Globalement imparfaite de bout en bout, voici une série qui parvient néanmoins à nous emmener avec elle. Ce tour de force méritait assurément que je m'y attarde un petit peu.
Deutschland 83 c'est le retour de la Guerre Froide, enfin dans sa version "fraîche". Un jeune Est-allemand doit infiltrer l'Ouest et rien de moins que l'OTAN pour découvrir les plans d'une invasion des hordes capitalistes. On est en plein délire reaganien, la RDA et les Soviétiques semblent certains qu'une attaque soit imminente et font feu de tout bois pour prévoir une riposte. C'est dans ce contexte qu'entre en scène Martin, jeune prometteur de la Stasi, prometteur mais peu formé, prometteur mais assez limité quant à sa panoplie James Bondienne. Très vite, cet écueil aurait pu se transformer en boulet. Martin fait des gaffes, Martin tente de s'adapter comme il peut, certaines scènes devenant assez limites, entre humour gauche et simple idiotie. Pourtant, petit à petit, l'intrigue prend.
Au-delà des raccourcis narratifs, des incohérences, je me suis laissé emporté par l'atmosphère. La bande son y est évidement pour quelque chose et retrouver les hits du début des années 80, Eurythmics, The Cure ou le géniallissimement régressif 99 Luftballons apportent une véritable plus-value à l'ensemble. Mais, bien plus que cette bande-son, ce sont des détails annexes qui font le sel de cette série. Une RFA abondante opulente traversée de courants pacifistes entretenus par les services de la Stasi, Stasi qui découvre avec angoisse une disquette 5"25. Ce sont aussi ces souvenirs du passé Nazi d'un grand-père qui refait surface dans la bouche d'un fils qui découvre ses propres limites, insoupçonnées ou refoulées. C'est la découverte du SIDA, ce sont les discours enflammés de Reagan, la peur indicible d'une confrontation nucléaire que tout le monde redoute. Ce sont des livres interdits qui circulent, une certaine jeunesse qui croit encore en son idéal, à l'Est, ou plus, à l'Ouest.
On pourrait parler de nostalgie, c'est évident. J'ai connu cette époque, je me souviens encore de la RFA que j'ai visité, du rideau de fer que j'ai vu. Je me souviens très bien de ce 747 de Korean Airline se faisant descendre en septembre 83 avec la montée de tensions qui s'en suivi. La découverte de Mac Do, du Walkman, tout ça enfonce des portes ouvertes dans ma mémoire de génération VGE ... Et puis en avril dernier j'ai eu la chante de visiter Berlin et, franchement, retrouver les bureaux de la STASI, cet orange des familles, ces dossiers à coups de classeurs, cette fumée de cigarette imbibant la moquette intemporelle, même l'odeur est revenue.
Mais je crois que la série va encore plus loin. Elle pose la question de la peur des autres, d'une époque si proche et si lointaine où deux camps semblaient devoir s'affronter sans qu'aucun ne le veuille vraiment. La série rappelle justement combien l'équilibre était précaire, au point qu'une mauvaise perception d'un exercice pouvait mener au bord du gouffre. Et puis, finalement, les baignades à poil à l'Est, les délires de l'Ouest pour oublier le danger, toujours palpable, de se prendre un Pershing II ou un SS20 sur la tronche, l'aspect amateuriste de la série collant parfaitement à ce qui a pû se passer à l'époque, oui, tout confine à faire de Deutschland83 un foutue bonne petite série. Ce n'est pas Homeland, et c'est heureux. Plus frais, plus juste et crédible finalement quant à l'époque traitée, moins ambitieuse que Mad Men ou autres Americans, Danke RTL. Je ne saurai terminer sans parler du casting ; Jonas Nay est totalement crédible en Martin paumé, Ludwig Trepte brillant en fils maudit après avoir été juif maudit dans Generation War, Alexander Beyer parfait en prof infiltré et ces allemandes sont décidément plus que charmantes, justes impeccables dans leurs rôles.