Voici une série assez ardue de par le thème de la haute finance et ses dérives, incluant des mots barbares comme "délit d'initiés", "fonds d'investissement", "recapitalisation" et j'en passe. Pas une série qui intéressera grand monde en France je pense, car c'est très américain dans le fonctionnement, les institutions, les imbrications politiques et judiciaires.
Mais moi ça me botte ces milieux poliico-judicio-financiers dans le contexte US. Et quand c'est aussi bien ecrit, réalisé, interprété et dialogué, c'est un pur plaisir !
La trame de fond est assez simple en soi puisque le procureur général du district sud de New York veut la peau d'un multi milliardaire dont il est certain que ses pratiques sont douteuses, ayant fait fortune juste après le 11 septembre grace à des placements et des fonds d'investissement. On parle de milliards de dollars, de grand train de vie contre une ethique et une morale de justice qui confinent à l'entetement malsain.
La force de cette série de 12 episodes de presque une heure chacun réside dans la réalisation et le montage d'une part, dynamiques tout en etant chargés en dialogues plus ou moins pointus, voire carrément hermétiques au commun des mortels, d'autre part dans le jeu des acteurs de très haute volée.
L'habitué des séries Paul Giamatti en procureur est totalement habité par son role, le charismatique Damian Lewis en multimilliardaire ambivalent fan ultime de Metallica est tout autant hallucinant dans son jeu, et la diablement sexy Maggie Siff en femme du procureur tout en etant la psy de longue date de la boite de Lewis magnétise le téléspectateur par sa performance impeccable.
Ce trio porte la saison sur ses epaules, mais pas que. Nombre de seconds roles plus ou moins importants apportent du poids à chaque episode, du procureur adjoint intègre mais en plein doute sur la fin, à la femme du magnat qui soutient son mari contre vents et marées, en passant par David Costabile en ami et associé indéfectible dans AxeCapital.
Vraiment un casting du feu de Dieu, ultra homogène et convaincant, avec des jeunes acteurs en arrière plan que l'on reverra certainement ailleurs.
En filigrane il y a une certaine critique de ce capitalisme exacerbé, mais pas uniquement. Doit on toujours en vouloir à ceux qui réussissent, même dans cette Amerique qui s'est construite sur l'industrie et la concurrence ? Doit on chercher la petite bete à un magnat qui donne des centaines de millions par an à des bonnes oeuvres et qui récompense grassement ses salariés qui triment dur ? Est ce moral de gagner des centaines de millions sur une opération bancaire, sur une intuition ? Ne devrait on pas rendre moins opaque tout ce milieu qui flirte souvent avec le cadre légal, le dépassant parfois ?
La série ne prends pas partie, ne souligne pas qu'il n'y a que des bons d'un coté et des méchants de l'autre, au contraire. Le constat est que tout cela existe, rien n'est fantasmé.
La saison 2 promet d'etre du même niveau au vu du final de cette année.
EDIT saison 2:
Quelle saison !
Alors c'est qui le plus enfoiros entre Chuck et Axe ? Leur vendetta personnelle dans les méandres de ces intrigues et coups tordus juridico-financiers n'en fini pas, eclaboussant leurs proches et collaborateurs.
Les acteurs sont fabuleux, Damien Lewis et son charisme de fou, Paul Giamatti pas loin derrière avec son machiavélisme éhonté, Maggie Siff prise entre deux feux toujours aussi éclatante, David Costabile génial en fidèle associé volubile, Malin Akerman plus en retrait mais tranchante, Jeffrey DeMunn tour à tour agaçant et touchant en père ambitieux mais finalement dépassé, ainsi qu'une pleiade de seconds ou troisième roles convaincants, pas une seule erreur de casting, du petit trader chez AxeCapital aux assistants du procureur en passant par les hommes de main ou le journaliste.
Et au milieu de cette distribution five stars, une pépite irradie de talent, cette actrice se proclamant non binaire et non genrée Asia Kate Dillon, tout simplement impressionnante en analyste surdouée et à priori insensible aux emotions. Une révélation.
Le montage est toujours aussi efficace, c'est rythmé, haletant, soutenu, et ce sans explosions, sans artifices visuels, et avec beaucoup de dialogues, dont certains pointus niveau compréhension du monde du trading, mais jamais abscons au point de nous faire lâcher la série.
Et puis il y a un vrai scénario, avec rebondissements et manigances tordues, un bonheur à mon sens. Les deux derniers episodes sont fantastiques à cet égard !
Une deuxième saison qui a tenu toutes ses promesses et même un peu plus, je me suis éclaté ! Je prie pour que la saison suivante soit du même niveau, il y a une infinité de possibilités pour qu'Axel se venge et que Chuck profite, ou pas, de son avantage durement acquis.