J'ai trouvé cette série vraiment intéressante bien qu'un peu caricatural : les hommes politiques sont soit pourris, soit dévorés d'ambition, soit les deux ! Elle souffre selon moi d'un gros défaut et de plusieurs erreurs / invraisemblances :
1) Un grand absent : l'Administration. Le poids considérable du Conseil d'État dans l'action gouvernementale est totalement passé sous silence, le fait que le Secrétaire Général du Gouvernement choisisse la quasi intégralité des conseillers techniques des ministres et bien souvent les directeurs de cabinet, tous issus des administrations centrales, est totalement ignoré. Le Dir Cab du ministre est ici son plus fidèle conseiller, rôle qui est généralement celui de Chef de Cabinet, l'homme de confiance. Enfin, pas un mot sur la gestion des administrations centrales qui est clairement le job numéro un d'un ministre et loin d'être le plus facile. Bien que très caricatural, le film Exercice de l'État (Pierre Schoeller, 2011) montrait assez bien le rapport complexe entre l'Administration et le Politique : deux légitimités et deux ambitions très différentes qui doivent pourtant cohabiter. Ici, il n'existe plus.
2) Mais que fait la Police ? Où sont les officiers de sécurité du ministre ? Jamais un ministre ne se retrouve seul, il est toujours protégé (et souvent surveillé pour le compte du ministère de l'Intérieur) par ses "flics", qui sont un relais pour le joindre en toute circonstance en cas d'urgence. Un ministre en exercice qui conduit lui-même sa voiture, déménage tout seul un piano et se retrouve en panne sur une départementale, c'est totalement irréaliste.
3) La majorité municipale transformée en fidèles supporters. La majorité socialiste du Conseil Municipal de Dunkerque est une assemblée de "yes men", ce qu'on a beaucoup de mal à croire dans une ville de 90 000 habitants. Quiconque a déjà assisté à un Conseil Municipal constatera qu'une majorité municipale est un ensemble fragile qui demande un management habile et permanent. C'est un mini gouvernement où sont représentées toutes les sensibilités de la ville pour donner à la majorité l'assise la plus large, ce qui ne se fait pas sans heurts. C'est un casting qu'il faut ajuster sans cesse, un équilibre précaire où s'affrontent les ambitions de chacun, pas vraiment ce que nous montre la série...
4) Une affaire des années 80. Imaginer qu'un homme politique se sert des caisses d'un établissement public comme un office HLM pour financer une campagne est une idée des années 80. ça a existé mais aujourd'hui les contrôles sont beaucoup plus forts et ne permettent plus ce genre de dérive. Surtout, vu les sommes évoquées, n'importe quel homme politique de premier plan trouverait ces montants facilement auprès de mécènes issus du secteur privé.
5) Boulette juridique. Grosse erreur sur le recours de l'élection municipale : elle se passe devant le tribunal administratif et non devant le conseil constitutionnel (compétent pour les législatives), généralement assez indépendant de l'Élysée contrairement à ce que la série tente de nous faire croire. Le Président ne peut pas aller les voir et leur faire les "gros yeux". Plutôt ridicule.
Enfin le principal défaut de la série, selon moi, réside dans sa gestion du temps (la série s'étale sur environ deux ans). Les gouvernements sont beaucoup plus tributaires des événements internationaux (crise économique, terrorisme, guerres, catastrophes naturelles) et les médias beaucoup plus néophages (une nouvelle chasse l'autre). Là on a l'impression que tout est figé, que le temps s'arrête et que, paradoxalement, ça suffit pour se noyer, alors que c'est la superposition des couches de crises très diverses qui créé la difficulté du job. Un ancien dir cab de Matignon racontait dans ses mémoires que "la difficulté de Matignon, c'était de devoir gérer en moyenne, un problème nouveau chaque jour." On est là, bien loin du compte...
C'est dommage, parce que la série avait bien démarré et les acteurs sont très bons...