Buffy, Buffy, Buffy... La mal-aimée, pourtant série culte. L'incomprise, pourtant toujours vivante ("Hey I've died twice" nous dit-elle, regard tourné vers la caméra). Celle qu'on prend pour une série pour enfants (ados tout au plus), vous ne pourriez pas avoir plus faux.


J'ai découvert la série à 9 ans. Alors oui à cette époque je regardais aussi Charmed (Trilogie du Samedi génération), les Minikeums, notre K7 de Titanic en coupant le son et refaisant les dialogues tout en trempant mes Kinder Délice dans du lait. J'étais enfant. Puis mes goûts ont changé. Ils se sont affirmés pour le meilleur et le pire (mais que je peux assumer aujourd'hui), mes connaissances se sont étoffées, j'ai été diplômé plusieurs fois. Bref, je n'ai pas stagné. Et Buffy est toujours là. Enfin, presque. Dans mon cas: elle est revenue.


Je l'avoue, il est vrai que j'ai passé toute mon adolescence sans Buffy. La série terminait sa diffusion, de mon côté j'avais arrêté de regarder au final de la saison 5. Buffy et moi avions d'autres choses en tête tout simplement. Quelle ironie tant la série représente admirablement cette difficile transition de l'adolescence a l'âge adulte. Quelque peu déçu des épisodes de la saison 6 que j'avais pris en sauvage et à froid, j'avais décidé que le final de la saison 5 était une bonne fin.


En 2009-2010, c'est lorsque le virus Buffy a décidé de m'atteindre. Je venais de lire un article du Times classant les meilleures séries américaines. J'étais surpris, mais content, de voir Buffy aux côtés des Sopranos, de la famille Fisher, de la Twilight Zone. Mais surtout, continuant mes recherches, j'ai appris combien la VF avait trahi la série. (ridicule affaire ayant contribué a forger l'image cradingue de Buffy en France)


C'est ainsi qu'en plein milieu de mes études secondaires, pendant chaque week-end de plusieurs mois, armé d'une intégrale DVD, j'ai décidé pour la première fois de regarder Buffy dans l'ordre, en VOSTFR, et en entier.


Et là, une découverte. Une claque plutôt. Connaissant déjà le look série Z des débuts de la série (parfois charmant par ailleurs), je savais a quoi m'attendre visuellement. J'ai malgré tout été transporté par la drôlerie, la légèreté des débuts, puis par la profondeur de l'écriture et la justesse des acteurs principaux. Dès les premiers épisodes, Anthony Head et Sarah Michelle Gellar tirent leur épingle du jeu, un casting au poil. Alyson Hannigan et Nicholas Brendon brilleront pour moi sur la durée et constance de leurs interprétations, même dans les extrêmes.


"Giles I'm sixteen years old. I don't wanna die" (saison 1) est la phrase qui a parachevé ma transition. D'un esprit de découverte à oh-putain-cette-série-est-incroyable.


Buffy c'est 36 références pop/geek par épisode, une intrigue complète + une avancée dans l'intrigue de la saison entière par épisode, beaucoup d'humour, une dose de drame (ou l'inverse, beaucoup de drame et un peu d'humour). C'est aussi des thématiques sociales et/ou philosophiques: des plus faciles (Beauty and the Beasts (saison 3), un des plus mauvais épisodes de la série pour moi, explore la violence des hommes sur les femmes) aux plus complexes (The Body (saison 5) se concentre sur l'injustice de la mort. Ironie suprême dans une série qui fait des mort-vivants et multiples résurrections son fond de commerce.)


Buffy c'est des personnages qui ne cessent de grandir et deviennent comme une famille que l'on aime retrouver, c'est le fantastique et la science-fiction côtoyant les épreuves de la vie de tous les jours (comme aller a la banque demander un prêt par exemple), c'est une héroïne géniale, la meilleure de sa génération. Ça me fait mal au coeur de constater qu'elle est encore un peu isolée aujourd'hui dans un océan de personnages masculins variés. Pour toutes ces raisons, Buffy est une des chefs de file des héroïnes de fictions fantastiques et de science-fiction. Et pour cause, à maintes reprises dans la série, Sarah Michelle Gellar s'impose comme une grande actrice dramatique (je la vois bien sur du Tennessee Williams, facile).


Chaque saison explore des thématiques différentes, ne se répétant jamais, la variété des sujets traités par Joss Whedon et son équipe m'impressionne. Ici mon interprétation des grandes thématiques des saisons (mais chaque épisode individuellement recèle de trésors thématiques, Buffy est un puits sans fond d'analyses de tous bords):
Saison 1: L'école c'est l'Enfer.
Saison 2: Je t'aime moi non plus.
Saison 3: Identités.
Saison 4: Transitions.
Saison 5: La famille.
Saison 6: L'enfer, c'est les autres.
Saison 7: La nature du Pouvoir.


Buffy brille aussi dans sa capacité a récompenser la fidélité. Qui aurait pu croire aux sujets difficiles et sombres de la saison 6 en regardant les légers et mignons épisodes de la première saison? Ou au final épique de la saison 5 sur un ensemble de 4-5 épisodes? À l'évolution impressionnante de la timide et effacée Willow? Au retour d'anciens acteurs dans la dernière saison? Par dessus-tout, Buffy traite ses spectateurs avec respect, intelligence et démontre tout du long un goût prononcé pour l'inattendu, l'effet de surprise.


La série n'est pas parfaite, le manque d'argent se fait sentir parfois de manière un peu ingrate (le loup-garou de la saison 2 par ex), certains personnages sont créés puis abandonnés en cours de route, une poignée d'épisodes je m'en passerais volontiers... Je pourrais même être OK avec l'idée que l'ensemble est supérieur à la somme de ses parties (mais quand on voit Once More With Feeling (saison 6), ou Restless (saison 4), ou Prophecy Girl (saison 1), quelles belles parties tout de même!) 10/10, on le sait tous, c'est une note symbolique. Devenir fan d'une oeuvre ne veut pas dire devenir soudainement bête et dire Amen à tout. Non. Ma note vient d'une part d'attachement, de l'incroyable rewatch value de la série. Il y a toujours un détail qu'on avait manqué, une réplique dont on saisit enfin la référence (de Spider-Man à Macbeth, tel est l'univers d'écriture de Joss Whedon). Je pense aussi aux coups de coeur que j'ai développé pour certains personnages, aux thématiques qui parlent différemment selon notre âge, me confortant dans l'idée que dans 10 ans je regarderai encore Buffy et y trouverai de nouveaux points d'accroche, plus en accord avec l'âge que j'aurai.


Buffy réussit quelque chose d'impressionnant qu'elle est aussi profonde qu'un Six Feet Under tout en ayant un emballage de divertissement plus accessible au premier regard. C'est extrêmement rare, c'est difficile. Finalement, n'est-ce pas là le but ultime de toute fiction en général? Je ne peux pas croire pas qu'un créateur quel qu'il soit pense sciemment faire chier son public lorsqu'il créé une oeuvre. Buffy est une série de créateur, et pourtant les nombreuses contraintes de la chaîne, plus encline a proposer des thématiques légères qu'autre chose, ont aussi fait Buffy. Je qualifierais Buffy de "série de vampires pour esprits littéraires".


C'est ce mix improbable, cette alliance entre l'esprit libre de Joss Whedon, ses tout aussi remarquables auteurs, réalisateurs, et des chaînes de séries pour ados qui rend la réussite de Buffy d'autant plus remarquable. C'est bien ça, Buffy est remarquable.

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le 25 mars 2015

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