Comment Walter White, professeur de chimie sans histoire, est devenu le fabriquant de meth le plus badass de l'histoire? C'est ce que Breaking Bad nous raconte pendant cinq saisons dantesques dans lesquelles Vince Gilligan et son équipe usent de leur génie nous offrant ainsi 62 épisodes quasiment parfaits. Retour nostalgique sur l'une des meilleures séries de tous les temps...si ce n'est la meilleure!
Pendant six ans, on a suivi en douceur la lente descente aux enfers d’un homme atteint d’un cancer qui tombe dans la plus hilarante et pathétique des manières dans le trafic de méthamphétamine. Si le scénario semblait nous diriger vers les stéréotypes du genre avec un prof de chimie devenant fabricant de drogue pour subvenir aux besoins de sa femme enceinte et de son fils handicapé sans oublier de mentionner que son beau-frère travaillait chez les stups, la série nous a pourtant vite fait sentir le chef d’œuvre. En effet, la première saison a pris son temps pour fonder les bases de la série et ainsi mieux apprécier les débuts du futur Heisenberg. Et qui d'autre que Bryan Cranston aurait pu incarner ce professeur chétif et docile prenant progressivement les choses en main? L'acteur, magistral et victorieux de quatre Emmy Awards pour ce rôle, illustre parfaitement cette délicieuse métamorphose auquel le spectateur assiste aussi incrédule que sa propre famille.
Mais qu'est ce qui rend "Breaking Bad" si unique?
Le récit des aventures du petit prof de chimie d'Albuquerque est un mélange de genres, du western au film noir, du drame social aux récits de gangsters. Elle est en partie inclassable parce qu'elle ne connaît aucune limite autre que celle de l'imagination qui est toujours dépassée par la réalité. Mais s'il fallait résumer en une phrase ce qu'est Breaking Bad, on pourrait dire qu'elle est l'histoire d'un homme qui s'est libéré, qui s'est affranchi de son quotidien, de son ordinaire et qui a mis longtemps avant de comprendre que cette liberté avait un prix. Son destin, a priori funeste, offre cependant une chance unique d'éprouver des sentiments qui lui semblaient interdits. Bien sûr, il devient un parfait salopard, un meurtrier de sang-froid, un type sans scrupule que l'on aurait envie de détester et pourtant, on ne peut jamais s'empêcher de se demander ce que nous aurions fait à sa place.
Pour moi, c'est là que Breaking Bad est fascinante car non seulement on conserve de l'empathie pour ce héros que nous devrions détester mais on en vient presque à se demander ce que cela fait d'être ainsi embarqué dans un camping-car qui roule dans le désert du Nouveau Mexique.
La série restera dans les annales pour son personnage principal, bien sûr, qui a su maintenir une ambiguïté impressionnante jusqu'au bout, mais également pour son style visuel, sa musique (bravo à Dave Porter qui a délivré un travail formidable sur la bande sonore) et surtout pour la construction de la narration. En effet, le génie des scénaristes forcent le respect, ils nous ont offert de vrais moments jubilatoires où le spectateur était souvent placé en position de juge attendant sans cesse de savoir quand la ligne du moral allait être franchie. Ce génie est illustré par un casting magistral délivrant une palette incroyable de personnages: Bryan Cranston est spectaculaire, la meilleure performance que j'ai vu, Aaron Paul offre un Jesse remarquable, Anna Gunn est hallucinante en épouse victime de son mari, Dean Norris et Bob Odenkirk sont hilarants mais touchants et Giancarlo Esposito incarne un Gus Fring terrifiant. Comme l'a écrit Anthony Hopkins à Bryan Cranston: "Chacun a donné une vraie leçon de jeu."
Et comment ne pas parler du dernier épisode Felina, final brillant et de sa dernière image? Il y avait dans cette dernière scène une immense tristesse, un intense soulagement et une beauté marquante résumant parfaitement la série. Walter ne pouvait pas nous quitter sans laisser derrière lui ce sentiment de profonde complexité, sans nous répéter combien il fut un personnage contradictoire, combien nous l'avons aimé pour ce qu'il était. Un pauvre type qui s'est vu offrir la chance extraordinaire de pouvoir vivre. Lui qui a si souvent menti, lui qui a cherché toutes les excuses pour expliquer chacun de ses actes, lui qui vivait engoncé dans les faux-semblants parvient finalement à exprimer la vérité, celle qu'il a toujours portée au fond de lui...
I did it for me. I was good at it. And I was really…I was alive.
Cet adieu à sa femme Skyler n'est pas un signe de départ, cela fait bien longtemps qu'il est sorti de sa vie, c'est plutôt un aveu qu'elle avait besoin d'entendre pour commencer à lui pardonner, pour recommencer à vivre, pour retrouver l'existence de laquelle il l'avait sortie et à laquelle elle ne demandait qu'à retourner.
Jusqu’au bout, la série aura marché sur une ligne fragile: violence et apaisement, course contre la montre et ralenti, monstruosité et humanité. Walter White aura maintenu une ambiguïté qu’on croyait impossible jusqu’aux dernières secondes. On le croyait perdu, détestable, méprisable mais il aura su sauvegarder une pointe d’humanité enfouie. Une humanité qui en vient, enfin, à assumer son égoïsme, la soif de vie qui aura pourtant entraîné tant de morts… mais encore capable d’une infinie douceur, avec ceux qu’il aime. Sa fille Holly, un bébé resté dans l’ignorance de ses crimes, et Jesse, son fils spirituel, qu’il a détruit mais qu’il n’a jamais cessé d’aimer.
Breaking Bad s’est terminée sur un épisode d’adieu qui, sous sa violence, débordait d’émotions faisant ainsi entrer la série dans le panthéon des meilleurs séries de tous les temps.
Merci...BITCH!