Doctor Who
7.7
Doctor Who

Série BBC One (2005)

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La réussite d’une “Monté en enfer”

  En vu de sa longévité, la série Doctor who, à traversé au fils des années et des saisons des formes d'écritures et de réalisation variées. Références à des genres iconique tel que le western ou le film de zombie, ou bien des inspirations à des films précis comme Narnia ou The lodger de Hitchcock. Mais aussi des rythmes variés, avec des trames narratives allant d'un épisode à tout une saison. Ces essais et renouvellements forment un des pilier de la série, mais par conséquent il arrive inévitablement que certains fonctionnent et d'autres non. Et un très bon exemple d’un épisode qui fonctionne (mais qui est loin d’être une exception) est "Hell bent" ou "Montée en enfer" pour la version française, le douzième et dernier épisode de la saison neuf. Ce grâce à de nombreux points sur lesquels je vais m'attarder, aussi bien dans son écriture, sa réalisation et son montage.

La gestion du rythme


  En premier lieu il y a le rythme. Dans toute œuvre audiovisuel, c’est un des pilier majeurs qui permet de conserver l'attention du spectateur. Ceci grâce à une minutieuse balance entre le moment d'action et des temps calmes. Ces derniers sont essentielles d'une part pour laisser au spectateur le temps d'apprécier les moments forts, et d'autre part ce sont des temps qui permettent de laisser de la place aux personnages pour se développer. "Hell bent" a su prendre ces temps de pauses pour laisser les personnages communiquer mais aussi et surtout pour le développement des émotions. Ce sont surtout les scènes dans le diner qui occupent cette tâche pour "Hell bent", avec des moment de silences, des regards, le Docteur qui joue, des dialogues qui prennent le temps de respirer. On retrouve également ce type de coupure au seins même de l'action, tel que la scène d’ouverture de la trappe dans la crypte.
Par ailleurs la gestion de chaque étape de l’intrigue par rapport à la durée de l’épisode est aussi très bien mesuré. Chaque phase narrative à suffisamment de temps pour se développer sans pour autant empiéter sur les suivantes. Il arrive dans tout type d’oeuvre narrative, qu’une mauvaise gestion du temps, avec une mise en place trop longue de l’intrigue aboutisse à une résolution expéditif par manque de temps. A l’inverse “Hell Bent” mesure chaque temps de la situation initial à la résolution.

La simplicité de la narration


 En lien direct avec le rythme nous retrouvons la narration de l'épisode. Je passerais sur le jugement gustatif de l’histoire en elle même car il en va de l’appréciation de chacun. Je m’attarderai plutôt sur sa construction. Dans notre cas celle-ci est bâti sur deux temporalités. Le présent dans le diner, et le souvenir sur Gallifrey qui aboutit au présent et explique ce dernier.  L'entremêlement de ces deux temporalités n'empêchent pas pour autant une limpidité et une fluidité du récit qui permet au spectateurs d'en saisir et d'en apprécier chaque moment. Ce car la narration ne superpose pas sur un trop grand nombre de péripéties et de rebondissements au sein d’un même épisode. Ainsi chaque élément que découvre le spectateur à le temps de se démêler. Une écriture non linéaire sur le plan temporelle comme c’est le cas ici repose notamment sur de bonnes transitions, mais c’est aussi la simplicité de l’intrigue qui permet cette fluidité d’une scène à l’autre.

La précision de la réalisation


  Nous arrivons à présent à des point plus techniques, car même une série produite pour la télévision possède des intentions de réalisation marquées, et “Hell Bent” le démontre. Rien n’est laissé au hasard dans cette épisode réalisé par Rachel Talalay. Ceci, nous le remarquons des les premières minutes de l’épisode avec l’entrée du Docteur dans le diner. Le décor est présenté par des gros plans, d’abord sur les chaises, puis des plans sur Clara de dos et un gros plan sur sa main. Son visage n’est pas tout de suite révélé. Bien que le spectacteur assidu à la série connait aussi bien le lieu que le personnage, le docteur lui non. Et la réalisation le fait bien comprendre par ces procédés.
Quelques minutes plus tard nous avons un nouvel exemple de la subtilité de la réalisation. Le Docteur est devant sa soupe et le soldat qui se présente à lui dans son véhicule lui demande de déposer ses armes s’il en possède. Il y alors un gros plan sur le Docteur lâchant sa cuillère. D’une part le personnage est interrompu dans un acte trivial qu’est un repas, ce qui crée un contraste face au vaisseau blindé qui l’interpelle. Mais surtout le Docteur ne porte pas d’arme, c’est bien connu. Il le dit lui même dans la saison précédente dans l’épisode avec Robin des bois “Je n’ai pas d’épée, je n’ai pas besoin d’une épée puisque j’ai ma cuillère”. Le Docteur dépose donc bien son arme, se soumettant, un instant, à l’autorité des seigneurs du temps.
Je prendrais comme dernier exemple l'évanouissement du Docteur lorsqu’il perd la mémoire. Alors que que Clara lâche l’appareil, les personnages sont filmés en plan américain, avec une profondeur de champ encore assez large puisque le TARDIS en arrière plan est net. A partir de ce moment les plans sur Clara se resserrent immédiatement sur son visage, mais vont peu changé d’échelle après cela. C’est l’évolution sur le Docteur qui est plus notable, car plus il perd connaissance, plus la caméra se rapproche de lui. Au moment où il répond à Clara “je ne pense pas que tu auras à le faire”, il est en plan rapproché poitrine et la profondeur de champ a diminué. Plus le Docteur sentira les effets de l’appareil, plus la caméra se rapprochera de lui jusqu’au très gros plan sur ces yeux, et plus l’arrière plan devient flou. Sa propre perception est altérée, il ne perçoit plus ce qu’il y a autour de lui, y comprit Clara qui était encore présent dans le champ par l’arrière de sa tête, puis une épaule, puis ses cheveux. Clara est petit à petit exclu du cadre comme elle est exclu de la mémoire du Docteur.
En dehors du cadrage, il ne faut pas oublier la gestion des univers, marqué par les décors et la lumière. Ces deux points soutiennent la mise en scène, permettant d’instaurer une ambiance. Cet épisode est marqué par deux ambiances principales. Une orangé pour l’extérieur, et une très blanche dans le TARDIS volé sur Gallifrey avec Clara. En effet la mise en scène fait un parallèle entre les scènes extérieur de Gallifrey désertique et celles du Nevada avec des couleurs majoritairement chaude, bien que pour Gallifrey, la colorimétrie est poussé d’avantage les tons orangés pour marqué la différence de planète. Pour le TARDIS c’est une lumière bien plus froide, voir blanche, que ce soit dans le diner que dans la salle de commande. Là aussi il y a un parallèle de fait entre le souvenir et le présent, donnant un indice sur le fait qu’il s’agisse du même lieu.

Une musique qui accompagne la narration


   Composé par Murray Gold qui a travaillé sur la série depuis son retour en 2005 jusqu’à la fin de la saison dix, la musique sublime sans surcharger l’épisode. Tout d’abord il y a les thèmes bien connu du douzième Docteur “A good man” et le “Thème de Clara”. Mais un bon thème ne fait pas tout. Ce qui importe c’est à quelle moment il intervient. Pour “Hell Bent” la musique accompagne les différentes scènes d’actions ou d’émotions, sans pour autant prendre toute la place et encore moins en étant le seul support de ces émotions. Le meilleurs exemple de cela sont les scènes dans le diner alors que le Docteur interprète le “Thème de Clara” à la guitare. Le thème en devenant diégétique s’ancre naturellement dans la scène et en devient partie intégrante.

Le montage, chef d’orchestre de l’œuvre


J’achèverai cette critique sur l’élément qui lie tout les points évoqué jusque là. A savoir le montage. C’est ce dernier qui permet d’orchestrer chacun des éléments qui  composent une œuvre audiovisuelle. Je parlais au début au sujet du rythme, d’une balance, le montage est justement cette balance qui va permettre de doser et de placer au bon moment, un élément d’intrigue, un plan, un bruitage, une musique. C’est surtout le montage qui permet les transitions d’une scène à l’autre. Dans un épisode construit comme celui-ci, l’attention portée aux transitions est d’autant plus important afin de les rendre limpide. Le mode de transition choisie, au début de l’épisode est le contraste entre deux plans. Le changement radicale d’une univers à l’autre, que ce soit par le décor, la lumière où le son. Ce dernier d’ailleurs n’anticipe pas le plan suivant, procédé récurent qui adoucie une transition. Au contraire le but est de marquer une différence et non pas une continuité. Bien évidemment ce n’est qu’un exemple car s’attarder sur chaque plan demanderai un livre.
Je conclurais simplement en rappelant que ce qui fait de cet épisode un bon épisode c’est l'attention portée aux détails de chaque élément et la gestion de ces derniers dans leur assemblage.
tetedegrenouille
7

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Créée

le 29 janv. 2022

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