Ce n’est un secret pour personne. Je suis un cinéphile élitiste, je méprise la plèbe inculte qui ne connaît pas par cœur le découpage exact de tout Hitchcock… Vous avez compris. Et donc, en ma qualité de cinéphile élitiste, j’ai un certain mépris pour les séries télé, elles sont trop longues, mal dosées, le cliffhanger est une mécanique d’une malhonnêteté ahurissante visant à la rétention des cerveaux. Utopia, de Dennis Kelly, avait commencé à me convaincre qu’il était possible d’en sortir. Et Breaking Bad, de Vince Gilligan, a continué dans cette lancée : c’est tellement bien qu’on dirait du cinéma. Et il faut le dire, ce qui est accompli au cours de ces cinq saisons relève du génie, tant sur la mise en scène, trouvant une uniformité et un style bien particulier, que sur l’écriture, puisque le duo Walter White/Jesse Pinkman est probablement un des duos de personnages les mieux écrits de l’histoire de l’audiovisuel, et il est assez fascinant de voir leurs trajectoires parallèles et opposées, s’inscrivant dans leur comportement que dans leur physique. Et à l’image de la déchéance physique de Walt et Jesse, la série va s’accompagner d’une évolution de ton parfaitement dosée, passant d’une satire de la société américaine à l’humour particulièrement noir, à une étude de personnages sans concession, dans une descente aux enfers absolument terrifiante. L’appréciation qu’a le spectateur vis-à-vis de Walt en est assez significative : on le prend d’abord en pitié, avant de commencer progressivement à le détester dans les dernières saisons, face à la chute progressive des diverses barrières morales, qui culmine dans la saison 4 et plonge définitivement la série dans une noirceur nihiliste. On assiste alors à la déchéance d’un personnage dévoré par l’ambition, jusqu’à une conclusion glaçante et pourtant étonnamment calme. Et lorsque le final se conclut, ne reste que le vide du désir d’un nouveau tour de piste, mais cette fois, c’est bien terminé. J’ai fini.