Polar social, Dérapages propose, sur six épisodes, une course haletante mettant aux prises un chômeur exaspéré (Cantona) avec des requins libéraux qui lui font miroiter une fausse embauche pour mieux entretenir leurs combines à profit.
Bien entendu, l’idée d’une revanche des opprimés, d’un malin David contre Goliath a toujours quelque chose de réjouissant, et l’organisation en sous-main proposée dans les premiers épisodes montre un certain goût pour le travail bien fait qui pourrait piéger les instigateurs de supercheries à leur propre jeu. Mais d’emblée, tout sonne particulièrement faux.
Sur le plan du récit, il faut faire preuve d’une grande ouverture d’esprit pour accepter toutes ces facilités (mention spéciale à Kervern, marginal hacker de génie), où chaque employé de la compagnie a une casserole offerte sur un plateau d’argent, et même l’épouse ramène des données confidentielles comme elle le ferait d’une baguette. La suite est à l’avenant, avec des twists improbables et une facilité déconcertante pour survire face aux antagonistes, le scénaristes modifiant le caractère du protagoniste qui, une scène sur deux, pleure l’amour brisé pour les siens, et la suivante se révèle un bulldozer de la planification pétant le nez à son gendre ou laissant sa femme aux mains de ravisseurs. Les personnages sont des girouettes peu rancunières, jusqu’à ce final complètement raté visant à satisfaire les désirs de vengeance du spectateur.
Le jeu des comédiens ne peut que suivre. A l’exception d’une partition certes caricaturale mais assez jouissive d’Alex Lutz qui parvient donc à passer de Catherine à ce spécimen glacial du capitalisme, de Clément et Lencquesaing qui tirent à peu près leur épingle du jeu, Kervern semble lire ses répliques sans comprendre qu’il s’agit aussi de les incarner, et tout le reste du casting est artificiel au possible. Cantona, quant à lui, ne sait pas où mettre le curseur, la faute à une écriture terriblement dissertative qui propose à intervalle régulier des grandes sorties sur les inégalités sociales et l’injustice du monde du travail. Si, bien évidemment, tout ce qui est dénoncé est on ne peut plus légitime, la maladresse poussive avec laquelle le protagoniste récite ses diatribes dessert fortement le propos.
Ziad Doueiri n’est pas dénué de talent : le rythme, les mouvements de caméra et l’utilisation de la musique confèrent une belle énergie à son récit, qui n’accuse pas de véritable temps mort ; c’est surtout du côté de Pierre Lemaitre, à l’adaptation de son propre roman que doivent se diriger les reproches, car la balourdise de ses dialogues, l’inconsistance de ses personnages et l’épaisseur de ses péripéties sabordent un projet qui avait beaucoup d’atouts.