Il fut un temps où j'étais légèrement obsédée par les adaptations de Jane Austen et Emma fut le début de tout. Le début de la voracité, de la quête pour des histoires charmantes de courtoisie et d'amours polis. Le début de la recherche incessante du plaisir qu'on peut ressentir lorsqu'on est pris dans une belle romance. Et quelle romance c'est.
Les quatre épisodes se regardent d'une traite tant la narration est bien structurée et les acteurs convaincants (aussi, ce ne sont que quatre épisodes. Je m'éloigne du problème). Là où le livre d'Austen a des longueurs et un aspect moralisateur un peu pesant, la minisérie s'en dégage en parvenant à nous faire tenir à l'agaçante Emma et même à rendre M. Knightley charmant à souhait, alors qu'il est tellement dur pour un héros austenien autre que Darcy de briller, et ce très injustement à mon goût. Du coup, la série n'est pas totalement fidèle au bouquin, notamment parce que la différence d'âge entre Romola Garai et Johnny Lee Miller est moins évidente, mais qu'importe puisque le tout est cohérent et envoûtant et génial et presque parfait (esprit critique ? Quel esprit critique ?).
Mais à l'époque, tout ça, je ne le savais pas. J'avais lu Orgueil et Préjugés et vu le film de 2005, mais à part ça, j'étais relativement ignare du monde d'Austen avant de me lancer dans Emma. C'est donc avec émerveillement que j'ai découvert états d'âme de Miss Woodhouse et de son entourage, l'hypocrisie des uns et la sincérité des autres, leur bonne volonté comme leur mauvaise foi, de la prudence pathologique de M. Woodhouse à l'extraversion insolente de M. Chruchill, en passant par les bavardages incessants de Miss Bates. Quelle montagne russe. Quelle complexité dans tant de simplicité.
Depuis mon premier visionnage, j'ai vu à peu près toutes les adaptations d'Austen, récentes et un peu moins récentes, et Emma reste ma préférée, peut-être parce qu'elle capture avec beauté l'esprit de l'auteure, qui mêle l'humour à la critique sociétale, le rire aux larmichettes, et parvient à nous rendre amoureux de personnages faillibles et merveilleusement humains. En coupant justement dans les passages longuets du livre (pardonne moi, Jane), les 3h30 permettent à la minisérie de rester cohérente et terriblement attachante. Les acteurs sont lumineux, parfois cabotins, mais toujours justes. La musique, l'éclairage, les décors, les costumes permettent de poser une ambiance prenante et captivante.
J'ai tout vu des adaptations de Jane Austen des deux dernières décennies et aucune n'a jamais égalé le bonheur que j'ai ressenti en regardant Emma. J'ai été charmée par surprise, sans m'y attendre, un peu comme Emma elle-même, au fond. Si ce n'est pas poétique, ça.