lave plus blanc que blanc, surtout quand vous lui mettez des bâtons dans les roues. Mais au fond c'est un bon américain, il fait tout ça "pour sa famille" parait-il, du moins il essaie de s'en persuader
(presque jusqu'au bout)
.
C'est toujours délicat de décerner le titre de "plus grande série de tous les temps", parce qu'il y a toujours des séries importantes qui nous échappent, qu'on ne voit pas, qui ne résistent pas à une rediffusion 10 ans plus tard - celle-ci résiste sans problème à l'épreuve des dix ans. D’ailleurs, je ne suis pas un gros consommateur du genre, c’est trop chronophage. Mais tout de même, d’instinct je dirais que Breaking Bad ne doit pas être loin de la première marche du podium tant elle atteint la perfection.
Perfection formelle dans la réalisation, pleine d'inventivité visuelle dans les cadrages et - surtout - le montage, qui confine carrément au génie. Perfection dans l'interprétation, où tout commentaire serait superflu tant les acteurs semblent jouer leur propre rôle et faire oublier qu'ils sont des acteurs - mentions spéciales à Anna Gunn et Aaron Paul qui ont des rôles extrêmement difficiles à assurer et qui s'en sortent haut la main.
Perfection dans l'écriture, tant cette série atteint une profondeur rarissime pour ce type de média - avec des dialogues aussi hilarants que percutants, et parfois franchement glaçants.
Pis cette entame de chaque épisode et les 3 notes de génériques qui claquent sans crier gare. Quel coup de génie, cela provoque à chaque fois un effet variable : comique, épique, décalé, tragique, intriguant...
BB est extrêmement subversive dans son propos : les piliers de la société américaine - famille, mariage, méritocratie, argent - sont attaqués sur leurs bases, bouffés à de l'acide dans un bidon en plastique (on avait dit pas la baignoire Jesse). Le système de santé américain est au passage passé au vitriol, factuellement et sans lourdeurs démonstratives.
Jamais manichéenne : au contraire, tout Breaking Bad démontre que les frontières entre le bien et le mal sont particulièrement fongibles et peuvent être traversées plusieurs fois dans les deux sens par n'importe qui - même si certains ont tendance à creuser inéluctablement pendant que d'autres espèrent remonter. J'ai adoré comment certains personnages, y compris ceux pourtant indéniablement du côté du bien, cèdent parfois plus ou moins longtemps à leurs penchants sombres - avant de retrouver la clarté - puis de replonger, de retrouver de nouveau leur éthique, etc. etc. Un tel refus du manichéisme est remarquable - même Walter White au fond du trou de l'enfer et de son océan de mensonges est encore capable de bonnes actions et de franchise touchante, même Hank l'ange grande gueule fragile qui veille sur la société est capable de saloperies peu avouables si cela lui permet de coincer sa cible. Dans BB, la fin justifie les moyens, mais à quels prix !
Un petit mot sur la musique, toujours utilisée avec parcimonie mais fort judicieusement. On y trouve même une reprise de Mano Negra sortie de nulle part dès le tout début de la série.
Mais le gros point fort ce sont évidemment les relations entre les personnages, et notamment celles père-fils / amour vache entre Walter - le brave type camusien qui se transforme en cousin de Kayser Söze et Jesse, junkie dostoievskien paumé, bien trop doux pour ce monde de brutes et dont le haut niveau de moralité est complètement incompatible avec la voie professionnelle choisie !
Attention, Breaking Bad rend complètement accroc et provoque une mini-dépression une fois le dernier épisode de la dernière saison visionné ! D'ailleurs, hasard ou pas, je n'ai quasiment plus regardé de série après, même si quelques unes ont pu trouver grâce à mes yeux ; mais rien qui ne puisse faire oublier Breaking Bad, qui a mis tout le monde d'accord. Ou presque. (si vous n'avez pas aimé cette série...et bien ce n'est pas grave et je vous souhaite d'en trouver d'autres qui vous procureront autant de plaisir qu'elle m'en a donné).
le petit point cancel culture
Série beaucoup trop
bien
complexe pour être analysée sous l’angle woke par la commission des oeuvres autorisées en dix secondes. Celle-ci rendra son verdict après le 3e visionnage. Ou le 4e. Ou le 5e.