1ère saison 6/10.
La série repose sur un concept très fort et très prometteur : le mécanisme très américain du survivant désigné. Loin d'être une invention de la série, ce subterfuge juridique américain très controversé existe réellement et consiste, lors de la réunion de l'ensemble des membres du Gouvernement et du Congrès Américain, à cacher un membre du Cabinet dans un lieu tenu secret afin, en cas d'attentat de grande ampleur, de le nommer Président des Etats-Unis d'Amérique. Ce scénario catastrophe n'ayant jamais trouvé son siège dans la réalité, la série Designated Survivor lui donne une assise : le Secrétaire au Logement, Tom Kirkman, se retrouve après un affreux attentat contre le Capitole lors du Discours de l'Etat de l'Union et la mort de l'ensemble de la classe politique dirigeante à incarner tant bien que mal l'office de Leader du Monde Libre. Face à une conspiration politique particulièrement déterminée, la déliquescence de la classe politique américaine, la remise en question de sa légitimité, la peur du Peuple américain, un contexte géopolitique tendu, le Président s'efforce, accompagné de ses fidèles conseillers et d'autres personnages hauts en couleur, à lutter contre la conspiration interne et à remettre le pays à flot en respectant le droit, l'éthique et en faisant une politique indépendante des partis traditionnels. Autant le dire tout de suite, Designated Survivor n'est pas une série comme les autres, et malgré un concept alléchant, elle se retrouve très vite confrontée aux limites de son propre concept et de ses choix artistiques à la fois ambitieux et en même temps très passés de mode.
En effet, Designated Survivor est une série américaine old school, aux caractéristiques de la première génération des séries, et donc infestée de lacunes. Tout d'abord, la série est très longue et prend son temps : 21 épisodes de quarante minutes chacun. Malgré les premiers épisodes, la série fonctionne sur plusieurs tableaux : la remise en question politique, l'enquête sur la conspiration et la vie familiale du Président. La série est placée sous le signe du manichéisme : des personnages gentils affrontent des personnages méchants sans grande nuance. La morale est toujours du côté du Président et le cynisme est perçu comme un terrible vice : le spectateur est bien loin des premières saisons de House of cards. Les ressorts et ficelles de la série rejoignent les poncifs du genre par leur grossièreté et notamment par les nombreux fusils de Tchekhov à un point tel que l'on voit tout venir à point nommé. Au-delà de la dimension épico-polaro-moraliste américano-centrée, la série semble se vouloir familiale et apolitique ce qui, dans ce domaine, est particulièrement compliqué, et donc peu crédible. Pourtant, très vite, la mayonnaise bien-pensante prend et même si le spectateur s'attend à ce qu'il va voir et entendre, il passe très vite un bon moment, notamment grâce à une grande cohérence d'ensemble et à un scénario guimauve qui réchauffe le coeur : une série oubliable mais sympathique, qui s'inscrit dans une longueur parfois salvatrice et parvient tout de même à donner une densité, un peu forcée, à certains personnages. La première saison aurait pu se suffire à elle-même.
Saison 2 3/10
Si la saison 1 avait réussi à conserver un semblant d'âme et reposait beaucoup sur le thriller conspirationniste, la saison 2 est indéniablement un long et douloureux naufrage pour la série. Tout d'abord, le scénario s'éloigne de la conspiration pour devenir une série politique et uniquement politique. Le problème est que très vite, le moralisme insupportable de la série et sa capacité à se complaire dans la bien-pensance tout en ne tranchant jamais sur les grands sujets met en valeur la profonde vacuité du discours. De plus, la série semble devenir une forme de série très old school en permettant notamment une forme d'indépendance des épisodes : le spectateur pourrait alors regarder chaque épisode, en excluant les derniers de la saison, indépendamment les uns des autres ce qui est clairement un véritable aveu de faiblesse de la part des scénaristes. Certains passages sont franchement insupportables par leur humour forcé, notamment à travers le personnage du conseiller Lyor, et la série s'enfonce peu à peu dans une bourbe monumentale. Si la série tente à l'épisode 10 un retournement de situation particulièrement audacieux, elle n'en fait rien et le traite de manière absolument catastrophique ce qui montre que la série subit plutôt que dirige réellement la trame. La série perd en cohérence, part dans tous les sens, se perd dans l'invention de faux pays afin de ne pas se mouiller. S elle parvient à insuffler un certain sursaut à la fin de la série par un cliffhanger qui n'est cependant pas à la hauteur de la première saison, elle laisse un goût d'inachevé dans la bouche, et perd profondément en capital sympathie. Il lui faudra une incroyable saison 3 pour faire sortir Designated Survivor vers le haut.
Saison 3. 7/10.
Quelle agréable surprise ! Après une saison 1 raisonnablement réussie et l'accident industriel de la saison 2, Designated Survivor revient en beauté avec une saison qui semble en partie quitter son insupportable politiquement correct et son manichéisme immature. Durant une élection présidentielle et une menace bioterroriste imminente d'extrême droite, les personnages semblent tous tiraillés et confrontés à des limites qu'ils pensaient ne pas pouvoir franchir. La saison 3 est donc celle de la remise en question à tout point de vue. Si le Président Kirkman découvre enfin la politique et ses choix parfois moralement désagréables, chaque personnage est soumis à des drames personnels ou à ses propres origines. Certains personnages sont même carrément drôles et réjouissants comme celui de la directrice de campagne et de la transgenre Sasha. La narration et l'intrigue reprennent un rythme bien mené, d'autant plus que l'idée d'une série à épisode thème a été abandonné pour le meilleur. Il conviendra tout de même de regretter la drôle de fin d'Hannah Welles. La série se termine donc sur une fin douce-amère bienvenue qui rompt par ses dernières répliques avec la bien-pensance d'une oeuvre un peu trop corsetée par sa fausse neutralité, ses faux-semblants, et son optimisme démesuré.