Pour Light, il n'y a pas de doute, l'homme a le droit de vivre sans avoir la peur de son prochain ! Pour cela, une solution : imposer une sorte de régime totalitaire, aux règles fixées par un dieu, où les criminels payent leurs actions de leur vie. Aucune discrimination raciale, seuls comptent les faits et accusations.
Si ses actions n’obtiennent pas la reconnaissance escomptée, Light justifie cela par la bien-pensance imposée au grand nombre : ses admirateurs ne se révèlent pas au grand jour et préfèrent se réunir derrière l’anonymat d’Internet.
En opposition à Light, nous avons L, détective sans nom, sans visage, très pratique pour échapper à la sentence d'un Kira en devenir.
L considère toute la chasse Kira/L comme une partie d'échecs géante, rien de plus. Le problème avec cette idée, c'est qu'il se contente de dire qu'il agit pour la Justice (celle déjà mise en place, institutionnalisée) sans qu’il ne dévoile ses convictions propres ni où il diffère de Light.
En effet, L n'hésitera pas à sacrifier des criminels pour traquer Kira, et ce n'est pas la mort de douze agents qui vont lui faire prendre conscience du gâchis qu'il a causé. Au final, il y aura très peu de contre-arguments à Light, on n'échappera bien entendu pas à l'idée que tuer, c'est mal... et c'est ça qui est le plus rageant avec Death Note : le potentiel est énorme, on a d'immenses idées à exploiter, mais l'animé va rester sur l'aspect thriller, certes, bien géré dans les dix premiers épisodes puis abandonné ensuite.
Les réflexions vont se faire très maigres, aucun des deux camps ne va évoluer ni même tenter de comprendre l'autre. Chacun scandera qu'il représente la Justice, presque machinalement. Notons quand même que la relation entre L et Light prend un virage intéressant vers les épisodes 20-25, jusqu'à une scène de massage de pieds au symbolisme très fort. (allant jusqu'à nous interroger sur l'amitié qu'ils éprouvent l'un pour l'autre, malgré leurs différents)
À travers les méthodes de L, on peut facilement s'apercevoir que Kira ne fait absolument pas attention aux personnes dont il écrit les noms. L'épisode 2, qui signe la rencontre à travers l'écran de L et Kira, nous montre que Light tue le criminel qui passe à la télévision uniquement en sachant qu'il a été reconnu coupable. De quoi? avec quelles preuves?... Kira châtie sans préavis et c’est avec cette première erreur que L commence à retrouver sa trace. J'aurais bien aimé voir sa réaction si par exemple, une personne tuée par sa faute venait à être lavée de toutes les charges contre elle.
Dans un cas comme celui des Douze hommes en colère, je doute que Light se serait pris le temps comme le fait Henry Fonda de chercher un doute valable.
Ryuk, sorte de Joker aussi bien dans le physique que dans sa psychologie (« n'importe qui peut devenir un monstre »), sert d'intermédiaire entre le protagoniste et le spectateur. Il pose les questions pour comprendre son point de vue. Il n'est d'aucune utilité à l'histoire, et toutes ses questions à propos de stratégies comblent des épisodes entiers dans lesquels on va nous expliquer à quel point Light est super intelligent et conçoit des plans calculés au millimètre près. Et j'en viens à un autre gros défaut de la série : Light est trop intelligent, froid et implacable. Ce n'est pas un problème dans le début de l'histoire, mais du coup, vient un moment où l'enquête va s'arrêter nette. Je prends pour exemple le coup du papier coincé contre la porte. Soyons honnêtes, personne n'y a cru. (à croire que l'accès à la chambre de Light est aussi bien surveillé que celui du Pentagone).
Le scénariste, pas trop idiot quand même pour se rendre compte du problème d'avoir des personnages aussi parfaits, va donc introduire Misa, petite idiote qui va essentiellement permettre de donner à L tous les indices qu'il lui faut. Paradoxalement, c'est à ce même moment que l'on va connaitre la première chute de rythme. Le temps de montrer que Light n'est pas attiré par les filles et que L est kawaii.
Entre l'épisode 11 et 24, l’enquête est mise de côté, on essaye d'apporter un peu de légèreté et de profondeur aux personnages, mais c'est très maladroit, cela conclut l'arc avec L. Malgré tous les indices, il aura été impossible de prouver la culpabilité de Light. C'est une idée que j'ai beaucoup aimé, bien qu'elle ne soit qu'assez peu exploitée : que faire lorsque l'on sait une personne coupable mais que l'on ne peut rien faire ? Parce que L, tout de même, s'impose une règle dans son jeu : il faut trouver et prouver l'identité de Kira (alors que ce dernier, comme on l'a vu un peu avant, tue sans préavis). J'ai personnellement eu l'impression qu’il s’agissait là du premier objectif de Light, avant de chasser les criminels : montrer les « failles » de notre système judiciaire, où tout doit être prouvé, alors même que l'on connait pertinemment les coupables.
L’épisode 25 constitue donc la défaite cuisante de L et est certainement l’un des meilleurs épisodes de la série, du moins en animé. La discussion entre les deux sous la pluie montre un Light déjà gagnant. Les cloches que L entend au loin, ce sont celles d'une église. Un mariage ? Non, un enterrement. Celui de la justice de L.
Dès lors, le massage des pieds sonne beaucoup plus comme un aveu de défaite de sa part, une prosternation devant Kira.
On peut aussi superposer cette scène aux passages entre la dizaine d’épisodes précédents où Light et L se sont vraiment rapprochés, ont tissé des liens, et s'interroger sur cette relation : fausse amitié ou passion refoulée ? L'homosexualité de Light est assez évidente (aucun intérêt pour les filles, il n'a réellement d'intérêt que pour L). Du côté de L, c'est un peu plus compliqué.
Il a connu un Light conscient de ses pouvoirs et un autre qui n'a aucun souvenir du Death Note (servant la justice de L) et il sait que Light a un bon fond. C'est pendant cette courte période que L a connu son seul vrai contact (ami?). Pour moi, il y a clairement une passion amoureuse entre les deux. Le fait d'avoir compris que Light était redevenu Kira et qu'il n'y avait aucun moyen de l'arrêter l'a certainement fait accepter sa propre fin. C'est pour ça je pense, que L est très serein dans ce dernier épisode. Il attend sa mort.
Et puis vient le moment où les plus grands criminels du monde ont disparu, alors Light en vient aux criminels de second rang, les politiciens corrompus et... il n'y a plus aucune limite. En effet, difficile de diviser le monde entre criminels et honnêtes citoyens et arrive le moment où même le spectateur pro-Kira se dira que la peine de mort n'est pas mérité pour ces gens. D'ailleurs, jusqu'à la fin, l'histoire va diaboliser de plus en plus son personnage, alors que l'idée de nous laisser choisir notre version de la Justice dans un premier temps était bien plus attractive...
C'est d'ailleurs la seule solution qu'à trouvé l'histoire pour nous faire comprendre que ses actions sont mauvaises. Parce que Kira perd la partie de façon totalement idiote (les vidéos explicatives ne manquent pas pour comprendre comment Light aurait pu battre Near), la stratégie mise en place est incompréhensible et on se dit que Kira aurait tout aussi bien pu gagner pour la même raison.
Du coup, la défaite de Light est à la fois plausible par rapport au personnage (Light complètement imbu de lui-même qui se brûle les ailes) et décevante après tous les stratagèmes mis en place jusqu'ici, et surtout parce que Near n'a pas le charisme d'un L. Mello aurait était un personnage plus intéressant à exploiter, car il représentait un peu le monde de la criminalité, avec des méthodes toutes aussi 'violentes' que celle de Light.
Il y a un donc un gros côté mythe d'Icare, l'anime pourrait presque être résumé sous forme de fable. Light est très souvent représenté avec des ailes aussi, surtout dans le manga.
Après une superbe scène où Light court à sa perte, poursuivi par ses anciens amis, Ryuk écrit son nom et Kira s'éteint, au milieu d'un escalier qui regorge de symbolisme.
Je préfère la scène de l'animé, mais le manga a la chouette idée de montrer un groupe de fanatiques religieux priant pour le retour de Kira ensuite. J'aurais bien aimé voir le comportement de la société une fois que tout le monde se sera rendu compte que celui-ci n'existe plus, une revanche des criminels après ce totalitarisme aurait une fois de plus montré les défaillances de son système.
On sent bien que l'histoire cherche à condamner les actions de Light, mais sans réel argument. Supposons un instant que Light n'ait pas évolué au cours de l'histoire à partir du moment où il obtient le Death Note (santé mentale pas trop atteinte), on a plus de mal à voir en quoi il est mauvais. Que ce soit avec L ou N, personne ne donnera réellement d'argument.
Alors le gros défaut, certainement le plus dommageable de Death Note, qui englobe tous les autres : c'est finalement que l'animé manque de vie ! Comme remarqué un peu partout jusqu'à maintenant, la série aurait gagné à donner plus de seconds rôles, notamment autour de Light Yagami : quoi de mieux pour rendre un personnage humain que des relations sociales ? Or, il ne semble avoir aucun camarade de classe, d'ailleurs le temps passé à l'extérieur est bien trop léger. J'aurais adoré voir en notre protagoniste une sorte de Bruce Wayne, écolier lambda le jour (encore une fois, il devrait être moins parfait et plus proche de nous autres, spectateurs), et justicier à sa façon la nuit. On a des tas d'idées qui auraient pu être mises en place via ce schéma qui inclueraient notamment les cas cités plus haut. Parce que c'est justement avec des cas réels que nos personnages auraient pu afficher leurs arguments. De plus, pour un animé qui cherche à traiter de problèmes sociétaux aussi importants que la criminalité ou le totalitarisme, on a l'impression que la population est invisible. Comprenez, à la fin du visionnage de Death Note, on a l'impression d'avoir vu Light jouer contre quelques opposants, sans que finalement quiconque dans la société ne s'interpose (Naomi Misora étant cependant une superbe intervention, encore une fois).
Bien sûr, le côté thriller tel qu'il est présent aurait du, par conséquent, être allongé (donc moins d'intensité) mais je pense qu'avec un Light moins parfait, il n'y aurait pas eu besoin de Misa, et le face à face avec L aurait été d'autant plus mythique. Le tout aurait largement tenu en 24 épisodes, mais le succès en a voulu autrement. A ce sujet, je trouve les critiques assez dures, même si Near et Mello sont loins d'avoir le charisme d'un L. Ohba arrive néanmoins à finir son histoire d'une manière satisfaisante, ce qui est déjà pas mal après l'improvisation à laquelle il s'essayait depuis l'arrivée de Misa.
Il y a quelques passages marquants, comme la mort du père de Light, même si à ce moment là, son fils est déjà le dernier des salauds.. si son évolution ne m'a pas franchement convaincu, celle de Matsuda est assez réussie ! Bien que servant la justice de L, c'est le seul qui semble un peu hésitant et qui se questionne quand même sur le système de Kira.. clairement, l'un des seuls éléments réussi de la série sur le long terme !
Death Note est typiquement le genre d’histoire qui marque au fer rouge, bien que sacrément maladroit dans un second temps. Les dix premiers épisodes sont de véritables pépites, bien que l'on n'échappe pas à certaines incohérences (merci de diffuser une annonce d'Interpol uniquement à Tokyo, mais on a Twitter maintenant..).
Le potentiel était énorme, le scénario n'en a que trop peu profité malheureusement. Il ne nous reste plus qu'à rêver de ce qu'aurait pu devenir Death Note sans ses vilaines tares.
A ce titre, je suis content de voir que l’adaptation Netflix a pris conscience de ce qui n’allait pas dans l’histoire originale, bien que le film ait d’autres problèmes. Un Light moins parfait, des stratagèmes moins alambiqués qui servent une bonne narration sur une heure trente, atténuée par une surenchère vers la fin qui fonce droit dans le mur.