Vladimir Poutine verse-t-il le lait avant les céréales ?

Avant d’aborder « Conversation avec M. Poutine », il semble impératif que situer le contexte de cette discussion entre le président russe et le célèbre réalisateur américain Oliver Stone. Car si elle n’est diffusée que maintenant, cette interview a été réalisée entre 2015 et 2016, au sein d’un contexte international particulièrement tendu où l’on peut prendre en compte la présidentielle américaine, le conflit syrien et l’annexion de la Crimée. Et finalement, on se surprend presque à les attendre, ces quatre heures d’entretien, où Stone et Poutine attaquent tous azimuts. Poutine sort de nombreuses punchlines, boit beaucoup de thé, et n’a pas de lames de rasoir cachées dans sa chaussette. Les salons du Kremlin sont magnifiques. Et Oliver Stone semble bien complaisant vis-à-vis du leader russe. Qu’en retenir finalement ? Pas grand chose, puisque cette conversation s’avère incroyablement anecdotique.


Sans surprise, Oliver Stone pose à Poutine des questions convenues, et laisse son interlocuteur dérouler sa communication, pour laquelle il n’hésite pas à mentir ouvertement sur de nombreux sujets. On a envie de bondir quand on entend le chef d’état défendre la liberté de la presse en Russie, ou même prétendre que Dimitri Medvedev a été un président indépendant et que Boris Eltsine était un homme intègre et humble (il fallait oser pour nous la faire, celle la !). Ce n’est qu’au quatrième épisode que Stone semble soudain pressé de poser à Poutine des questions plus mordantes. On pourrait dire que si le réalisateur a autant servie la soupe à Vladimir Poutine, c’est pour entrer dans son jeu, et montrer de lui une image inédite. Cependant, pour mieux cadrer la pensée d’un tel homme, il aurait fallu rappeler aux téléspectateurs mal renseignés ses actes passés, qu’il s’agisse de la guerre en Tchétchénie, des magouilles avec les médias russes, ou tout simplement des meurtres et des emprisonnements de nombre de ses opposants. En tant qu’intervieweur, Stone se montre totalement approximatif et semble avoir perdu son subtil sens de la riposte, tout en tapant sur les dirigeants occidentaux et le système politique américain (on ne change pas les bonnes habitudes) sans dire presque un mot de la politique intérieure russe.


Poutine nous vend une Russie où les homosexuels ne sont pas discriminés, où la liberté de la presse est un principe, où les services secrets sont relégués au second plan, et où la révolution ukrainienne est un coup d’état fasciste. Oliver Stone, déchainant les passions pour son gout de la provocation, acquiesce la moindre de ces affirmations mensongères et finit par entrainer son document dans le pamphlet anti-américain. Bref, là où l’on aurait pu s’attendre au nirvana de la carrière de Stone, nous nous retrouvons face à un documentaire négligeable où il est difficile d’apprendre quoi que ce soit. « Conversation avec M. Poutine » aura au moins le mérite de nous servir quelques séquences d’anthologie, notamment celle où le locataire du Kremlin découvre « Dr. Folamour » de Stanley Kubrick (être à la tête de la Russie depuis presque vingt-ans sans avoir vu ce film, c’est tout de même inquiétant). Sinon, que peut-on en tirer ? Pas grand chose, si ce n’est certains points intéressants sur des sujets allant de l’OTAN à Gorbatchev en passant par le monde unipolaire et Edward Snowden. Mais en terme d’analyse politique, on est dans de la pure vulgarisation, loin des grandes heures du Stone documentariste, qui en 2012 signait « Les États-Unis, l’histoire jamais racontée », où il posait un regard avisé et objectif sur un siècle de politique extérieure américaine. Si Vladimir Poutine met sur la table sa vision du monde, il livre très peu d’éléments permettant de comprendre le monde politique en Russie. Mais comment reprocher à un documentaire son cachet subjectif ? Car un documentaire éthiquement irréprochable ne vaut pas la peine d’exister. Reste que « Conversation avec M. Poutine » n’est pas un objet à mettre entre toutes les mains.


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Kiwi-
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le 3 juil. 2017

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