Saison 1 :
"Big Little Lies" est donc une mini-série adaptée d'un livre réputé (que je n'ai pas encore lu...) et qui déroule en 7 courts épisodes de 45 minutes l'histoire de trois femmes confrontées à différents types de violence masculine : de là à qualifier la série de "féministe", il y a un grand pas que nombre de téléspectateurs franchissent allègrement, et ce d'autant que la dernière scène, scène idyllique de réconciliation générale devant l'océan qui a été omniprésent au long d'un récit se déroulant dans une ville côtière de Californie, idéalise un monde débarrassé des hommes. Car "Big Little Lies" a l'intelligence de traiter de trajets individuels forts sans tomber outre mesure dans la généralisation militante, et de ne jamais excuser ni justifier les névroses et les hystéries de ses beaux personnages féminins - tous magnifiquement interprétés, il faut le souligner... L'astuce narrative du récit convergeant vers un double mystère (Qui a été tué ? Par qui ?) qui a tout d'un McGuffin mais réserve une belle tension finale, permet de maintenir une formidable energie tout au long d'une narration qui pourrait sinon paraître un peu répétitive. Jean-Marc Vallée, réalisateur assez controversé, y livre sans doute son plus beau travail : l'hyper-esthétisation qui règne est ici parfaitement justifiée par la description d'un univers bourgeois aussi sophistiqué qu'horriblement mortífère (les commentaires haineux et mesquins des témoins interrogés par la police...), mais c'est surtout le sidérant travail sur le son et la musique qui impressionne. Bref voici encore une remarquable production HBO, qui continue à porter l'étendard d'une forme artistique qui domine désormais son époque... même si l'annonce inattendue d'une seconde saison refroidit quelque peu notre enthousiasme.
[Critique écrite en 2017]
Saison 2 :
Donner une suite à la très belle réussite, tant plastique que thématique, de l'adaptation par HBO du livre de Liane Moriarty n'avait clairement rien d'une bonne idée, et le fait que JM Vallée abandonnait sa place de réalisateur unique de tous les épisodes ne pouvait guère nous rassurer. Sans surprise, cette "saison 2" voit "Big Little Lies", perdre son aura et même un peu de son intérêt, pour devenir une série "normale" avec ses défauts (comme souvent de nos jours, un scénario trop étiré peinant à nourrir 7 épisodes de 45 minutes) et ses qualités (avant tout la qualité d'une interprétation nettement au-dessus de la moyenne des séries TV, mais logique vu son casting de rêve...).
Si l'on admet que "Big Little Lies" est devenu une sorte de "Desperate Housewives" de luxe des années 2010, c'est-à-dire avant tout profondément dépressif, on peut prendre un certain plaisir à une histoire qui n'est (heureusement) plus centrée sur l'énigme de la découverte en flashback d'un événement traumatisant, nous évitant l'irritante répétition d'un procédé artificiel qui avait déjà à l'époque coulé la crédibilité de "Damages", par exemple : les scénaristes ont judicieusement opté cette fois pour la description patiente de l'impact des événements de la première saison sur chacune de nos cinq "héroïnes", et surtout des mensonges qui leur ont permis d'y "survivre". Finalement, l'intérêt vient d'abord ici de cette question, logique mais pas si habituellement traitée dans les suites de films ou même dans les séries : qu'est-ce qui se passe après le mot "FIN" d'une histoire ? Et peut-on envisager un retour "à la normale" ?
Que les réponses apportées ici soient profondément négatives est à la fois rassurant et quelque part un peu trop "moral", au sens très américain' du terme pour que nous puissions adhérer totalement à cette seconde saison. Entre un sentiment de culpabilité fort convenu et l'immanence d'une sorte de justice divine qui pallierait la déficience de la justice des hommes, on est bien là en plein milieu du territoire coutumier de la fiction puritaine américaine, et le dernier plan, extrêmement décevant, conclut tristement une histoire qu'on aurait souhaitée plus audacieuse. Car on est finalement passé dans cette seconde saison de la dénonciation militante de la violence faite aux femmes - nécessitant une réponse proportionnelle de leur part - à l'habituel gloubi-boulga pseudo-psychanalytique explorant les traumatismes des relations parents-enfants : pas de quoi se sentir vraiment excités, donc...
Pourtant, il y a une vraie raison de regarder cette seconde saison, et ce n'est pas la découverte du "nouveau" visage de Nicole Kidman, encore recréé par la magie du bistouri... C'est la présence, une fois de plus stupéfiante, de Meryl Steep au casting : dans le rôle d'un nouveau personnage, moteur de la fiction, elle est tout simplement exceptionnelle, mettant son incroyable talent au service d'un registre inhabituel pour elle. Totalement haïssable et pourtant bouleversante de simple humanité - avec ce mélange parfait de faiblesses et de grandeur -, Meryl Streep crée ici un extraordinaire personnage de "méchante" qu'on n'oubliera pas de si tôt, au point que, plus encore que le joli climax lors d'une habituelle "scène de procès" dans le dernier épisode, c'est elle qui constitue la vraie bonne raison de regarder cette saison de "Big Little Lies".
[Critique écrite en 2019]
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