Alors que le manga Death Note écrit par le mystérieux, ou la mystérieuse, Tsugumi Ōba et dessiné par Takeshi Obata, est un franc succès au début des années 2000, une adaptation animée emboîte le pas en toute logique. C’est Tetsurō Araki, qui ne s’était alors fait connaître que pour son travail sur Gungrave, qui se charge de la réalisation. Afin de ne pas répéter mes propos de ma critique de Death Note, le manga, l’œuvre originale, je ne parlerai ici que de l’adaptation en animé, ses ajouts, ses choix, sa pertinence...
Commençons tranquillement par les doublages qui sont sans surprise une grande réussite en japonais. Mamoru Miyano pour Yagami Raito réussit parfaitement par exemple à adopter une voix de psychopathe atteint d’une crise de démence comme celle d’un charmeur au ton élégant et calme avec une efficacité tout simplement idéale. Il n’y a pas un seul personnage important dont je trouve le doublage japonais foiré, pour avoir entendu quelques extraits en anglais ce n’est pas mal non plus, pour les doublages français c’est par contre une autre histoire.
Un autre de ces ajouts propres au support animé, c’est la musique et les premières notes que l’on entend à l’apparition de Yagami ont une consonance religieuse qui fait écho à cette sorte de justice divine qui transcende le personnage et à toutes ces illustrations du manga allant dans ce sens. Les musiques épiques, relaxantes ou mélancoliques qui composeront l’OST de Taniuchi Hideki et de Yoshihisa Hirano seront toutes très efficaces dans l’extrême majorité des cas, la vraie limite se situera à mon sens dans la réutilisation un peu trop prononcée de certains thèmes.
Concernant les premiers opening / ending, je n’aime pas trop la voix chantée en revanche j’aime beaucoup les paroles et les illustrations qui défilent, ça dégage une ambiance qui sied très bien à ma façon d’aborder le récit. Par contre les deuxièmes opening / ending me sont insupportables. Non seulement je trouve ça très moche en tout point mais en plus ça n’a aucun lien avec les débuts et fins d’épisode, sauf peut-être pour illustrer la folie éventuellement mais même comme ça j’ai beaucoup de mal avec ce choix musical.
Pour parler un peu plus du rendu visuel que sonore, avoir conservé le noir et le blanc dans le royaume des morts rend l’endroit bien sinistre et les couleurs sont autrement choisies avec beaucoup de soin la plupart du temps. Opposer Light et L, Naomi... avec le code couleur rouge et bleu est par exemple assez basique mais lourd de symbolisme. Par contre, le filtre rouge à travers les yeux de Shinigami est bien moins saisissant que l’inversion des couleurs du manga, mais en dehors de cas bien précis, je trouve que l’animé s’en sort très bien à ce niveau-là en illustrant mieux ce que le manga essayait de faire transparaître à l’origine.
Des effets de mise en scène ont vraiment été élaborés pour cet animé, par exemple dans le manga Light regarde sa montre après avoir écrit ce qu’il pense être le vrai nom de la fiancé de l’agent du FBI, c’est tout. Dans l’animé, on a un plan où on le voit cheveux et yeux rouges avec une montre bleu sur fond noir et le tic tac se faisant lourdement entendre pour bien illustrer le duel et l’importance de la moindre seconde s’écoulant. C’est la même idée mais véhiculée de façon un peu plus créative et efficace j’ai envie de dire, et mine de rien c’est cette accumulation de petits plus qui peut faire la différence à la fin pour juger de la qualité d’une adaptation animée.
On a aussi les passages inédits quasiment oniriques où Kira et L sont sur des buildings vers l’épisode 15, l’un au-dessus de l’autre selon qui pense gagner la partie, pour illustrer un peu plus graphiquement des passages qui ne sont que des textes détaillant les pensées dans le manga. Une autre zone dans laquelle on peut trouver cette légère liberté d’adaptation pour proposer la même chose de façon plus efficace, c’est que les scènes n’arrivent pas tout à fait dans le même ordre que dans le manga. Par exemple, quand L et Light apprennent que le père de Light est à l’hôpital, le manga marque un petit temps avant de montrer que tout va bien là où l’animé enchaîne directement avec cette scène, pour plus de dynamisme.
Une différence plus importante, et pour laquelle j’aurai un avis plus mitigé, c’est que plus on progresse dans le récit, moins l’animé comprend d’épisodes pour adapter une même durée du manga. Dans la première moitié de l’adaptation, on a quelques dialogues supplémentaires dans le manga par rapport à l’animé qui ne gênent pas vraiment à avoir été coupés mais dès le 7ème tome, sur les 12 existants, de gros passages sont manquants, les personnages perdent pas mal en caractérisation étant donné toutes leurs pensées qui ne sont pas narrées, tous leurs dialogues qui sont raccourcis ou skippés pour aller à l’essentiel...
Ça peut parfois être l’occasion d’entretenir des mystères intéressants :
Si le manga explicite le fait que L comprenne que Light est Kira au moment de mourir, l’animé laisse planer le suspense à ce sujet avec un montage qui fait apparaître le visage heureux de Light après un plan où l’on peut se demander si L est encore conscient ou non. Ce n’est pas anodin de masquer cet état de fait en le laissant ambigu puisque l’on se demandera toujours si L est mort en sachant la vérité avec une certitude absolue ou si même ça, Kira lui a refusé en le privant de sa vie mais aussi en lui privant des fruits, éphémères, de son travail.
Même dans ce contexte de raccourcis scénaristiques, il y a la place pour quelques scènes inédites magnifiques :
Le chant de Misa alors qu’elle a repris le meurtre de criminels est assez marquant avec cette absence d’accompagnement musical aux premières paroles, cette combinaison de l’innocence de la douce voix de Misa, qui fait écho à l’idéal auquel elle veut atteindre, et la dureté de ces paroles qui constituent en réalité une mise en garde mortelle qu’elle met à exécution sans pitié... et cette ambiance va si bien avec le reste du récit auquel elle s’intègre. Ça justifie à mon sens de supprimer un passage du manga pour en rajouter un de cette qualité.
Parfois cela peut se traduire par des légers raccourcis d’intrigues secondaires qui permettent d’augmenter le rythme du récit sans en perdre véritablement de substance. Par exemple, dans le manga Mikami s’arrange pour avoir la permission de Kira avant de choisir son porte-paroles alors que dans l’animé il en prend l’initiative. L’intention du manga était d’expliciter la loyauté de Mikami envers Kira, mais cette loyauté apparaît tellement à d’autres occasions que ça ne fait rien de skipper cette partie-là, et le fait de prendre l’initiative peut même se voir comme une intention de mettre l’accent sur la façon de penser de Mikami proche de celle de Kira, ce qui se justifie tout autant.
Mais parfois des sous-intrigues complètes disparaissent purement et simplement comme la traque de Mello qui prend beaucoup moins de temps dans l’animé puisque Light va directement à la conclusion de la réflexion qu’il entretient dans le manga où on sent que c’est un vrai casse-tête pour lui, il manque son premier essai manqué avec les forces américaines contrées par Shido... rien de tout ça n’était fondamentalement nécessaire, mais ça apportait quand même un petit quelque-chose qu’il est regrettable de ne pas retrouver dans cet animé.
De la même manière, Soichiro n’était pas censé être celui qui mènerait l’assaut en passant le marché avec Ryukku, Light avait supposé que c’était Matsuda qui se porterait volontaire mais la situation lui a échappé et il a tout de même poursuivi son plan, aggravant sa culpabilité dans cette affaire tout en se montrant toujours plus impitoyable et trop sûr de lui. On retrouve autrement cette évolution dans l’animé, donc l’essentiel du message est préservé, mais le manga le prépare plus en amont et l’intensifie davantage.
Il est à noter que si la fin est la même, elle a une ambiance complètement différente :
Dans le manga, j’ai ressenti une véritable horreur se dégager avec la peur extrême grandissant en Light alors qu’il supplie désespérément Ryukku de ne pas le tuer. Les dessins en noir et blanc donnaient une impression glauque absolument terrible là où l’animé a choisi une musique douce, des couleurs chaudes, une expression du visage calme... C’est clairement un choix qui offre une version alternative de la scène et ce n’est pas un mal, les deux sont réussies dans leur registre. C’est juste étonnant de voir un choix d’adaptation aussi libre à la toute fin de l’animé qui jusque là ne se l’était jamais autorisé, mais pourquoi pas ?
C’est vraiment dommage qu’il y ait ces quelques manques vers la fin où l’animé ne prend plus le temps de tout adapter étant donné que quand il le fait, il le fait très bien et très respectueusement tout en s’accordant quelques libertés passagères souvent pertinentes, dans le fond comme dans la forme. Autrement, cet animé est une excellente adaptation d’un manga non pas moins excellent qui reste l’œuvre à voir absolument mais qui peut profiter des ajouts de cette version animée sans regrets.