Crisis in six scenes, série 6x20 minutes de Woody Allen
J’avais décroché du cinéma de Woody Allen depuis un certain nombre d’années, disons depuis Vicky Cristina Barcelona et Minuit à Paris, après avoir découvert et adoré son cinéma pendant l'adolescence en DVD (j’ai vu quasiment tous ses films de Tous ce que vous avez toujours… à Scoop). Je pensais comme beaucoup que Match Point marquait le dernier grand chef d’œuvre avant l’essoufflement. Et dernièrement, ma tentative de retrouver son univers avec Wonder Weel était tombée à l’eau.
Mais, bref : « Crisis in six scenes » m’a fait retomber amoureux des films de Woody ! La mini-série a été plutôt mal accueillie par les critiques, pourtant c’est un petit bijou. Allen joue son personnage habituel, mais le remet au goût du jour et du nombre de ses années : s’il a toujours campé l’hypocondriaque, effrayé à l’idée d’être tué par un courant d’air, ses 80 ans passés en font désormais un personnage physiquement fragile qui semble effectivement pouvoir être tué par un courant d’air. Cela le rend touchant, lui, et son épouse fictive jouée par Elaine May, elle aussi le dos voûté, la démarche lente, mais bien plus solide et courageuse que lui. Second aspect du personnage type de Woody, le bourgeois de gauche : ici, c’est le thème central de la série, située dans les 60’s, et où Woody alias Sidney n’aime plus tant les idées de gauche lorsqu’une révolutionnaire amie des black-panthers et des maoistes recherchée par la police est hébergée sous son toit contre sa volonté. La jeune révolutionnaire est incarnée par Miley Cyrus, et le choix d’une star de la pop issue du monde de Disney pour ce rôle est en soi une blague réussie. La chanteuse joue plutôt mal, mais cela donne à son personnage une contradiction très intéressante, entre superficialité de l’attitude et fausse profondeur des propos. Ce personnage est comme une "bombe", qui va dynamiter l'équilibre de la vie de Sidney : sa femme et son club de lectures de retraitées new-yorkaise commencent à se rêver en pré-femens, et le petit neveu voué à épouser une fille comme il faut tombe bien sûr amoureux de la jolie criminelle.
Enfin, troisième aspect du personnage de Woody, l’artiste tourmenté. Cet aspect implique souvent la mise en abyme chez le cinéaste-acteur : là, Sidney est un écrivain hésitant entre le genre commercial et l’avant-garde, sans jamais trouver le succès, et qui à l’automne de sa vie tente d’écrire une sitcom, pour changer. La série montre donc en arrière-plan Sidney/Woody réfléchir à la série dans la série.
Dans notre monde réel, Allen a dit dans des interviews ne pas trouver l’inspiration alors qu’il écrivait ce projet de série. Mais jouait-il déjà son rôle ? Il semble qu’au contraire le découpage par chapitres l’a fait retrouver l’inspiration. Sous le faux-air d’œuvre mineure, Allen retrouve ici l’équilibre : une fausse légèreté cache des thèmes importants, ceux qu’il a toujours aimé traiter (la mort, l’art, l’impossibilité d’être au niveau de ses idées en politique ou en amour).
J’ai donc aimé retrouver le personnage autobiographique d’Allen, avec un bon nombre de punch-lines réussies, comme au bon vieux temps. Et, autour de son personnage, une ribambelle de petites histoires liées par une intrigue policière, façon Meurtre mystérieux à Manhattan. J’ai rit, vraiment de bon cœur, aux répliques, aux situations catastrophiques, et plusieurs fois ! Le tout est mis en scène avec sobriété et efficacité, par quelques plans-séquences façon classiques de la comédie hollywoodienne, où les personnages entrent et sortent du champ comme dans un ballet. L’apogée est le 6ème et dernier épisode, où toutes les trames se réunissent, pour venir remplir de personnages la maison du héros et le cadre de l’image, jusqu’à saturation – saturation visuelle et saturation de Sidney, prêt à exploser comme une cocotte minute.