C'est la rentrée et avec le retour à la vie active la plus déprimante, le lot de séries fait son apparition, avec du bon et du moins bon. Techniquement, c'est mal de juger une série à son pilote, après tout, il n'est pas forcément passionnant de bout en bout mais quand même, il est censé annoncer la sauce à laquelle on sera mangé sur le reste de la saison et autant dire que ce Dracu-là n'a guère fait monter la tension. Mais bon, revenons quand même aux présentations et analysons ensemble le pourquoi du ratage de ce lancement.
Le show débute donc par une réception, qui tient lieu de scène d'exposition du pauvre. Ami scénariste, tu es un peu paresseux toi aussi, n'hésite pas à sortir de ton chapeau magique la réception ! Cela permet de réunir tous les personnages de ton show sans trop te fouler, histoire de les présenter rapidou sans avoir à te triturer les méninges. La top classe quoi, pas étonnant que la scène d'ouverture de "Witches of the East End" (apparemment, le concurrent de Dracula dans le créneau fantastique) soit exactement la même. Donc, on assiste à la première réception donnée par Alexander Grayson, un industriel américain - ou prétendument américain - sur le sol anglais de Londres. Dès lors, on sait une chose avec une assurance implacable : si Jonathan Ryes-Meyers n'est pas mauvais acteur, il n'est clairement pas dans son rôle de Dracula. C'en est même vexant tant il n'a pas l'air à sa place. Dommage. D'autant qu'il est extrêmement petit (je dirai même qu'il réussit l'exploit de se faire dépasser par Tom Cruise, ça ne doit pas être donné à grand monde). Enfin bref, donc, Alexander arrive, fait un kikoolol à toute l'assemblée et aperçoit soudainement Mina. Si vous pensiez encore que le show, au bout de cinq minutes, pouvait parvenir à ne pas se tirer une balle dans le pieds, PAN ! il vient de le faire. Mina le voit et soudain, défaille (à la plus pure sauce romantique), alors qu'elle et Alexander revivent des réminiscences de ce passé lointain où Mina fut la compagne assassinée du Prince des Carpates. Bim, histoire d'amour à travers les âges, nous voilà. Donc Mina minaude comme une Bella adulte, Jonathan fait des moues pas contentes parce qu'il ne comprend pas ce qu'il se passe et Jonathan se fait mi-figue mi-raisin pour tenter de grossièrement la dragouiller devant son mec. Suite à quoi, il révèle la vrai raison de son invitation auprès de toute la haute londonienne : un séquence totalement inspirée du Prestige, où des ampoules, dans les mains des invités, s'illuminent car Dracula a inventé l'énergie wireless. WTF, oui, tout à fait WTF.
Voilà, donc l'intrigue après cela se plante trèèès mollement, on comprend que Dracula est à Londres pour y détruire l'Ordre du Dragon car ceux-ci violent, pillent et massacrent et que Dracula, saint des saints, ne peut laisser faire ça. Là, le showrunner se dit que c'est un peu con et précise qu'en fait, l'Ordre du Dragon a tué Mina et fait enfermer Dracula. Ce qui demeure relativement con. Mais peut-être que, par la suite, les scénaristes nous expliqueront pourquoi cet ordre moyenâgeux du fin fond de la Transylvanie s'est installé dans les terres de la perfide Albion. Donc, tout ceci est fait avec une grande mollesse. Là, on découvre Van Helsing, bim, révélation, en fait, Van Helsing fait équipe avec Dracula et... on baille. Puis arrive les cinq dernières minutes mais j'y reviendrais parce qu'elles sont tellement suprêmes qu'il faut les développer un peu.
Tout d'abord, j'aimerai attirer votre attention sur ce qui fait que ce show est mauvais - et ce qui fait qu'en fait, Hannibal le surpasse. La corrélation peut paraître tortueuse entre ces deux séries et pourtant : elles reposent toutes deux à part entière sur un personnage iconique, développé au sein d'une mythologie qui s'est étoffée au fur et à mesure des âges. Là où Hannibal est intelligent, c'est que la série part du principe que le personnage est connu du public et joue constamment sur l’ambiguïté de sa relation avec le véritable personnage central, Will Graham. La réelle prouesse des scénaristes est de ne pas avoir mis le personnage au premier plan, parce qu'ils savaient qu'ils ne parviendraient pas à maintenir le mystère autour des motivations du docteur cannibale si le show n'avait été focus que sur lui et que, du coup, Will sert autant de "zone tampon" narrative que de prisme pour le spectateur, une sorte de lorgnette qui permet de stigmatiser un regard sur Hannibal. Et dans Dracula, vous prenez tout ce que je viens de dire et vous le jeter aux orties en hurlant. Dracula n'est pas ambigu. C'est un personnage extrêmement binaire, un coup charmant, un coup tout croc dehors, avec du sang sur le menton pour montrer combien il est badass. Il a une motivation claire qui est rapidement définie : il veut se venger, donc il éprouve de la colère, donc finalement, il est humain, on peut aisément le comprendre. Il n'est pas bien monstrueux puisqu'apparemment, il fait équipe avec un mortel et en plus, il a un manque flagrant de subtilité (un gars qu'il ne peut pas impressionner... il le bute direct dans la scène suivante, paye ton jeu de piste, flagorneur !). En fait, rien n'est mis en place pour créer un peu de mystification autour du personnage. Mais rien. Il n'est pas mystérieux, il n'est pas charismatique, bref, le personnage n'a aucune épaisseur - et le show repose sur lui, quand même ! Les scénaristes ont eu la faiblesse impardonnable de ne pas chercher une seule seconde à s'approprier le mythe pour le développer à leur sauce, histoire de proposer quelque chose de différent. Ils se sont complètement reposés sur des bases vieilles et bien racornies, en croyant qu'avec du Ryes-Meyers et du victorien, ça ferait l'affaire. Non.
Le pire étant que finalement, la seule originalité intervient dans les cinq dernières minutes et achève plutôt de façon consternante toute la crédibilité que le show pouvait encore se targuer d'avoir jusque là. Je me permets de vous spoiler, soyez sans crainte, vous me remercierez. Dracula est donc à l'affut d'une nouvelle victime, nichée dans les toitures, lorsqu'il reçoit un carreau d'arbalète d'un garde qui patrouillait par là. Dès lors - tenez-vous bien - Dracula bondit en slow-motion et dégaine, dans les airs, son katana pour débiter en fines lamelles le malotru. Oui, vous avez bien lu. Wow, hein ? Du coup, la séquence suivante qui montre une des bourgeoises du début en train de s'entraîner au maniement de lames courbes à tendance orientale, c'est presque banal.
Résultat : je sais, juger une série à son pilote, c'est mal, mais là, on sent que la prod' s'est défoncée pour abattre toutes ses cartes d'un coup, histoire de vous montrer tout le potentiel nanar de cette série. A mon avis, la prochaine fois qu'on entendra parler de Dracula, ce sera en même. Vous voilà prévenu.