La radioactivité représente un mal qui évoque les plus célèbres antagonistes de la littérature et du cinéma fantastique. Invisible comme une créature Lovecraftienne, invincible et impitoyable comme Nosferatu, épidémique comme les gouls... Valery Legasov, en érudit, connaisseur du mal, serait une sorte Van Helsing. La dramaturgie se cache parfois là où on ne l’attend pas.
En 1984, le téléfilm britannique Threads envisageait une catastrophe nucléaire en Europe. Deux ans plus tard, le cœur du réacteur de la centrale de Tchernobyl explosa. Lorsqu’on compare la série d’HBO avec la fiction de Mick Jackson, il devient évident que le pire est arrivé.
Nous connaissons tous les faits, de près ou de loin, et l’arrivée de cette mini-série intriguait sans susciter beaucoup d’enthousiasme.
Pourtant, en plus de livrer quelques éclairages sur les événements, la série de Craig Mazin concentre toute sa force dans sa capacité à nous immerger au cœur des événements. Et c’est ici que la césure avec les documentaires sur le sujet se créé : en nous contant les faits à travers le regard des victimes et des auteurs de la catastrophe, celle-ci trouve une authenticité inédite. Grâce à une écriture des plus fines, ce qui pouvait passer pour une lointaine histoire soviétique d’Europe de l’Est nous concerne aussitôt. En ça, Chernobyl est une des œuvres anti-nucleaires les plus radicale que je connaisse... pourtant elle se contente souvent de relater les faits et bénéficie d’une dramatisation sobre. Le déroulement des événements et les personnalités qui ont gravité autour d’eux sont tels que la série devient forcément spectaculaire.
La minutie de la reconstitution participe aussi complètement à l’immersion. On reconnaît les uniformes soviétiques, les bâtiments de Pripyat, les bus bleus d’évacuation... le travail des décorateurs et accessoiristes relève du grandiose. Accompagnés de cette atmosphère de « cendre froide » qu’évoque du communisme soviétique des 80’s, nous voyons les protagonistes évoluer, tenter de garder espoir alors que nous sommes dans un monde devenu hostile à la vie.
Et bien qu’anglophone, le casting a pris soin de choisir une belle galerie de « gueules » comme il y en a chez les slaves, à commencer Jared Harris, qui était déjà fabuleux dans The Terror. Le parti pris de conserver le langage russe sur les journaux ou lors des déclarations médiatiques permet de ne pas trop dénaturer le contexte historique.
Le succès immédiat de la série constitue une très bonne nouvelle pour le paysage télévisuel. Il marque l’attrait des spectateurs pour des histoires intelligemment élaborées. Celle-ci aurait pu laisser beaucoup de monde sur le carreau mais son approche pédagogique permet une parfaite limpidité. De la plus belle des manières, HBO parvient une fois à nous divertir tout en nous faisant réfléchir (et frémir...)