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C'est l'homme le cochon/Le poisson qui est devenu un piranha/L'homme du retour rapide

Le principe de la «série de base» est de partir de personnages, d'une situation ou d'un lieu pour arriver à se prolonger dans le temps avec une évolution plus ou moins significative qui lui permet de conserver l'intérêt de ses téléspectateurs. Ici on est face à une série concept dont chaque épisode exploite une idée différente à l'excès sur une même thématique qui est celle des nouvelles technologies, de tendances de société, c'est donc aussi un regard sur l'évolution de l'homme que ce soit dans son rapport à l'autre ou son rapport à la chose.

Cependant, la série ne comportant que 3 épisodes, chacun très différents, je me permettrai de m'arrêter sur chacun, tour à tour.

Épisode 1 - C'est l'homme le cochon
Suite à l'enlèvement d'un membre de la famille royale anglaise, une demande de rançon plus que particulière arrive au Premier ministre britannique, celui-ci doit faire l'amour avec une truie devant les caméras nationales pour éviter la mort de la princesse.

Le dégout, la tension, rythme accéléré, alors que l'information se répand depuis Youtube sur tous les réseaux sociaux puis sur les chaines de télévisions : regards étincelants et avides dans la foule, fascinés par l'humiliation et la dégradation humaine, on est confrontés à ce qu'il y a de plus abject chez l'être humain et ce à une échelle de masse permettant un effrayant poids en tant qu'opinion publique, liant démocratie (en son premier sens) et démagogie.

On a donc plusieurs tableaux, entre le premier ministre et son équipe, la foule, les policiers, les journalistes, le ravisseur. Chaque personnage a des convictions, des objectifs et est confronté à la réalité des faits et de la volonté populaire : longue descente aux enfers où l'homme se dégrade, se fait bête, qui est finalement le cochon dans l'histoire ?

Ça aurait pu arriver hier, ça peut arriver aujourd'hui, ce sera toujours aussi plausible demain et ça fait frémir.

Épisode 2 - Le poisson qui est devenu un piranha
Dans une société futuriste où chacun pédale pour produire de l'énergie et gagner du crédit, où les gens sont enfermés dans une chambre aseptisée, numérisée le reste du temps, chacun est exposé perpétuellement à un flux publicitaire poussant à la consommation ou véhiculant un idéal de réussite qui propage un rêve et motive donc la masse, lui donnant une illusion qu'elle peut méditer dans son coin et poursuivre à l'occasion.

La propagande, l'observation des personnages évoque Orwell, croisé avec American Idol. Cette belle chorale commerciale et consensuelle aux chants de sirène est dirigé par des personnes aux rôles multiples : animateurs, business man, comédiens, marionnettistes de la société.

On part d'une amourette naïve et sincère, élément de réalité au milieu de toute cette virtualisation qui sert de fuite au quotidien, on aboutit à un système dirigé par des gros poissons qui broient, plient et pétrissent les éléments récalcitrants pour les faire rentrer dans le moule.

Le héros de l'histoire cherche alors à se faire entendre, prépare sa révolte, invite la communauté des petits poissons à devenir à sa suite des piranhas pour lutter contre le mensonge, la manipulation et l'absence d'authenticité. Cependant pris à son propre piège il éteint l'espoir qu'il avait allumé chez le spectateur en devenant lui-même un gros poisson, une autre forme de prostitution somme toute presque plus humiliante puisque consentie, de piranha il est passé à poisson clown ...

Épisode 3 - L'homme du retour rapide
Si chacun dispose d'une puce intégrée dans le corps qui couplée avec une caméra enregistre l'ensemble de ce qu'on voit, vit, pour le stocker, on est maître de ses souvenirs qui deviennent aussi accessibles qu'un simple dvd ou fichier video. On est aussi par la même sujet à l'auto critique, l'auto surveillance et donc l'auto-censure : comment se comporter normalement alors qu'un agent de sécurité, que votre boss, que votre famille, peut vous demander à tout instant de leur montrer vos souvenirs pour attester de votre bonne foi ou par pure curiosité ?

C'est surtout aussi s'enfermer et devenir un prisonnier du passé. Un homme qui regarde ses souvenirs régulièrement fini par se voir en train de regarder ses souvenirs des moments où il se regardait déjà ses propres souvenirs où il se demandait quand il a commencé à regarder en boucle ses propres souvenirs ... C'est se demander si chaque détail n'est pas déterminant, si il n'y aurait pas eu une autre alternative à nos choix, remise en cause perpétuelle. C'est enfin la glorification du mythe de l'âge d'or, refuge du passé qui parait toujours plus attirant, merveilleux puisqu'il est souvent idéalisé.

Questionnements et retours en arrières perpétuels amènent le trouble intérieur, le doute et l'effondrement de la relation avec autrui de manière inéluctable, de bons acteurs, un scénario simple au final définitif.

...

De belles brochettes d'acteurs, des idées très intéressantes, une originalité rafraichissante, black mirror nous invite autant à regarder la société qu'à nous regarder nous même, à nous analyser et nous comparer : qu'aurait-on fait dans cette situation, vers quoi allons nous et qui sommes nous ? Dans ce miroir on aperçoit une ombre colorée, cynique et vomitive qu'on n'espère pas dans tous les cas prémonitoire ...
Cmd
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Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes et Top des séries Netflix avec une nouvelle saison en 2016

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le 3 mai 2012

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