Baron Noir
7.4
Baron Noir

Série Canal+ (2016)

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Résumé


Une série politique plutôt pertinente mais qui ne plonge peut être pas suffisamment dans les controverses idéologiques, et dans la sphère médiatique, au profit d'intrigues personnelles peut être un peu trop développées.


Détails (et spoilers)


Regarder Baron Noir en juin 2024 est un exercice particulier. On compare la fiction et le réel en admirant la justesse de certains parallélismes : la montée de la défiance envers les professionnels de la politique, l'enfermement présidentiel, et surtout, la difficile union de la gauche. Pourtant, le but de la série n'est probablement pas de faire des prédictions, ni même de vouloir coller parfaitement au réel. J'y vois bien plus un portrait d'un monde politique cynique mais non dépourvu de sincérité, avec une volonté de dépeindre précisément les différents affrontements internes au sein des partis et des majorités parlementaires.


Après l'avoir vu une première fois aux alentours de 2020, j'en avais retenu une grande pertinence, quasi sociologique, dans la construction des intrigues politiques et des conflits personnels. Pourtant, environ 4 ans plus tard, et s'en vouloir effacer le travail très intéressant qui a été fait en termes d'histoire politique et de vocabulaire, j'y vois certains défauts dommageables.


Premièrement, la division interne chez Debout le peuple, menant au départ d'Aurore chez Mercier ne me paraît guère crédible. S'il est certain qu'un Mercier pourrait être étudié par la gauche, je ne vois pas un courant entier d'un parti majeur se rapprocher d'un tel personnage. Pire, cela va dans le sens d'un Debout le peuple (fortement assimilable à LFI) dont le populisme n'aurait guère de limites. Le personnage de Vidal, fidèle à la gauche jusqu'au bout sauve un peu l'affaire mais les liens qui sont faits entre Mercier et la gauche demeurent problématiques.


Venons en donc à Mercier, gourou démago dont la cote ne cessera de monter. Du moins c'est ainsi qu'on nous le présente. S'il est assez judicieux d'avoir construit un personnage de ce type, je trouve que ses prises de paroles demeurent assez entendables pour quelqu'un censé représenter un grand danger politique. Si la scène du débat final permettra de pointer sa vacuité intellectuelle, les épisodes précédents demeurent centrer sur le tirage au sort sans que l'on en connaisse les modalités et les atours. Certain·e·s répliqueront que c'est bien là le problème et que l'on comprend bien qu'il n'a pas d'autres idées que son tirage au sort, mais cela n'est pas assez mis en avant et amène à ne pas faire suffisamment de liens entre son surgissement et les idéologies d'extrême droite.


Dès lors, certaines séquences de la série envoient un message politique assez douteux, que ce soit lors de cette mode Mercier et son rapprochement avec la gauche, ou bien lors du lynchage de Cyril Balsan par des habitants d'un quartier populaire au prétexte qu'il défendait une vision de la laïcité qui flirtait avec l'islamophobie.


Je comprends bien qu'une fiction peut prendre certaines libertés, mais il n'aura échappé à personne que Baron Noir reprend sans se cacher des éléments permettant d'assimiler tel personnage fictif à son pendant dans le monde réel. De fait, les évènements de la série suggère une porosité entre LFI et les confusionnistes qui n'existent pas vraiment ou du moins pas dans ces proportions. De même, l'agression de Balsan ne fait pas grand sens. Des jeunes de quartiers populaires n'ont, à ma connaissance, jamais été mêlés à un lynchage d'une personnalité politique, raciste ou non.


Cela étant, ces défauts ne sont pas rédhibitoires, et la justesse de beaucoup de comparaison reste le point fort de la série, dont l'ensemble des personnages représentent assez bien les qualités et les défauts de chaque personnalité politique, du plus au cynique au plus sincère. Le personnage de Philippe Rickwaert étant à la fois le meilleur représentant d'un politicien tantôt brillant et tantôt abject. Mieux, la série ne tombe pas dans une sorte de centrisme dévastateur et installe une hiérarchie entre la gauche et l'extrême droite, voire entre la gauche et la droite, sans faire un portrait idéalisé des personnages assimilables à la gauche. Je souligne également les très bonnes prestations de la quasi totalité des actrices et acteurs, notamment François Morel et Patrick Mille. Kad Merad et Anna Mouglalis n'étaient peut être pas excellents en début de série, mais leur personnage ont gagné en crédibilité au fil des épisodes.


De plus, l'une des grandes qualités de la série réside dans le fil rouge rickwaertien autour de l'union de la gauche, avec comme point d'orgue le discours très touchant de Philippe lors de son débat avec Michel Vidal. Les interactions entre les deux resteront comme les passages les mieux écrits de la série, et probablement les plus intéressants à analyser, d'autant plus en ces jours si importants pour la gauche et son unité.


Ainsi, cette série a certes des défauts et des manques (place des médias, manque de débats idéologiques sur le fond des mesures et leur conséquences, etc.) mais l'univers mis en scène est une représentation intéressante du monde politique français, de son histoire et de ses potentialités, le tout porté par quelques très bons dialogues.


7.25/10



Evan-Risch
7
Écrit par

Créée

le 19 juin 2024

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2 j'aime

Evan Risch

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