Dead to me fut indéniablement une excellente surprise, d'abord parce qu'elle n'est pas seulement une série fondée sur le jeu magnifique de deux incroyables actrices, ni seulement la mise en place virtuose d'un scénario original ou encore l'illustration esthétique de la douceur féminine propre à la série, mais parce qu'elle est une série ontologiquement philosophique. Quel est le sens de la faute commise et quelles en sont les conséquences ? Comment le remords se met petit à petit en branle et permet d'aboutir à la volonté presque suicidaire du rachat ? Le pardon est-il possible ? Voilà les questions fascinantes auxquelles tente sans prétention de répondre Liz Feldman dans cette série cynique sans méchanceté, drôle sans vulgarité et tendre sans mièvrerie. Si la série prend semble-t-il le parti pris d'un humour noir léger, un peu acidulé, presque imperceptible, elle est aussi une expérience de pensée originale et bien menée, dans un coton de tendresse et de bienveillance. Surtout, la narration est admirablement bien menée. Les personnages incarnés de manière magistrale se développent et suivent des dynamiques intéressantes et profondes, toutes relatives à l'une des manière d'être dans la perspective d'une faute à racheter. Point ici de prison ou d'intrigues policières trop présentes : la justice se fait en dehors, et les personnages culpabilisent, réparent, compensent et pardonnent en dehors de toutes les institutions judiciaires, dans une atmosphère presque irréelle.
Car tout l'intérêt de la série provient véritablement de son atmosphère de carton pâte très léchée, de grandes maisons vides et riches, de paysages de mer et de plages inatteignables, plongée dans une sorte de rêverie sentimentale, de groupes de discussions improbables et de commémorations absurdes : tout y est sensation d'une forme de purgatoire. Cette série, presque en demi-sommeil, crée continuellement entre les deux protagonistes un jeu tellement puissant qu'il en devient presque érotique et sensuel. Les deux femmes, blotties dans leurs canapés sous une couverture légère, un verre de vin à la main, brisées chacune par leurs deuils personnels, nouent des relations d'une étonnante simplicité aux regards de l'intrigue : et d'ailleurs, la réalisatrice semble jouer des attentes du spectateur pour nous offrir le spectacle d'une très belle et douce amitié. Plus encore, le génie de la série est évidemment le recrutement de Linda Cardellini, l'interprète de l'insupportable Judy, pleine de bons sentiments et qui laisse transparaître dans son jeu une douceur absolument parfaite de mièvrerie, qui donnerait quasiment envie de lui frapper la tête sur le sol pour en extirper ne serait-ce qu'un millimètre de méchanceté. Il y a donc malgré une série qui restera globalement oubliable du génie chez Liz Feldman, dont les séries pourraient rapidement prendre une ampleur hautement plus considérable.