Bref.2
8.2
Bref.2

Série Disney+ (2025)

Bref.


Quand maman est morte, tout le reste m’a semblé dérisoire. Mes projets pros. Les choses pour lesquelles je râlais. Celles sur lesquelles je m’extasiais. Mes envies. Les films. Les séries.

Le cancer, ça peut aller très vite. En quelques mois, elle est partie. Quand j’ai perdu maman, c’était une tempête. J’avais juste envie de me rouler en boule. Pleurer. Hurler. Appeler ma maman. Comme un bébé animal blessé. À la place il fallait tenir la barre du bateau. Ça, c’est au sens figuré. Littéralement, ça veut dire contacter :

Les pompes funèbres

Une liste interminable de gens

Les gens qu’on avait oubliés dans la liste

Mon père après quatorze ans de silence

La banque

Le notaire

Le comptable

L’assurance

Et aussi organiser :

La cérémonie à l’église

La cérémonie au crématorium

Le buffet entre les deux

Écrire un discours

Rassembler des photos

Choisir les musiques

J’me suis dit : c’est trop dur. Je découvrais un nouveau niveau de souffrance, comme si j’avais débloqué un level secret ultra-hardcore dans un jeu vidéo de tryhard. Mais à chaque fois qu’il le fallait, j’ai trouvé une force et un calme à l’échelle de cette souffrance et j’ai tout géré comme si j’avais déjà poncé le niveau cent fois.

Quand c’est dur, on trouve la force.

C’est maman qui m’a donné sa force.

J’ai pensé : merci maman.

Les cérémonies se sont bien passées.

Enfin…

Si on met à part que les pompes funèbres se sont trompées de cercueil.

Ceci n’est pas une blague. Tout est vrai dans cette critique. Ils se sont trompés de cercueil.

J’avais bien dit : « pas celui-là, je n’aime pas les poignées en plastique. Ma mère aimait la nature. Plutôt celui-ci, avec les poignées en bois et les motifs, ça aurait pu être un meuble chez elle… » TU PEUX PAS ÊTRE PLUS CLAIR QUE ÇA BORDEL.

Le matin on arrive pour la mise en bière : c’était celui avec les poignées en plastique.

Putain. De. Merde.

Durée de la colère avant de revenir au deuil : cinq minutes.

Quand j’ai dit à la dame qu’ils s’étaient trompés, elle m’a répondu d’un air pincé : « ah non. C’est celui-là. » Je me suis demandé combien d’années d’études il fallait après le bac connerie pour arriver à ce degré d’expertise en faute professionnelle et en mauvaise foi. J’ai eu envie de la frapper. Je l’ai pas frappée.

Durée de la colère avant de revenir au deuil : Vingt minutes.

Le lendemain, je suis allé chercher l’urne avec ma tante. On en a reparlé. J’ai dit : « on a de la chance quand même, ils se sont pas trompés de corps ». On a ri. Heureusement, face à la bêtise humaine, il y aura toujours l’humour.

Ensuite on est retournés voir la dame des pompes funèbres pour faire le point. Elle nous a présenté ses plus plates excuses. J’ai obtenu un geste commercial. J’ai voulu lui faire un autre geste, moins commercial. Je l’ai pas fait. Je lui ai fait face fermement mais de manière constructive, sans entrer dans le conflit, et on a tout résolu, comme l’aurait fait ma mère dans la même situation. Elle aurait été fière de moi. Donc, j’étais fier de moi.

Ensuite, la tempête passe. La mer reste très agitée, mais y’a des moments d’accalmie. Des traits de lumière dans le ciel. J’avais plus envie de regarder du divertissement, mais au bout d’un moment les habitudes reviennent.

Alors, j’ai lancé Bref 2.

J’avais peur que ce soit nul. Genre, la suite de trop.

Le premier épisode m’a mis une claque.

Le deuxième épisode m’a mis une claque.

Le troisième épisode m’a administré une ÉNORME CLAQUE. J’ai pleuré. J’ai repensé à maman.

Le quatrième épisode a multiplié les claques et changé l’eau de mon corps en larmes, comme un Jésus dans un remake vénère de la bible.

Le cinquième épisode m’a claqué fort. Comme des fesses dans un vieux porno pas réaliste.

Le sixième épisode m’a achevé avec une claquasse de l’espace. Comme si la Nasa avait étudié pendant dix ans le décollage de cette claque vers ma tête. Atterrissage réussi.

J’en suis ressorti claqué.

Bref dix ans plus tôt m’avait amusé, avec un petit truc en plus.

Bref 2 m’a renversé. M’a donné des leçons de vie. A fait écho à tout ce que j’ai appris ces dernières années. Bref 2 m’a dit : « Oui tu traverses un deuil, mais t’es pas tout seul. Et oui tu galères dans ta vie personnelle et amoureuse, mais tu apprends, tu te remets en question, continue comme ça et tu as des chances d’y arriver. »

J’me suis dit calme-toi, c’est juste une série. Et t’es dans un état émotionnel intense, c’est normal qu’un rien te bouleverse.

Et c’est vrai.

Mais l’ensemble dégage une telle sincérité que je ne peux que l’aimer sincèrement en retour.

Quand c’est triste, c’est vraiment triste, et quand c’est drôle, c’est vraiment drôle.

Bref avait capté plein de petits aspects de nos vies modernes, comme un manuel du petit occidental frustré pour les nuls, mais Bref 2 a capté des aspects de LA vie avec un grand V, ça nous parle de choses essentielles, de ce que c’est vraiment, grandir.

En plus c’est si bien ficelé, rien n’est superflu, on est loin du style websérie de l’époque avec des épisodes casés dedans juste pour le fun, cette fois c’est un ensemble cohérent, efficace et précis, dans lequel les arcs narratifs se bouclent et se raccordent intelligemment et expriment des cheminements humains avec sagesse et subtilité. Tellement satisfaisant… Sans oublier la mise en scène créative, amusante, et au service du fond.

L’art a toujours été ma bouée de sauvetage. J’avais jamais traversé une telle tempête, et jamais eu autant besoin d’une bouée à laquelle m’accrocher.


Bref, maman est partie.

Mais elle sera toujours avec moi pour me guider.

Et la fiction aussi.


Veather
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il y a 3 jours

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