Devenu incontournable, aussi bien pour de la série d'auteur à l'écriture fine que pour des shows plus orientés grand spectacle qualitatif, HBO s'aligne doucement sur un credo particulièrement intéressant : conjointement aux sorties cinématographiques du studio mère WB, la chaîne réalise ainsi des séries qui étayent le lore abordé dans les films, tout en en conservant l'esthétique ciselée. De quoi assouvir la curiosité sur les backstories, et éviter d'alourdir des œuvres principales savamment équilibrées. Initié par Denis Villeneuve, Dune: Prophecy se place donc 10000 ans avant les longs-métrages et explore l'aspect plus mystique de la saga ainsi que la géo-politique de son empire galactique. Cette première saison s'étend sur 6 épisodes - dont un final d'1h20 - et permet d'éclaircir la mythologie développée par Herbert, en particulier l'établissement de l'hégémonie des Bene Gesserit sur les Maisons de l'Imperium, et le développement de leurs capacités. Le conflit Harkonnen/Atreides demeure en filigrane et, surtout, on explore d'autres planètes qu'Arrakis, dont celle très civilisée de l'Imperium.
C'est un jeu de pouvoir permanent qui est scénarisé, mettant en scène les alliances, manipulations et fourberies entre différentes Grandes Maisons, castes et peuples de cette saga de SF. Au casting, on retrouve surtout Mark Strong en Empereur Padishah de l'Imperium, Emily Watson en Mère Supérieure et Travis Fimmel en soldat dévoué. Ce dernier livre une prestation très similaire à ses précédents rôles avec les mêmes mimiques un peu schizophrènes et un jeu à l'air factice. Malgré l'importance de son personnage, il peine à effacer son acting derrière. Autrement, les performances de Jessica Barden et Emma Canning, en jeunes sœurs Bene Gesserit sont remarquables. En dépit d'une superficialité initiale, les personnages se révèlent plutôt intéressants. On apprécie l'intrigue plutôt portée sur la dimension psychique, spirituelle, de Dune, permettant de faire ressentir le mysticisme prégnant de cet univers.
Le mélange d'univers royal néo-médiéval et futuriste à l'échelle galactique donne souvent l'impression d'y voir un House of the Dragon - pour les intérieurs vastes, les étoffes classieuses, l'éclairage tamisé - dans un environnement digne de Blade Runner, pour ce setting urbain souvent brumeux et nocturne. Dans l'ensemble, la série garde une homogénéité louable avec les longs-métrages de Villeneuve, reprenant plusieurs codes visuels pour ce qui est de l'architecture (brute et élégante), les technologies, la représentation des peuples, et certaines compositions de plans. Les décors sont intrigants, aussi aliens que majestueux, et la photographie tire souvent sur les nuances sableuses brunes et scintillantes.
Dune: Prophecy est incontestablement bien faite, mais manque beaucoup d'identité, à l'instar de toutes ces autres productions de SF/Fantasy épique à gros budget, avec la même mise en scène très sérieuse et dramatique, les extérieurs numériques grandioses, les intérieurs en préfabriqués tout propres, et un casting immaculé tiré à quatre épingles. La bande-son de Volker Bertelmann trahit bien cette problématique puisqu'elle se complet en sound design usuel, avec des synthés vrombissants, des percussions un peu plus folkloriques et un thème principal qui se pare de sonorités orientales ; il a le mérité de ne pas reprendre Zimmer, mais n'apporte rien de mémorable pour autant. Cela dit, la série happe au fur et à mesure de ses épisodes par la rigueur de sa réalisation, et convainc de l'immensité prometteuse de l'univers de Herbert encore à disposition. Par ailleurs, cette première saison a le mérité d'être autonome, en résolvant les intrigues principales tout en laissant des ouvertures propres à la portée de ce space opera, très prometteur également sous ce format.