'un narration forcée, occasionnellement brouillonne, toujours délirante et finalement assez efficace mais totalement dénuée d'honnêteté. Alors oui, ça reste un bon documentaire et j'ai pris du plaisir à suivre l'histoire mais bon sang, il faut un sacré recul pour voir que l'image est certainement plus grande que ce que montre le documentaire qui n'appuie que dans le sens qui lui convient, celui du spectaculaire. En permanence, toujours plus, à l'outrance. Et tant pis si on n'insiste que sur ce qui est extravagant aux dépends du rationnel. L'exemple le plus frappant : on rend humain Joe et on démonise Baskins pour les mettre au même niveau alors qu'il suffit de quelques minutes de recherche pour se rendre compte qu'entre le roadside zoo miteux et le sanctuaire, il y a un monde d'écart, loin des deux faces d'une même pièce dépeintes dans le documentaire.
Avec tout ça, je suis presque déçu que l'accent n'ait pas été un peu plus porté sur la cruauté envers les animaux. En effet, Joe Exotic est cool. Manipulateur, mais cool. Connard, mais cool. Infâme, mais cool. Et même si les dernières minutes du documentaire rappellent la triste réalité qui menace les félins, je ne suis pas persuadé que ce soit le message qui reste à l'issue de la vision. (note de la rédaction : est-ce que je suis en train de devenir Carole Baskins ?). La cause animale n'est d'ailleurs jamais vraiment défendue de façon efficace dans ce documentaire mais après tout ce n'est pas un documentaire sur les félins. C'est un documentaire sur les propriétaires de zoo excentriques et il faut reconnaître que du point de vue de l'excentricité et de la folie, c'est absolument réussi.
Au final
Joe Exotic finit en prison, pas uniquement pour cet assassinat commandité dont on l'accuse (et qui a tout du piège très grossier) mais pour l'ensemble de son oeuvre. Et c'est mérité ; qu'il y pourrisse.
En espérant que Jeff Lowe et d'autres le rejoindront. La liste est longue.