Walt est un type sans histoire. Américain moyen, il mène une vie morne et monotone qu'il partage avec son fils handicapé Walter Jr et sa femme Skyler. Prof de chimie et ex prix nobel, il passe sa vie à enseigner sa passion - la seule chose qui lui rappelle qu'il est en vie - à de jeunes gens qui préféreraient qu'il soit mort. Jusqu'ici, rien d'anormal. Un beau jour Walt apprend qu'il est atteint d'un cancer incurable, et comme bien souvent chez les vivants, la mort va lui servir de piqûre de rappel.
Walt vient d'avoir 50 ans. Bien décidé à ne pas rester sur le carreau, il décroche un deuxième emploi - de caissier - pour pouvoir payer les traitements non pris en charge par la sécurité sociale. Broutilles. Après s'être tué à la tâche pour de l'argent de poche, Walt, sous l'impulsion de sa femme, décide de se tourner vers la charité d'anciens amis devenus milliardaires grâce à lui. Lesquels n'hésitant pas à lui faire sentir la douloureuse brûlure qu'est l'aumône, il n'en faut pas plus à ce quinquagénaire pour "péter un plomb" et flirter avec l'illégalité. S'en suit tout une série de péripéties que nous connaissons.
Difficile de ne pas voir en Breaking Bad une mise en abyme du sujet principal. Non pas que je sois un junkie chevronné mais il est clair que cette série a les mêmes effets qu'une drogue douce. Une entrée en la matière assez déconcertante et d'abord plutôt repoussante, une montée en puissance finissant en apothéose sont les ingrédients de cette série dingue, nous l’appellerons donc seringue (haha).
Plaisanteries à part, Vince Gilligan signe avec BrBa un chef d'oeuvre d'humour noir et de polar. Au travers de Walter White, nous assistons à la catabase d'un Ulysse moderne qui n'hésite pas à vendre son âme contre des dollars. Fortement ancré dans son temps, BrBa cible et crible le gouvernement Obama pour son laxisme sur la réforme de la sécUS. Plus avant, nous y voyons un homme confronté à des choix moraux qui le changeront à jamais. Avec l'argent viens le pouvoir, avec le pouvoir le cynisme, avec le cynisme les ennemis, avec les ennemis la mort. Pas besoin d'être un génie du crime pour deviner que cette série va finir dans le sang.
"Les fleurs du mal" aurait eu sa place comme titre tant la tentation du mal, toute la perversité de sa beauté sont présents. Adultère, drogue, meurtre, vol, viol, débauche, tout y est. L'état de dépravation de Walter rappelle sinistrement la célèbre phrase de Nietzsche "Quand on lutte contre des monstres, il faut prendre garde de ne pas devenir monstre soi-même. Si tu plonges longuement ton regard dans l’abîme, l’abîme finit par ancrer son regard en toi."