Cocktail de fêtes universitaires débridées où alcool, sexe et drogue lui confèrent une étiquette nec plus ultra de produit à la « American Pie », Blue Mountain State ne saurait être réduit à une si piètre dénomination : car quand bien même son background sportif tiendrait du simple prétexte dans sa globalité, ou encore que sa crétinerie assumée composerait les fondements d’un humour gras, le fait est que la création de Romanski & Falconer n’est pas qu’un simple défouloir.
Reconnaissant tout de même volontiers son A.D.N. brute de décoffrage, je me refuse à qualifier BMS de plaisir coupable, la série s’avérant visionnage après visionnage toujours plus maligne qu’il n’y paraît : le premier abord est certes dans une veine purement comique, les sempiternelles clichés d’un univers fantasmé à toutes les sauces y prenant ses quartiers, mais l’on décèle déjà une liberté de ton jubilatoire.
Il conviendrait plus encore de parler de son inventivité hilarante, la série dressant avec aisance des portraits (pour la plupart) savoureusement barjots : Thad se pose en ce sens comme la tête de file d’une imbécilité utile sur bien des plans, l’intrigue folle d’un épisode pouvant y puiser à loisir des ressorts scénaristiques tous plus fous les uns que les autres. La figure centrale qu’est Moran demeure toutefois le cœur des aspirations faussement débiles du show, sa propension à lier absence totale d’ambition, et un recul lucide sur telle ou telle situation, brossant une personnalité bien moins archétypale qu’il n’y paraît.
Reste quelques écueils de l’ordre de l’excès, le sidekick qu’est Sammy peinant à se départager d’une disproportion comportementale lourde à digérer, ou quelques rares épisodes versant dans une invraisemblance sans gardes fous (surtout celui des partiels en première saison) ; néanmoins, par delà une identité drôlatique exquise et autres références excellentes (BMS multiplie les clins d’œil) faisant état d’une écriture réfléchie, la série ne tombe aucunement dans le piège de l’identité stagnante avec, en filigrane, l’évolution de ses protagonistes.
Certes, l’univers des Goats accouche d’une signature assez unique de base, mais a pour mérite de ne pas s’en tenir à ses premiers traits graveleux, chaque saison offrant son lot de changements significatifs comme subtils : il serait alors pertinent de procéder au découpage de BMS de la sorte, ses 39 épisodes révélant une diversité de ton plus riche qu’escomptée.
Première saison : Insouciance
À titre d’entrée en matière, le décor se voit planté sans fioriture, les personnages secondaires s’en tenant à des fonctionnalités purement comiques et, le fer de lance qu’est Moran, se posait comme l’antithèse d’un Shilo responsable. Il était alors difficile d’y déceler une véritable trame de fond, si ce n’est les affres « conjugaux » de ce dernier ; pour le reste, les entraînements et autres habituelles péripéties formaient donc le liant d’une saison universitaire sans prise de tête.
Il s’agit donc objectivement d’une introduction grasse comme décomplexée, mais dont les fondations humoristiques ne manquent pas le coche : les protagonistes sont attachants et (pour la plupart) hilarants, tandis que l’on embrasse à l’envie les arcanes démentes de ce campus fictif (la course au biscuit donne le ton).
Deuxième saison : Éveil
Au sortir du Cypress Bowl, Blue Mountain State est contraint de composer avec les déboires judiciaires de Sam Jones III (trafic de drogue, un comble au regard de la responsabilité qu’invoquait Shilo), et démontre alors d’une capacité d’adaptation certaine : exit donc le talentueux running-back, et bienvenue à l’orgueilleux Radon, le nouveau pendant d’un Moran pas si « détaché » que cela.
Sans se départager de ce qui faisant sa liberté de ton, cette seconde saison est à double titre un premier tournant dans la série : l’émergence du second QB est patente, l’envers footballistique réservant bien des surprises en ce sens, et tient donc lieu de vecteur d’approfondissement. Les seconds rôles évoluent aussi, l’équipe spéciale plaçant ses plus fameux spécimens au centre de l’attention (Harmon), au point de compenser aisément la disparition de Shilo ; qui plus est, son successeur s’intègrera sans coup férir au sein d’un microcosme taillé à sa mesure, les extravagances de Radon s’inscrivant pleinement dans l’empreinte comique du show (au point de faire mieux que la saison précédente).
En somme, ce second acte est un éveil sous diverses formes : Moran d’abord, mais aussi Thad, celui y prenant une place de plus en plus importante et accroissant son statut de tête de proue identitaire de la série ; enfin, la série dans son ensemble y puise un soupçon de sérieux que l’on accueille à bras ouverts, car de l’ingéniosité de quelques épisodes (comme le songe initiatique de Thad) à une sincérité palpable, tout concourt à fouler du pied cette étiquette d’American Pie like.
Troisième saison : Consécration
Ironie du sort, cette troisième et dernière saison doit passer outre l’absence de Page Kennedy (Radon), amenant donc BMS à réviser ses gammes : sans QB à entretenir au premier plan, Moran endosse pour de bon le rôle de starter et même (pour un court moment) celui de capitaine. L’enjeu dressé autour de la présence ou non de Thad offre d’ailleurs un comeback proprement hilarant, et permet de fil en aiguille d’en faire le dernier « partenaire » sportif du même Moran, dont les nouvelles responsabilités vont définitivement asseoir l’évolution.
Connaissant la fin prématurée de la série (pas de quatrième et dernier acte), il n’est alors pas surprenant de voir la série poursuivre dans la continuité de l’ère Radon : le Foot US y occupe une place toujours plus importante, sans pour autant renier ses caractéristiques originelles, mais le fait est que l’intrigue parvient à une osmose logique entre l’envers compétitif et les réjouissances festives (l’épisode 6 y fait notamment écho, non content d’être tout bonnement culte).
Mais ce qui prime bel et bien dans cette troisième saison, c’est son chant du cygne : l’arc NCAA / Champs de Maïs est en effet la conclusion rêvée d’un show s’extirpant du monolithe graveleux une fois encore, et de quelle manière ! Par le biais du seul match que comptera BMS (belle ironie), celui-ci se conclut donc en une apothéose nostalgique mais réjouissante, soit la preuve d’une ingéniosité pas seulement réservée aux gags habituellement proéminents.
Encore aujourd’hui, que je regrette que les audiences n’aient alors pas tenu la route, celles-ci nous privant d’un dernier tour de piste à n’en pas douter excellent : mais outre le complément cinématographique, le visionnage de la série n’en demeure pas moins toujours aussi savoureux. Alors certes, l’ensemble repose essentiellement sur un humour que tous n’apprécieront pas, mais que voulez-vous que je vous dise, je plains ceux qui s’en tiendront à son apparente facilité et ses traits de teen-movie décérébré.
Non content d’être formellement plutôt bien torché, au détour d’une bande-son exquise, BMS constitue aussi un formidable remède à la morosité (et même la rupture, testé et approuvé), et compte donc parmi mes coups de cœur de jeunesse devenus des références éternelles : aussi, un grand merci à Thad, Moran et consorts (Alan Ritchson et Darin Brooks sont d’ailleurs bien meilleurs acteurs que certains aiment à le prétendre) pour ces 39 épisodes de pur bonheur.
Alors, encore une fois, et non la dernière : GO GOATS !