Broadchurch, une vraie réussite
Broadchurch, nom d’une petite bourgade anglaise en bord de mer, nous conte le destin des habitants de cette ville autour d’une enquête policière visant à arrêter le meurtrier d’un jeune garçon. Des feuilletons (on pourrait l'appeler comme cela, même si le terme se perd) comme ça, on pense tout de suite qu’on en a déjà vu, et que sur si peu d’épisodes, on aura rien d’autre que l’enquête d’un Poirot ou d’un Holmes étendue au maximum pour ne pas en perdre une miette… Et pourtant…
Promue efficacement par la chaîne nationale chargée de sa diffusion, la série avait créé son petit bonhomme de chemin dans l'esprit des téléspectateurs et des séries-vores quelques jours avant son premier passage, installant déjà son climat de mystère alors qu'elle n'avait pas encore fait sa première télévision en France. Avec des trailers sombres, simplement portés par la voix du personnage de Tennant, l’inspecteur Alec Hardy, annonçant à ses concitoyens par le biais d’une interview qu’il résoudrait cette enquête par tous les moyens, ces publicités atypiques attisaient déjà la curiosité. La presse s'y est mise également, m'informant que la série avait été tournée dans des conditions bien particulières, notamment en cachant le script aux acteurs, qui découvraient l'évolution de leur personnage à chaque nouveau jour de tournage. Même la personne jouant l'assassin ne le sut qu’au dénouement du scénario !
Il n’en fallut pas plus pour me donner envie de tenter l’aventure, et je n’ai pas été déçue !
Scénario : 2/2,5
Je ne suis pas grande amatrice de policier. Il faut vraiment que ça m’accroche ou que je n’arrive pas à tout démêler en une demi-heure pour que ça m’intéresse. Avec Broadchurch, outre une énigme bien menée et assez intéressante, on suit l’évolution de quelques personnages, au fil des jours d’angoisse et d’attente composant l’enquête. Le parcours de chacun se mêle bien à l’intrigue principale et la renforce de petits détails et d’un caractère vivant et réaliste.
Je regrette cependant un démarrage un peu lent (même les personnages s’en plaignent, trouvant à plusieurs reprises que l’enquête piétine, mais en cela c’est réaliste, et permet à l’intrigue de partir sur de fausses pistes), et une résolution un peu rapide une fois que l’on sait qui est le tueur, d’autant que ce qui suit est plaisant et aurait mérité un peu d’étirement, pour savoir par exemple comment tout le monde a vécu la conclusion de l’enquête.
Personnages et dialogues : 2,5/2,5
Indubitablement, à mon avis, l’énorme point fort de Broadchurch. J’avoue m’être penchée sur la série pour David Tennant, que je trouve très bon comédien, et que j’avais très envie de voir dans un rôle aux antipodes de celui du Docteur. Alors, non seulement, les comédiens sont dans l’ensemble très bons (je poserais cependant un bémol sur la performance d’Andrew Buchan (Mark Latimer, le père de Danny Latimer, le jeune garçon assassiné) que j’ai trouvé inégale, parfois très médiocre, parfois très bonne, en fonction des épisodes), mais les scénaristes ont créé de véritables perles en matière de personnages. Sans manichéisme, chacun à ses parts d’ombre et de lumière, et au fil de l’intrigue on en vient à se méfier de tous et à rester dans le doute un long moment. L’interprétation est réaliste, sans pathos, sans exagération, et pourtant touchant ou percutant quand il faut. Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est que tous les personnages sont explorés et sont intéressants. Cela donne corps au récit par plein de petits détails, et crédibilité aux vies de ces habitants. Coup de cœur bien sûr pour le héros, interprété par Tennant, l’inspecteur Alec Hardy, qui traîne de sacrées casseroles derrière sa mine bourrue et surprendra par ses révélations (qui le transformeront en l’un des personnages les plus sympathiques du lot, alors que la métamorphose inversée se fera pour d’autres…).
Sur les dialogues, quelques belles phrases qui restent en mémoire, et qui frappent là où ça fait mal. Réalistes dans l’ensemble, même si la répartie pas toujours naturelle tend à faire sourire, avec les personnages (cela se remarque surtout dans des traits d’humour).
Rythme : 2/2,5
Les séries policières nous habituent souvent à un rythme nerveux sur l’enquête, et à une résolution triomphante, où tout est expliqué, le plus souvent, dans les moindres détails (pensons, n’est-ce pas, au spectateur idiot sans imagination qui a besoin que tout lui soit démontré pour le comprendre) . Broadchurch est différente. L’enquête est lente, piétine, met mal à l’aise les personnages comme les spectateurs, qui se tordent d’angoisse et de doutes en cherchant le ou les coupables. C’est difficile, ça peine, mais c’est réaliste et agréable. Car, quand tout commence à se décanter, et les engrenages à se dérouiller, c’est proprement jubilatoire, sans parler du climax, et surtout d’un épilogue somptueux, notamment coloré d’un très beau règlement de compte entre deux personnages séparés par une porte de cellule... (le dialogue y est délicieux, d’ailleurs). Ce qui colore aussi Broadchurch de teintes différentes, c’est un côté contemplatif, parfois rêveur. L’action est fragmentée par l’errance de l’esprit de certains personnages : la mère de Danny, le père, l’inspecteur Hardy... Souvenirs, malaises, rêves… Autant de petites parenthèses qui posent un voile diaphane amenant avec lui des respirations, au cœur d’une ambiance lourde, troublante et troublée.
Bande son : 2,5/2,5
Très beau travail sur la musique, presque toute de cuivres et de cordes graves. Elle souligne l’ambiance oppressante de la ville avec brio. La série se termine sur des mélodies orchestrales bien plus classiques, plus porteuses d’espoir, de renouveau, qui contrastent avec force avec le grondement sombre qui caractérise vraiment cette série.
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