Saison 1 :
"Damages" impressionne par la force de son scénario policier à la fois complexe (avec un jeu de convergence passé et présent ajoutant une indéniable tension - mais aussi une opacité - par rapport à tout ce qui nous est montré, cette manipulation dédoublant celles à laquelle se libre Patti Hewes) et par un niveau d'interprétation exceptionnel : aussi bien Glenn Close que Zeljko Ivanek (tous deux récompensés par des prix), mais aussi Ted Danson, sont remarquables (il est seulement dommage que Rose Byrne, qui interprète le personnage principal, soit moins convaincante). On remarquera seulement que ce type de série (comme "Dexter" par exemple) fonctionne de manière beaucoup plus similaire à un film de cinéma "traditionnel" que les séries TV qui ont révolutionné ces dernières années les codes de la fiction... Et que c'est peut-être là, malgré tout, une sorte de récession, ou au moins de début d'épuisement du genre... [Critique écrite en 2008]
Saison 2 :
"Damages" est une série que je n'aime pas vraiment, mais je dois admettre que cette dernière saison m'a bluffé par la qualité de son écriture : voici en effet un vrai thriller, remarquablement construit (la durée d'une saison de série TV permettant évidemment le luxe de plonger dans ce genre d'histoire, qu'un film ordinaire ne saurait traiter), riche comme un bon livre, avec le juste mélange de complexité dans ses intrigues et de vraie pertinence dans son observation des dérives de la démocratie américaine entre omnipotence de la justice, corruption des élus et grande criminalité du capitalisme financier. Deuxième qualité de "Damages", l'interprétation impeccable d'une poignée de grands acteurs venus du cinéma : Glenn Close bien sûr, mais aussi William Hurt, remarquable dans un rôle torturé et ambigu inhabituel, Ted Danson, Timothy Oliphant... C'est seulement dommage que le personnage principal soit interprété, lui, par une jeune actrice aussi incompétente qu'horripilante (Rose Byrne), et que la mise en scène soit aussi plan plan, loin, bien loin de ce qui se fait de bien à la télévision US. [Critique écrite en 2010]
Saison 3 :
La troisième saison de "Damages", une série TV dont on parle d'ailleurs beaucoup moins de nos jours, synthétise le meilleur du "concept" et constitue à date la plus belle réussite de la série. Construite sur son habituel flash forward, un moyen manipulateur mais ludique de construire du suspense là où il n'y en aurait peut-être pas ("mais comment va-t-on en arriver là ?" est la question qui fonde chaque saison de "Damages"), l'histoire est intelligemment bâtie sur les récents scandales financiers, ce qui lui confère une résonance inédite. De plus, le script se concentre de manière pertinente plus sur la famille du financier véreux que sur les efforts du procureur et des avocats pour découvrir ses secrets : on évolue ainsi de la curiosité à l'horreur vis à vis de cette "caste" de vampires, grâce à la construction de personnages ambivalents, complexes, remarquablement bien interprétés par un beau casting (Martin Short, dont on se souvient comme d'un comique pas très drôle, est impressionnant de justesse, et nous touche profondément, face à une Glenn Close comme toujours superbe de précision). Le dernier épisode, couronnement de la saison, comble notre attente, en nous offrant une vision très noire du chaos fictionnel qui s'est construit peu à peu sous nos yeux, nous laissant aussi sidérés que les personnages devant la cruauté de leur destin. De plus, les scénaristes ont la générosité de nous offrir une conclusion aux sujets encore "ouverts" des deux premières saisons, ce qui pourrait d'ailleurs conférer à ce troisième épisode le statut de conclusion parfaite à "Damages"... Qui ne s'est pas pour autant interrompue ici...
PS: Il est seulement dommage que Rose Byrne constitue toujours le maillon faible de "Damages", promenant son tragique manque de crédibilité au sein d'une machine fictionnelle qui, heureusement, fonctionne suffisamment bien pour se passer d'elle ! [Critique écrite en 2012]
Saison 4 :
Alors qu'on croyait cette série véritablement différente à l'abri des baisses de régime, basée qu'elle est sur des scénarios cohérents et près de l'actualité, voici que la quatrième saison vient mettre à bas notre optimisme, et pire notre confiance en l'avenir : c'est bien simple, ici, rien ne fonctionne ! Le sujet (l'utilisation - partiellement illégale - d'entreprises privées pour poursuivre les guerres que l'armée américaine ne souhaite plus mener) est terriblement mal traité, au point de nous laisser rapidement complètement indifférents, les personnages sont pour la plupart inconsistants, voire falots (à l'exception de John Goodman, comme toujours "consistant", qui construit un personnage savoureux, car plein de paradoxes...), les rebondissements tombent à plat, le rôle et les "manipulations" des avocats (Patty et Ellen, mais aussi la partie adverse) manquent - pour la première fois - de cohérence, voire - quel crime ! - de subtilité et d'intelligence, le personnage (oh hérésie !) de Patty n'a plus l'agressivité et la dureté qui nous ont fait aimer la série, malgré le talent intact de la grande Glenn Close, et le manque de moyen est criant, et parfaitement handicapant pour une histoire censée se dérouler partiellement en Afghanistan. Le résultat est une véritable déroute, une saison parfaitement ennuyeuse, et beaucoup de craintes quand à la suite de "Damages" (la saison 5 devrait d'ailleurs être la dernière, me semble-t-il...). [Critique écrite en 2012]
Saison 5 :
Après un démarrage tonitruant, "Damages" a vite rejoint le purgatoire des séries pas vraiment aimées, ni du public, ni de la critique, alors qu'elle a toujours réussi, saison après saison, à nous intéresser, grâce à des scénarios bien écrits, une construction narrative maligne, et surtout une interprétation magnifique de Glenn Close. La saison 4 marquait nettement le pas, faute de moyens appropriés à ses ambitions, et c'est donc avec plaisir - et un peu de soulagement - qu'on regarde cette assez excellente saison 5, qui clôt très honorablement la série, en offrant à la fois une nouvelle intrigue pertinente, brodant à partie de Wikileaks et de Assange, et une conclusion bien ficelée à tous les sujets restant ouverts depuis la première saison. "Damages", pour quelqu'un qui, comme mon épouse, est férue des sujets juridiques, et apprécie - logiquement - les personnages de femmes fortes et indépendants, c'est forcément du nanan ! Elle saura grâce aux scénaristes de n'avoir pas bradé le superbe personnage de Patti Hearst au moralisme politiquement correct habituel, même si la conclusion un peu lénifiante mitige un peu notre enthousiasme à voir Patti échapper à la justice et à la morale. Côté imperfections, puisqu'il me faut toujours trouver quelque chose à redire, même à une série que j'aime, on regrettera la sous-intrigue un peu bâclée sur les soldats sacrifiés par l'armée US, une accumulation un peu excessive des retournements de situation dans le dernier épisode, et surtout une utilisation intellectuellement malhonnête des flash forward, par trop manipulatrice. Enfin, on ne pourra pas s'empêcher de remarquer que Glenn Close paraît fatiguée, ici, même si, heureusement, son charisme reste intact. [Critique écrite en 2014]