La critique complète du Huzar sur le toit : https://lehuzarsurletoit.substack.com/p/dargent-et-de-sang-le-nouveau-chef
(...) D’argent et de sang s’impose comme une œuvre majeure dont Xavier Giannoli est pleinement l’auteur. En 12 épisodes, il adapte l’enquête du journaliste Fabrice Arfi retraçant la fraude à la TVA sur les quotas carbone. Cette arnaque, réalisée entre 2008 et 2009 par un trio d’escrocs, a permis le détournement de centaines de millions d’euros, directement puisées dans les caisses de l’Etat français.
A partir de cette matière passionnante, Giannoli tisse une fresque balzacienne aux personnages remarquablement dessinés, symboles des maux de notre époque. Comme dans Les illusions perdues (2021), son film au sept césars, le cinéaste construit son récit d’une main de maître et fait pénétrer le spectateur dans les méandres de l’affaire sans jamais le perdre. Evitant tout didactisme, sa mise en scène s’appuie entre autres sur un dispositif récurrent qui dynamise de nombreuses séquences : le décalage entre la voix et l’image. Tandis que l’un des personnages explique un élément clé de l’enquête, de nombreux plans, disposés par le montage comme de petits flashs, composent une élégante mosaïque.
(...) Assumant la dimension morale de sa mission de cinéaste, Giannoli refuse de glamouriser ce personnage qui se prend pour Le loup de Wall Street et le montre dans toute sa bassesse. Morale et politique étant intimement liées, la critique du capitalisme qui ronge tout, jusqu’aux velléités de répondre aux enjeux du changement climatique, est omniprésente. Ainsi, la tirade par laquelle le magistrat des douanes incarné par Vincent Lindon laisse éclater une colère froide est empreinte d’une charge politique très efficace. Par sa litanie des « j’en veux » – miroir à peine déguisé du « J’accuse » de Zola » – il égrène les responsabilités dans le scandale d’Etat qu’est l’arnaque aux quotas carbone. (...)