Quiconque aura allumé sa télé en juillet 2019 n’aura pu échapper à la déferlante de documentaires et rétrospectives divers sur les 50 ans des premiers pas de Neil Armstrong sur la Lune le 21 juillet 1969. L’occasion de fouiller sur OCS pour y retrouver une des plus anciennes mini-séries d’HBO sortie en 1999 : De la Terre à la Lune (From the Earth to the Moon), que j’avais eu la chance de visionner à l’été 1999 sur Canal +. J’étais curieux de voir comment la série avait pu vieillir en 20 ans, et ce d’autant que les commentaires récents sur la série étaient pour le moins plus mitigés (trop documentaire, trop datée, manque de rythme, effets spéciaux un peu cheap…) que les souvenirs que j’en avais.
Après avoir avalé les 12 épisodes, le constat est sans appel. Ce n’était pas la nostalgie qui m’avait joué des tours. La série est fantastique et a gardé toute sa force. C’est un peu le chaînon manquant entre L’Etoffe des Héros (The Right Stuff) de Philip Kaufman (1983), First Man (2018) de Damien Chazelle et Apollo 13 (1995) de Ron Howard (on pourra citer côté russe The Space Walker (Le Temps des Premiers) de Dmitry Kiselev (2017) et on laissera de côté Apollo 18 de Gonzalo Lopez-Gallego (2011) dans un genre totalement différent, quoiqu’il constituera une récréation sympathique après avoir vu la mini-série, et les différents films consacrés à la conquête spatiale…). C’est à tel point vrai que Tom Hanks et Ron Howard (Apollo 13) se retrouvent à la production de cette mini-série (Tom Hanks présente d’ailleurs chaque début d’épisode en personne et joue même dans l’épisode 12 Le Voyage dans la Lune (en Français dans le texte) l’assistant fictif de Georges Méliès (joué par Tchéky Karyo).
Pour faire simple, si L’Etoffe des Héros se concentrait sur l’ère des pilotes d’essai après 1945 (la course à la vitesse, le passage du mur du son par Chuck Yeager) et le programme Mercury (1958-1963) qui, avec le programme Gemini, ont précédé le programme Apollo, De la Terre à la Lune est quasi-exclusivement consacré au programme Apollo (des missions Apollo 1 à 17 de 1967-1972). Le premier épisode étant justement consacré à une rétrospective éclair des programmes Mercury et Gemini et du contexte historique de l’époque (la course à l’espace contre les Russes et l’impulsion du président Kennedy dans son célébrissime discours de Houston en 1962).
Je peux comprendre ce qui peut aujourd’hui être reproché à la série. C’est vrai qu’elle a un rythme posé (lent, diront certains) et a parfois un côté très documentaire (trop, diront certains). Mais c’est justement ça qui fait sa force : elle ne recherche à aucun moment le sensationnalisme. Elle s’intéresse bien sûr à la grande histoire (l’iconique mission Apollo 11 a évidemment droit à son épisode, l’épisode 6 Mare Tranquilatatis) mais aussi à la petite histoire ou à la grande histoire vue des coulisses. On pense à l’épisode 5 Spider dédié à la construction du module lunaire, à l’épisode 8 We Interrupt this Program dédié à la mission Apollo 13 sous l’angle de la gestion de la communication de crise au sol par la NASA et au traitement médiatique de ce qui était une mission vouée à demeurer dans l’anonymat post Apollo 11, à l’épisode 10 Galileo was right consacré à la formation géologique sur le terrain des astronautes en vue de la mission Apollo 15 ou encore à l’épisode 11 The Original Wives Club dédié aux femmes des astronautes et à leur couple. Et que dire de l’épisode 12 Le Voyage dans la Lune qui, s’il revêt un aspect un peu trop documentaire (c’est vrai pour le coup, puisqu’il s’agit d’un pseudo-documentaire avec des interviews fictives, pour un résultat discutable), crée une mise en abîme fantastique avec la mise en scène du tournage du Voyage dans la Lune de Georges Méliès en 1902. Le tout, sans oublier les missions 12 à 17 pourtant restées largement dans l’anonymat (à l’exception d’Apollo 13, bien évidemment) et les enjeux économiques et politiques qui ont conduit à l’arrêt prématuré du programme Apollo (20 missions étaient initialement prévues).
Bien avant Chernobyl, Game of Thrones ou Band of Brothers, cette fantastique mini-série démontrait il y a 20 ans déjà le savoir-faire d’HBO en matière de séries ; De la Terre à la Lune n’ayant absolument pas vieilli (sans doute précisément parce qu’elle n’a pas tout misé à l’époque -loin de là- sur les plans dans l’espace et sur les effets spéciaux). De même, si elle suit une certaine chronologie en balayant les missions Apollo 1 puis Apollo 7 à 17 (les missions 2 à 6 étant des vols non-habités), elle brise avec succès cette linéarité par certains des épisodes thématiques précités qui n’hésitent pas à revenir dans le passé sous un angle un peu différent. Elle évite enfin de tomber dans un patriotisme exacerbé (on lui pardonnera son générique quelque peu "pompier" que n'aurait pas renié Hans Zimmer) ou dans une hagiographie de la NASA en appuyant quand il le faut là où ça fait mal (l’épisode 2 Apollo One en est l’exemple parfait, en pointant toutes les erreurs et précipitations qui ont conduit à la catastrophe et à la perte des trois astronautes Grissom, White et Chaffee dans l’incendie de la capsule au cours d’un essai au sol).
A voir absolument, que l’on s’intéresse ou non à la conquête spatiale.