Chair tendre est une série qui se mérite d'être vu, à plus d'un titre. Déjà parce que le service public fait le taf, celui de proposer une série adolescente française qui s'empare d'un sujet qui à force d'être invisibilisé nous fait croire qu'il est marginal, alors que l'intersexuation peut représenter selon les études jusqu'à 1,7% des naissances.
Car c'est (entre autre) de cela qu'il va être (un peu) question dans chair tendre : la quête de son identité pour Sasha. Mais c'est la 1ere force de la série, on ne va pas se focaliser sur l'identité de genre ou de sexe ou de sexualité de Sasha, mais (comme toute bonne série adolescente) sur son identité globale, dont toutes celles que je viens d'évoquer ne sont qu'un pan.
Mais il se trouve que Sasha est aussi née intersexuée. D'abord genrée au masculin, elle va grandir et subir des événements traumatiques, qui sont évoqués par des flash fragmentée tout au long de la série, nous laissant peu de doute sur ce qu'il s'est passé. La série commence quand, suite à cet événement, la famille déménage dans un nouveau lieu, nouveau lycée pour les 2 filles de la famille et nouvelle vie pour les parents.
L’intelligence des créateurs de la série est de ne pas s'être lancé dans cette écriture sans s'entourer de gens sachant de quoi iels parlent. Et ça se sent, on voit que les questions de genre, d'intersexuation, de sexualité ne sont pas trop pétris de clichés. Le collectif Intersexes Activistes a été sollicité et a accompagné le projet. Avec comme adoubement la présence d'un-e acteurices intersexe membre de ce collectif (dans un rôle a la fois très secondaire et assez décisif dans le parcours de Sasha). De même, un personnage trans est joué par un acteur trans (Ocean, également dans un rôle secondaire, presque une simple participation mais qui permet de poser 2 ou 3 bases sur les questions de transphobie)
On va donc suivre l'intégration de Sasha et sa sœur Pauline dans ce nouveau lycée, la recherche perpétuelle d'un nouvel équilibre pour les parents, et l'homéostasie rechercher par tout le petit groupe dans lesquels cette famille déboule, questionnant les code, les normes, les cadres.
Les acteurs sont globalement bons : Angèle Metzger a cet espèce de nonchalance et de nombrilisme couvant une fragilité qui me semble assez cohérent avec le souvenir que j'ai de l'adolescence. Saül Benchetrit est crédible en petite sœur ambivalente entre son envie de soutenir sa sœur et son désir de ne pas rester dans son ombre (même si sa diction quand elle pleure est parfois difficile à comprendre ! Et qu'elle pleure beaucoup). Le couple joué par Daphné Burki et Grégoire Colin est parfois caricaturale (madame met la table et fait la vaisselle, monsieur travaille la semaine et bricole dans son atelier le WE) mais ils font le taf. Le groupe d'adolescent donne parfois l'impression d'une version cheap d'Euphoria, avec ses faiblesses (difficile de croire que ces « enfants » n'ont pas encore 18 ans) mais aussi ses forces (l'intégration dans un groupe d'adolescents, avec ses habitudes et ses codes). De même l'esthétisme de la série peut parfois faire écho à Euphoria (notamment les lumières que ce soit en intérieurs dans les bars, ou en extérieur dans les forêts ; ou encore les choix musicaux ou de costumes, à la fois retro et très actuel).
Tout n'est pas parfait donc (gros point noirs pour ces personnages secondaires qui semblent avoir été rajouté pour cocher les cases de l'inclusivité (coucou le voisin gay/maghrebin/en surpoids/fumeur de chicha)). Mais ce sont des points noirs très accessoires sur cette œuvre qui parvient l'exercice d’équilibriste de traiter de ce sujet de l'intersexuation, les questions de quête d'identité adolescente et les relations entre tous ces personnages sans (trop) tomber dans des clichés habituel de discrimination. Rien que pour ça, ça mérite de regarder cette série et de la soutenir pour permettre d'autres œuvres similaires de s'imposer dans le paysage des séries françaises.