Critique de Total Recall par Lyusan

J'avais déjà vu quelques épisodes seulement et je ne sais pas trop pourquoi j'ai mis autant de temps à y revenir. Franchement après avoir vu les 31 épisodes je regrette de pas m'y être mis avant. C'est vraiment une des meilleures séries d'animation japonaises.. bien sûr c'est une adaptation de manga mais d'une part la retranscription semble fidèle (je n'ai pas encore lu le manga), en tout cas le caractère des personnages me semble conservé.

Et il n'y a pas que ça bien sûr puisque déjà l'animation est de très bonne qualité surtout pour 82 - mais même 35 ans plus tard ça reste très regardable - mais au niveau du choix des couleurs, des quelques effets utilisés (noircissement du haut de l'image à pas mal de reprises) ou des compositions musicales, la série travaille vraiment extrêmement bien à mon sens l'atmosphère de l'univers de Cobra. Bien sûr celle-ci est très inspirée de l'oeuvre de Phillip K. Dick mais au-delà de ça on a vraiment l'impression d'un fourmillement d'influences diverses qui donne un mélange de space opera et de cyber punk (bon d'accord c'est pas nécessairement antagoniste tout ça) ce qui apporte un aspect très sombre et même temps consistant et crédible parce que toujours cohérent.

Après il faut bien évidemment nuancer ce constat quand on voit la présence latente d'un fantastique pur qui ne dépareille pourtant pas (je pense au génie de la lampe par exemple) mais à posteriori ce qui est le plus étonnant et surréaliste, c'est le personnage de Cobra en lui-même.

Au-delà du physique inspiré de Belmondo, Cobra est quand même un des personnages les plus intéressants que je connaisse dans le monde de l'animation. C'est à travers des paradoxes qu'on sent une écriture réussie : le mec est à la fois un héros parfait et un anti-héros total ; il semble invincible et à deux-trois reprises il passe à un cheveu de mourir en trois secondes ; 90% du temps il est le seul terrien et donc le seul personnage auquel on peut visiblement s'identifier et en même temps ses origines sont un mystère total et il a des capacités complètement hors-norme même pour le reste de l'univers, comme si il était un cyborg sauf qu'il arrête pas de se moquer de tous les cyborgs qu'il croise. C'est sur ça surtout que Cobra est l'atout majeur de sa propre série : finalement il représente un atout quasi-fantastique à lui tout seul ne serait-ce qu'avec sa propension à sortir de nulle part des gadgets mécaniques de ses manches qui correspondent à la situation présente (c'est lui qui a inspiré à Batman sa ceinture, obligé).

Mais c'est encore pire que ça en fait parce que le pire je crois c'est que Cobra a l'air d'être juste un archétype de mec cool et invincible alors que si on fait un minimum attention, son "humanité" ressort plus que chez la plupart des héros de ce genre (très masculin, cool et badass, on va dire). En fait Cobra a plus des caractéristiques de super-héros conscient, c'est à dire que par exemple c'est le personnage qui a l'arme la plus ingénieuse et puissante de l'univers mais il ne tue ses ennemis que quand il y est contraint d'une manière ou d'une autre. Pendant un moment je m'étais même demandé pourquoi il ne se servait pas davantage de son rayon contre des pirates qui essayent délibérément de le tuer et j'ai compris : c'est même pas pour des raisons extra-diégétiques de narration ou quoi, c'est juste qu'à l'image de Superman, c'est pas parce que Cobra est invincible qu'il méprise la vie de ses ennemis, si il peut fuir plutôt que de tuer, il fuit, systématiquement. Et à aucun moment ça ne lui enlève le moindre panache parce qu'il reste toujours dans la désinvolture la plus totale.

Encore au-delà de ça je crois que ce que je préfère avec Cobra c'est le premier épisode où à l'image du début de Total Recall il se souvient de son identité. Il y a un truc magique dans ce premier épisode, c'est la façon dont Johnson est persuadé d'être un loser et est donc un loser dans son comportement global, puis au seul souvenir qu'il est Cobra et avec son psycho-gun,il change seulement complètement d'attitude et devient victorieux dans tout ce qu'il fait. Autrement dit, et ça c'est pas quelque chose qu'on trouve dans Total Recall justement, Cobra est dès le premier épisode la représentation vivante que la confiance en soi est la clé de tout. C'est peut-être pas énorme mais avoir ça en filigrane du premier épisode dans une série animée qui s'adresse quand même à priori aux jeunes, je trouve juste ça super cool. Parce que oui d'accord au cours de ses aventures il est aidé par les gens qu'il connaissait avant par moments et quand il révèle qu'il est Cobra les gens changent de comportement mais la grande majorité du temps c'est son assurance à elle seule qui lui permet de résoudre des problèmes et de s'imposer.

Donc au-delà de l'homme fort, il y a aussi un personnage très moral, qui se sent responsable des vies des autres et se sent coupable si il arrive trop tard, qui se fait justice lui-même mais qui prend toujours le parti des opprimés malgré son statut de pirate très indépendant.

Le seul reproche qu'on pourrait faire à la saga, c'est que sa représentation de la femme c'est quelque chose qui n'est pas nécessairement "choquant" dans la série mais qui ne passe plus trop sinon de nos jours, puisqu'elles sont en gros toutes à moitié nues tout le temps. On peut en plus constater que la plupart d'entre elles sont "dociles", même si il y a beaucoup de personnages féminins, certains importants, certains récurrents et donc dans le lot on trouve quand même quelques femmes fortes, voire même des ennemies assez redoutables. Le problème vient donc surtout de la sexualisation à outrance, et ça se remarque d'autant plus que ce n'est pas quelque chose de particulièrement mis en avant du côté des personnages masculins, qui sont très loin d'être tous des bodybuilders (Cobra lui-même est présenté dans sa force beaucoup plus par ses actions que par son physique comme déjà dit). Heureusement Cobra, même si il peut être un peu lourdingue dans ses relations avec l'autre sexe, ne manquera pas d'avoir tous les égards du monde pour l'ensemble de la gente féminine. Il suffit de le citer pour s'en apercevoir : J'ai un principe : je n'écoute jamais les conseils des hommes.

En dehors de ça je vois mal quel reproche on peut faire à la série. Certains qualifieront la fin d'un peu bâclée (car abrégée prématurément, elle aurait pu excéder les 31 épisodes) en comparaison avec le manga, ou pour certaines raisons assez évidentes de censure. Pour ma part le dernier épisode m'a laissé grisé par la brutalité de la conclusion sur Salamander, que je n'avais pas vu venir malgré les indices faisant écho à une certaine partie de l'Histoire du siècle dernier (nazisme), et que j'ai donc trouvé pour le moins glaçante. Le fait est que cela soit amené plus subtilement à cause de la censure n'en rend la révélation finale que plus déroutante donc ça m'a convenu parfaitement.
Dans tous les cas, le personnage de Cobra reste incroyable et constitue à lui seul un modèle à bien des égards.