Saison 1, sans spolier.
Hitler détruisit la République de Weimar, le cinéma expressionniste allemand- le plus créatif de son temps, et ce Babylone qu'était Berlin. De là à penser qu'une décadence morale de la ville dans les années 20, jazz "nègre", travelos avant la lettre, policiers corrompus, a fait le lit de cet homme, ses idées et ses sbires, il n'y a qu'un pas que certains oseraient franchir pour de mauvaises raisons.
L’intelligence des auteurs de cette série est d'avoir su montrer les racines matérielles et sociales de ce qui fit réellement basculer la ville et le pays. Réussie, la fresque dépeignant les inégalités sociales , entre ce bon conseiller Benda et l'amie de Charlotte, ou entre la jeunesse bourgeoise insouciante sur les bords de la Wannsee ( oui, oui non loin de là où fut rédigé le protocole de Mort ) et la famille de Charlotte noyée par la misère crasse et la syphilis...
En 1929, autour du premier mai, l'espoir est encore du côté du communisme, bien que celui-ci vacille, troublé par la rupture entre ceux qui ont trahi la Révolution, Staliniens, et ceux qui croient pouvoir la réaliser, Trotskistes.
Le trio Tykwer, von Borries, Handloegten outre le pari d'avoir su allier chaîne privée à péage et chaîne publique pour le budget le plus élevé du continent,conjugue en bonne intelligence fresque historique complexe et portraits de personnages déchirés entre leurs tourments intimes et ceux de la grande Histoire.
Mais ce qui place vraiment cette oeuvre au-dessus de toutes nos séries françaises, est sa formidable ambition artistique. Outre que l'argent obtenu leur a permis de tourner à Berlin, non seulement dans les studios de Babelsberg, mais in situ, Alexander Platz, la station de métro Hermann Platz, Rote Rathaus, etc... Le trio de créateurs réussit le pari de redonner vie au génie artistique de cette époque. Tykwer ose le pas de côté du rond rond bien rodé des multiples intrigues pour nous offrir un moment d'anthologie au café Moka Zu Asche zu staub interprétée par l'actrice lituanienne Severija Janusauskaite.
Marlene Dietrich, le docteur Mabuse, le cabinet du docteur Calligari, M le maudit? Ils sont tous là à nous réenchanter. Ce n'est pas une vaine invocation des morts, ou un quelconque art de la citation. Ils irriguent la série.
Le fil tranché par le trou noir nazi est renoué. L’Allemagne aujourd’hui en pleine possession de
ses moyens et sûre de son identité peut s'interroger sur ce qu' elle a de Weimar en elle.
Mes frustrations, de celles qui exacerbent le plaisir tournent autour de la lourde machine à intrigues, trop collée au roman ? La Babylone Berlinoise est parfois trop vaste pour nous. Sans compter cette saison une qui s'arrête en plein cœur de l' histoire, à son basculement. Grrr
La saison 2, sans spolier, n'est finalement que la continuation des fils et des pistes de la saison une, l' ambition artistique de renouer avec le talent de l' époque Weimar passe au second plan, et donne l' impression qu'une seule saison luxueuse de 12 épisodes aurait largement suffi.