Braquo.
C'est à Canal Plus que l'on doit cette série, créée par Olivier Marchal, l'ancien flic devenu réalisateur de films de flics et donc aussi de série de flics.
Tragiquo.
Braquo, c'est tragiquo.
Oui, ce néologisme facile sied comme un gant aux 16 épisodes et 2 saisons que constituent cette série.
Tragique tout d'abord car, comme à chaque fois avec Olivier Marchal, les situations que vivent ces poulets relèvent de l'acharnement du sort. Ils tons tous cassés, détruits, pourris par le jeu, l'alcool, les remords, la culpabilité, leurs errements. Sans exception. Les hommes bien sur, forts, fiers, virils et revêches, mais aussi les femmes, sournoises, tristes, ambitieuses et venimeuses.
Y'a un mec sur Senscritique (@plug_in_papa) qui a inventé John et John. Ici, il pourrait écrire sur Francois et Jean Hubert tellement l'ensemble respire la caricature.
Bien évidemment, les quatre acteurs principaux (incarnant Wachewski, Caplan, Walter et la meuf) mangent l'écran. Ca tombe bien, on les voit souvent. Ils sont beaux, ils sont forts, on a envie de leur faire des bisous.
Mais le tragique n'est jamais loin. Et en dépit d'une présence forte, les efforts qu'il déploient ne sauvent pas du naufrage cette bicoque vide dans un champ de mines.
Qu'il s'agisse du scénario ou de sa mise en scène, des dialogues inaudibles ou des incohérences, des Deus ex machina qui s'enchainent sans fin, rien n'est laissé au hasard : tout est tragiquement mauvais.
Tragico
Mais dans Braquo, tout n'est pas seulement triste. On rit également beaucoup. Oh, ce n'est jamais volontaire, mais on rit franchement. Et ce sont ces éléments déjà tragiques qui permettent de faire basculer la série dans la comédie outrancière débile.
Oui, les punchlines viriles des flics sont minables, pires que le doublage de Running Man. Remplies de grossièretés vulgaires et d'enculés partout.
Soit la police a un sérieux problème de sexualité (mais ça m'étonnerait, car les ministres et les présidents aussi), soit c'est le créateur de la série qui refoule un sentiment ambivalent. Quelle que soit la réalité, cette avalanche incessante d'enculés fatigue. Il faut certes se mettre au niveau du public de Canal, encore prêt à payer pour regarder la télévision, mais je ne savais pas qu'il fallait tomber si bas. Et quand ce n'est pas grossier, les héros marmonent, comme les introvertis agressifs et dépressifs qu'ils sont. On ne comprend rien, mais on s'en fout, et on ne perd rien du scénario.
Enfin, du scénario... Hormis la jolie reconstitution des différentes intrigues, rien n'a de sens. On suit une équipe, puis une autre, puis une autre, puis une autre, et on passe à l'épisode suivant. Ne cherchez plus la moindre tentative d'ancrage de la série dans une réalité quelconque. Tout le monde plane, et surtout la vraie police, qui n'intervient jamais malgré une attaque de bar à l'arme lourde et ne met pas la main sur un gars recherché par tous et partout qui montre sa trogne dans tous les troquets de Paris.
Ah oui, aussi. Dernier point génial du scénario : les nouvelles technologies militaires. De petits bracelets permettent de dévier les balles électroniques. Oui oui, ces petits trucs fondus propulsés et capables de franchir 1km en quelques secondes peuvent être déviées par des bracelets en caoutchouc.
Et ce n'est pas tout. La fameuse mise en scène de la série, dont les rebondissements sont hyper prévisibles, réussit le tour de force de proposer une ridiculisation systématique de toute tentative dramatique. Mention spéciale pour la romance de Eddy dans la saison 2. C'est hilarant. C'est bien simple, rien ne survit, rien ne surnage, que ce premier degré lourd et pénible tout au long des épisodes.
Parlons un peu des personnages. Entre ceux qui sont éliminés et dont on n'entend plus parler sans raison, et ceux qu'on se traîne bien trop longtemps, toujours sans raison (enfin, Vogel quoi, et le préfet, et le proc', et le fils juif, et et et...), le tableau des gueules cassées prête plus au groupe de parole qu'à la force d'élite de notre nation. On se trouve là aussi forcé d'admettre à quel point ce sont des gens malgré tout droits et forts. Qui croient en des valeurs de famille, d'amitié, d'amour, d'honneur. Ils se tirent dessus à l'arme lourde et à l'explosif mais ils s'estiment et il s'aiment. Comme dans Heat en fait. Mais en mauvais.
La saison 1 de Braquo est parue en même temps que The Shield explosait les têtes de ses spectateurs. Comparaison déjà fatale à l'époque, où on nous vantait l'ambiguïté des protagonistes braqueurs qui s'arrêtait pourtant sur le seuil de toutes ces valeurs, la pire bavure s'arrêtant au meurtre d'un violeur de femme enceinte sans remord.
La saison 2 ne fait que suivre des truands au pays des bisounours dont les méchants ont des yeux de verre et des tailleurs Chanel.
J'espère que François et Jean-Hubert n'auront pas l'idée de nous pondre une saison 3 dans 3 ans pour faire suite à cette vilaine mascarade.