Aurore
5.7
Aurore

Série Arte (2018)

Laetitia Masson (1966/---) directrice de la Femis, signe comme réalisatrice et scénariste cette petite merveille de brève série télévisée en trois épisodes (L'Enfance, Fantômes, Requiem)

Elle possède à son actif huit longs métrage réalisés de 1995 à 2023...

Avec un titre peu accrocheur, et qui de plus et malheureusement est éponyme d'un autre film.

Ne pas confondre donc, ou se méfier des imitations !
Je me méfie toujours de ce genre de feuilleton en trois épisodes car ils servent souvent d'alibi aux chaînes du service public y votant un alibi pour pouvoir contrer l'interdiction de couper les films de pubs répulsives pendant leur déroulement. En faisant trois films, le tour est joué et la loi contournée. Tant pis pour le respect des auteurs et le fruit de leur travail... Tant pis aussi pour le publiciste dont l'intrusion inopportune de son produit dissuade le spectateur de l'acheter. Personnellement, je les boycotte car en plus cette pub, soyuvent stupide et assommante, c'est nous qui de plus la payons...

On ne ressent pas ici cette tare... Mais quand même, on retrouve bizarrement dans les deux épisodes des répétitions des autres... Mélanges au montage ? Agaçant...

On est heureusement aussi ici à des années-lumière des polars neus-neus faits à la va-vite du service public, ou des films made in US soldés qu'affectionne TF 1.
Ce récit cumule trois épisodes de 52 mn qui sonnent on ne peu plus vrai, et créent une ambiance étrange comme venue d'ailleurs, de l'émotion et de l'empathie chez le téléspectateur !

C'est réussi en ce qui me concerne même si je conseille de bien se préparer à le voir en dégustant son synopsis comme mise en bouche ! Coup d’œil dans le rétro :

Une gamine, Aurore, étrangle volontairement un petit copain de jeux qui lui refuse de partager son casse-croûte. Avec des témoins dont la petite sœur de la petite victime... La petite fille est sanctionnée par la loi et après avoir purgé sa peine, tente de se reconstruire sous une fausse identité et met au monde un enfant non désiré... Elle va galérer pour être aimée, considérée mais son passé la rattrape car la petite sœur du gamin tué nourrit de mauvaises intentions à son égard : elle a un revolver dans son sac...

La réalisatrice traite ici un sujet compliqué à suivre, complexe, rare autant que délicat d'une petite fille qui débute bien mal son entrée dans la vie, ce d'autant que sa mère prostituée est déconnectée de la société. Contrairement à Cosette des Misérables de Victor Hugo, elle va devoir affronter seule la vie dure, le monde égoïste et sans pitié, la misère....

On sait que les enfants sont d'une violence inouïe entre eux, (c'est hélas, encore plus courant en 2024) comme si leur instinct de survie, de compétitivité, du non-droit à l'erreur, les prédisposait à éliminer les autres...
La scénariste-réalisatrice s'est inspirée d'un fait divers réel des années soixante où une enfant en avait tué deux autres. Un telle petite meurtrière va-t-elle ensuite pourvoir vivre comme les autres ? Le suspense nourrit l'intrique : comment tout cela va-t-il se terminer ?

Contrairement à d'autres compositeurs qui nous assomment de tam-tams sonores, de longues tirades verbales pour nous sortit de notre torpeur et mieux cacher la faiblesse de leurs récits, Laetitia Masson est une adepte des silences qui donnent bien plus d'intensité à l'action, et nous laissent le temps de la digestion, de la réflexion. Bien des tâcherons de films TV "bon marché feraient bien d'en prendre de la graine ! En revoyant ce film, j'ai pu encore mieux apprécier la musique de Bruno Coulais qui accompagne superbement l'intrigue, toute en ne prétendant pas
s'y substiturer : la sobriété fait mouche...

J'ai craint aussi que la vision des trois heures de ce récit ne soit un peu fastidieuse comme c'est souvent le cas. Là encore, divine surprise : au moment où on commence à se déconcentrer, un nouvel évènement nous rappelle au sujet en cours.
La scénariste ne fait pas non plus dans la facilité pour la réalisation ! C'est ainsi qu'elle a filmé le meurtre au grand dam d'Arte qui n'y était pas très favorable. Sinon avait-elle prévenu, le film ne se serait pas fait ! Tempérament entier, elle se définit du reste elle-même dans "Télérama" comme "un cow-boy solitaire" qui refuse les compromis, la sédentarité et ne craint pas la solitude...
Ajoutons un casting flamboyant, étoursissant, bref suerbe, sûrement dû aussi à Laetitia Masson,

Le talent a dicté les choix d'acteurs plutôt que l'habituel copinage : le résultat est là !

Elodie Bouchez est flamboyante de talent et son instinct dramatique nous fait croire à son rôle. Encore que sa teinte de cheveux en blonde ne l'avantage pas !

Maya, la petite soeur du crime qui a grandi et qui la poursuit, est ljouée par Lolita Chammah.

Je lui avais trouvé une ressemblance étonnante avec Isabelle Huppert, et capable d'une rare intensité dramatique : finalement on découvre que c'est la fille d'Isabelle Huppert et d'un producteur de cinéma. Elle semble donc tombée toute petite dans la marmite de potion magique du cinéma, avoir hérité du talent et des mimiques de sa mère, avec toutefois une apparence de femme séductrice mais mystérieuse ! Ses cheveux roux, , ses yeux inquisiteurs, ses mêmes mimiques sont là pour le confirmer et on se demande pourquoi ses apparitions sont si rares d'autant qu'elle tourne beaucoup, trop ?

Les autres comédiens sont loin de démériter même si les deux rivales ont un rôle en or et crèvent l'écran... André Wilms (décédé depuis en 2022) et bien d'autres ne déméritent pas...mais je serai plus nuancé sur Ambre Hasaj (la fille d'Aurore adulte)

Mais il est difficile de diriger les enfants de cet âge est complexe ! Yves Robert, spécialiste du genre, leur disait d'ailleurs : "on va jouer".... Comme il ne disait pas à sa progéniture en partant au théâtre : je vais travailler mais, je vais jouer...

On parle généralement peu des directeurs de la photo qui travaillent avec la lumière tout en restant eux, dans l'ombre : Eric Dumont signe ici des prises de vues admirables de la Camargue : les amateurs de belles images vont apprécier !
Un film qui sort de l'ordinaire et qu'on aimera ou détestera : il ne laissera personne insensible.

Dommage, quelques invraisemblances et un montage reprochables... Une mère digne de ce nom confierait-elle sa fille à un homme inconnu jouant les nounous miracles pour pouvoir travailler ?

Une réussite dans un film de haute voltige où le numéro n'était pas sans risques !

.

Arte le 09.05.2024-

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Créée

le 12 janv. 2018

Modifiée

le 13 mai 2024

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