Babylon Berlin est l'adaptation live du roman Le poisson mouillé de Volker Kutscher.
La série télé prend clairement des libertés par rapport au roman (dont je n'ai lu que l'adaptation Roman Graphique) en voulant faire un lien direct avec le cinéma expressionniste dont il emprunte la photographie à maintes reprises pour sublimer la reconstitution historique.
Gereon Rath, un jeune inspecteur fraichement débarqué à Berlin est chargé de démanteler un réseau russe de films pornographiques, compromettant son père, le tout dans un contexte historique extrêmement tendu de l'Allemagne d'après (1er) guerre. Il fera équipe avec un flic véreux, Bruno et une secrétaire/prostituée Charlotte campée magnifiquement par le patibulaire Peter Kurth et la pétillante Liv Lisa Fries.
N'y allons pas par 4 chemins, j'ai trouvé les trois saisons de Babylon Berlin absolument passionnantes bien qu'inégales. Le rythme est très soutenue, la tension dramatique et le suspense parfaitement maitrisés mais la série prend aussi bien le temps de développer ses personnages, de suivre leurs quotidiens pour une meilleure immersion. Les rues de Berlin de 1929 sont parfaitement reconstruites et comme je le disais plus haut, le cachet "expressionnisme allemand" se rajoute comme un filtre sur certains plans, pour accentuer la symbolique, la tension dramatique de la scène.
Le parallèle avec ce cinéma se fait en apothéose lors de la dernière saison en date, où l'intrigue se situe (en partie) directement sur un studio de tournage. N'oublions pas également le personnage de l'hypnotiseur, directement inspiré du docteur Mabuse ou Caligari tandis que Géréon a des allures de Cesare ou Francis.
La force de la série se situe aussi dans sa capacité à retraduire le contexte politique, diplomatique de l'époque qui mènera inexorablement à la diabolisation des communistes et juifs et à l'arrivée des nazis aux pouvoirs. Elle parvient aussi à rester très moderne dans ses thématiques abordées sans tomber dans le moralisme (ou moraline) consternant actuel. Le personnage de Charlotte, secrétaire le jour et prostituée la nuit, aspirant à travailler comme enquêtrice au sein de la brigade criminelle est d'une justesse incroyable et le talent de l'actrice n'y est pas pour rien. Elle est le meilleur personnage de l'histoire, probablement le plus authentique, une femme féministe, moderne, pleine d'entrain, de force et de faiblesse.
Seul défaut, la subtilité de l'écriture pêche parfois au profit d'un déploiement d'action pas forcément indispensable ou de grand spectacle. C'est malheureusement la dernière saison qui souffrira le plus de ce syndrome (avec le milieu de saison 2) mais à contrario, cette volonté d'en faire toujours plus permet aussi quelques fulgurances, des scènes à la tension folle, au suspens insoutenables (fin de saison 2 et 3).
Il y a donc une véritable ambition créatrice et narrative dans Babylon Berlin (série allemande la plus chère à produire), de quoi lui pardonner quelques ficelles scénaristiques convenues ou sa grandiloquence.