Malgré son récent rachat par l’industriel Vincent Bolloré, la production originale de Canal+ ne faiblit pas. Il faut dire que la plupart des projets de la chaîne, qu’il s’agisse de Versailles, Panthers ou des futures Guyane, Section Zero et Jour Polaire, ont été lancés avant la reprise en main du groupe. Écrite par les créateurs de Maison close, Baron Noir réunit deux figures importantes du paysage cinématographique français, Kad Merad et Niels Arestrup, dans ce qui a été présenté par les médias comme un House of Cards français – un peu comme toutes les nouvelles séries politiques du PAF depuis 2013, donc.
Baron Noir est une série ambitieuse, et c’est son principal atout. Voir la multiplication de ces créations télévisuelles francophones, qui tendent à concurrencer qualitativement ce qui se fait outre-Atlantique, cela fait vraiment plaisir. Les moyens sont là, la mise en scène est propre et l’écriture prend son sujet au sérieux. Les questions politiques abordées par Baron Noir le sont d’ailleurs avec pas mal d’intelligence, abordant des sujets de débats plutôt bien ficelés, en plus de peindre avec pas mal de réussite cette sphère administrative peu exposée.
En fait, là où Baron Noir pèche, c’est qu’à vouloir faire trop américaine, elle s’est transformée en soap opera. Rebondissements digne d’une telenovela, trahisons dans tous les sens sans aucune forme de subtilité – le fait que la totalité des personnages soient infects et détestables n’aidant pas, difficile de s’y attacher. D’autant plus qu’une bonne partie des seconds rôles sont franchement peu convaincants.
La réussite de Baron Noir, encore une fois, c’est qu’elle n’a pas peur du ridicule. Elle n’a pas peur de faire gros, lourd, avec ses effets narratifs bien tapageurs et ses protagonistes qui ont tendance à étaler constamment le fond de leur pensée. Il n’y a pas de mystère au final, pas de non-dits et de sous-entendus, et c’est pour cela que Baron Noir est un soap politique. Un soap politique distrayant, carré et malin sur certains points, mais un soap politique quand même.
En attendant la tentative de Netflix avec Marseille, Baron Noir est un témoignage plutôt évocateur des évolutions récentes de la télé fictionnelle française. Si les Trepalium et autres Versailles ne transcendent pas encore le genre, il reste passionnant de voir ce secteur – autrefois réactionnaire – tenter de se réformer, de se surpasser. Pas toujours avec talent, mais au moins avec de la volonté. Baron Noir est une série parfaitement imparfaite, mais elle mérite qu’on lui laisse une chance. Il est loin le temps des sagas de l’été.