Il y a des cocktails plus étranges que d'autres et Banshee c'est un cocktail du genre tequila-citron frappé, bien frappé même. La série tire son nom de la petite bourgade perdue en Pennsylvanie qui lui sert de décor, un coin d'Amérique profonde qui mélange puristes indiens, néonazis, amish, trafiquants de drogue, braqueuse en cavale, hacker queer as folk, truands ukrainiens, mercenaires psychotiques, machine à tuer eunuque et un ex taulard en pleine crise d'identité. Banshee c'est tout ça, c'est le chaos en marche, c'est une ville mue par une énergie aussi inexorable que destructrice, c'est un gigantesque bordel où le rocambolesque côtoie la folie brute.
La série cherche ses marques pendant toute la première saison, avec un personnage central à la caractérisation floue, des seconds rôles sans trop d'épaisseur, une esthétique cheap. La nature fiévreuse du show est cependant déjà là, ça tourne un peu à vide mais quelques moments de grâce font qu'on ne s'ennuie pas. Puis arrive une saison 2 de meilleure tenue, qui brosse les personnages comme il faut, qui dessine les contours d'enjeux plus intéressants. Les personnages commencent à devenir intéressants: Job, Carrie, Siobhan, Emmett, Brock, Burton, Sugar, Nola.... ça fonctionne, même si la grande figure maléfique de la série porte un nom qui rappelle un médicament contre la diarrhée. Un tremplin vers une saison 3 complètement débridée où Banshee prend enfin la dimension à laquelle la série aspirait depuis le début. Les entraves tombent, probablement grâce à un budget plus confortable, et les situations les plus folles s'enchaînent. Une saison 3 tendue, furieuse, vertigineuse, sans concession, qui pose définitivement Banshee tout en haut de la pyramide des séries de divertissement. Difficile, après ça, de regarder une autre série avec des bastons sans pouffer de rire tant la barre vient d'être placée haut sur l'échelle du maboule.
Banshee est un show qui éclabousse et qui ne s'embarrasse pas d'excuse, c'est de la série B dans la plus pure tradition du genre. Une approche frontale et sanglante de l'action qui dynamite les conceptions timorées et hypocrites que l'on croise dans de trop nombreux films et séries actuels. Derrière les plaies béantes, les colonnes fracturées, les crânes explosés il y a aussi une série qui s'amuse, l'air de rien, à péter les genoux de nombreuses conventions. Avec la jouissance d'un "sale gosse" éprit de liberté le show maltraite la loi, l'ordre, la religion, le bon goût, les rapports de force. Dans Banshee les personnages féminins finissent généralement à poil, comme les masculins d'ailleurs, mais elles ne sont jamais des boulets... ni des victimes... ni de potiches... ni des salopes, c'est littéralement la chevauchée des valkyries.
C'est bien simple, à Banshee tout le monde est badass, peut importe le sexe, l'origine, l'orientation sexuelle, l'âge, chaque individu devient le moteur de sa propre destruction ou de sa propre émancipation. La galerie de personnages, dont la caractérisation passe souvent par la posture ou par un gimmick visuel, tend vers le comic-book, mais pas n'importe lequel, le comic-book tendance Frank Miller des années 80. Que l'on soit bon, mauvais ou un peu des deux, on ne tergiverse pas à Banshee, on fait face à son destin la tête haute et on rentre dans le tas. La grande intelligence du show réside dans la pleine conscience de sa nature régressive, dans le fait de ne jamais chercher à péter plus haut que son cul et de faire le taff avec efficacité et générosité. Si Banshee est une série faite pour vous vider le cerveau, elle le fait avec une décharge de chevrotine à bout portant.
Les américains ont une expression consacrée : Blow your mind, difficile de trouver plus juste pour résumer Banshee.
Banshee sent le souffre et la décadence, le bourbon et le sang, c'est un western sauvage et baroque.