Benny Hill, c’est un peu comme si tu avais pris tout ce qui fait le charme du burlesque, ajouté une bonne dose d’absurdité britannique, et appuyé sur l’accélérateur en boucle. Imagine un monde où courir après des femmes en bikinis et des vieillards grincheux devient un sport olympique, et où le rire est aussi omniprésent que les zooms de caméra maladroits. Bienvenue dans l’univers de Benny Hill, où le comique de situation se transforme en marathon sans fin.
Benny Hill, c’est d’abord un homme aux mille visages (ou plutôt aux mille grimaces). Maître de la blague potache, il incarne à peu près tous les stéréotypes possibles et inimaginables dans un sketch, souvent accompagné de sa célèbre Hill’s Angels (comprendre : des jeunes femmes à moitié dénudées, parce que pourquoi pas ?). Et quel est le fil rouge de chaque épisode ? La poursuite. Toujours la poursuite. Que ce soit pour échapper à un policier furibard, une femme jalouse ou un mari en colère, Benny finit inévitablement par courir à toute vitesse, souvent en accéléré, sous le rythme enjoué de Yakety Sax.
Les sketches de Benny Hill sont une succession de gags visuels, souvent basés sur des quiproquos, des malentendus ou des situations complètement absurdes. Imagine un peu : Benny, déguisé en policier incompétent, essaie d’arrêter un voleur… mais finit par être arrêté lui-même. Ou encore Benny déguisé en grand-mère, échappant de justesse à une chute en faisant un saut périlleux. Rien n’a vraiment de sens, mais c’est justement là que réside le cœur de l’humour. C’est du slapstick pur et simple, à une époque où l’on croyait encore que courir autour d’un arbre en évitant des tartes à la crème était l’apogée du divertissement.
Le problème, c’est que cet humour, bien que parfois efficace, repose beaucoup sur des répétitions à outrance. On rit la première fois qu’on voit Benny échapper à un groupe de poursuivants avec son sourire malicieux, mais au bout de la quinzième fois, on commence à anticiper chaque gag avant qu’il ne se produise. Benny a trouvé une recette qui fonctionne, certes, mais il l’a étirée jusqu’à en faire une sorte de caricature d’elle-même. Le schéma est toujours le même : une situation simple, une escalade rapide dans l’absurde, et une conclusion où tout le monde court, toujours au son du même saxophone endiablé.
L’humour de Benny Hill est souvent très "physique". Peu de dialogues, beaucoup de grimaces et surtout beaucoup d'accélérations soudaines. Les personnages sont des pantins qui se font des croche-pieds, des blagues de mauvais goût, et qui finissent invariablement par se retrouver dans des situations embarrassantes. Benny lui-même est un caméléon : il peut passer d’un rôle de séducteur maladroit à celui de vieillard lubrique en une fraction de seconde, tout en gardant ce même air moqueur. On a presque l’impression qu’il pourrait tout aussi bien se lancer dans un duel avec un escabeau, et ce serait tout aussi cohérent.
L’un des aspects les plus discutables de la série, c’est sa façon parfois un peu datée d’aborder l’humour, surtout en ce qui concerne les femmes. Les Hill’s Angels, omniprésentes, sont souvent reléguées à des rôles de jolies figurantes, leur principal talent étant de courir en maillot de bain ou de se faire embrasser maladroitement par Benny. Aujourd'hui, cet aspect peut sembler franchement anachronique, voire maladroit, mais à l’époque, c’était perçu comme une forme d’humour léger, voire de satire des comportements masculins.
Visuellement, la série a ce côté rétro charmant, avec ses décors de carton-pâte et ses costumes exagérément kitsch. C’est un univers où chaque sketch semble se dérouler dans un théâtre en carton, où l’improbable est la norme. Les effets spéciaux sont presque inexistants, et pourtant, on s’en moque : tout l’intérêt repose sur les situations farfelues et les mimiques de Benny. Ce n’est pas la finesse qui prime ici, mais bien le côté exubérant et théâtral.
La force de Benny Hill, c’est sa capacité à rendre l’absurde contagieux. Même si tu sais que la blague va venir, tu te surprends parfois à sourire devant cette farandole de courses-poursuites improbables, de déguisements ridicules, et de gags visuels dignes des plus grands films muets. Mais cette force est aussi sa limite : après quelques épisodes, on a l’impression de revoir toujours la même formule, encore et encore. C’est un peu comme si Benny avait trouvé une blague qu’il aimait particulièrement et qu’il la racontait à l’infini, en espérant que tu continues de rire.
En résumé, Benny Hill est un monument de l’humour visuel, une série où l’on court plus qu’on ne parle, où l’absurde est roi, et où le saxophone rythme chaque course-poursuite comme un métronome du rire. Certes, l’humour peut paraître un peu répétitif et daté, mais il y a quelque chose d’indéniablement charmant dans cette succession de gags simples et efficaces. Si tu as envie de poser ton cerveau et de laisser les grimaces de Benny te guider dans un monde où tout est prétexte à courir, alors installe-toi, mais prépare-toi à une overdose de "Yakety Sax".