Deux ans après avoir grillé les étapes et posé comme président de la république sur les affiches de son premier film Tout Simplement Noir , Jean Pascal Zadi se lance dans la campagne présidentielle avec la série En Place débarquée sur Netflix cette semaine. Une farce et une fable sur l'éternel histoire du quidam anonyme qui se retrouve potentiellement à la tête d'une nation en portant son incompétence avec la plus grande des sincérités. Même si la série comporte objectivement quelques défauts, elle est suffisamment réjouissante et drôle pour m'avoir fait dévorer les six épisodes avec même un petit sentiment de trop peu.
En Place c'est donc l'histoire de Stéphane Blé un éducateur de banlieue qui interpelle vertement face caméra un élu en campagne pour la présidentielle. La courte séquence vidéo fait un tel buzz médiatique que le petit éducateur se retrouve propulsé comme une potentielle figure politique des futures élections surtout lorsqu'un conseiller requin un peu pourri décide de l'aider à mener sa campagne pour torpiller le candidat de gauche.
Il est clair que selon votre sensibilité politique cette farce vous semblera plus ou moins pertinente, caricaturale et amusante, car si Jean Pascal Zadi se moque de tout le monde à commencer par lui même et qu'il tire à vue y compris sur certains cliché de la banlieue, sa série reste une ode naïve et bon enfant au vivre ensemble et à l'égalité des chances prônant l'appropriation de l'exercice démocratique par et pour tous. On pourra aussi reprocher à Jean Pascal Zadi de rester sur un éternel et même registre, mais ce rôle de grand dadais couillon à la maladresse pétris des meilleures intentions lui va si bien qu'il serait dommage de s'en priver. En plus de Jean Pascal Zadi qui joue sur donc du velours, la série s'appuie sur un casting tout simplement parfait avec Benoit Poelvoorde très bon en espèce de macroniste cynique et magouilleur, Marina Foïs très drôle en caricature d'écolo-responsable progressiste, féministe et bio à la Sandrine Rousseau, Eric Judor que personnellement je n'avais pas vu depuis longtemps aussi sobre et drôle à la fois en conseiller politique requin et sournois et pour terminer j''ai également adoré Fadily Camara confondante de naturel, de drôlerie, de tendresse et de spontanéité dans le rôle de l'épouse de Stéphane. Il faut ajouter à l'ensemble une belle galerie de seconds rôles et personnages avec Panayotis Pasco, Fary, Sebastien Tohen, Pierre Emmanuel Barré … La série écrite avec François Uzan (Family Buisiness) est surtout porté par le sens du dialogue et de la vanne de Jean Pascal Zadi qui se moque joyeusement des travers de notre société sans trop appuyer le trait. Les petites magouilles et coup de putes du monde politique, l'emballement médiatique, les liens entre pouvoirs et médias, l'abandon de la France rural, l'homophobie et l'antisémitisme des quartiers, les relents latents du racisme ordinaire, les dérives du progressisme, l’étendard écologique, la politique spectacle, le déferlante #Metoo sont autant de sujets que la série épingle parfois d'un seul trait d'humour bien senti. Même si tout n'est pas toujours d'un même niveau, la série est tout de même très drôle et objectivement je n'en demandais pas plus, La série comporte bien assez de séquences poilantes pour passer un très bon moment comme lorsqu'un panel réagit à la photo de campagne de Stéphane ou que le candidat en campagne(et à la campagne) tente d'aider un paysan suicidaire. Jean Pascal Zadi me fait beaucoup rire et une nouvelle fois je trouve son personnage très attachant jusque dans ses contradictions et sa bêtise qui n'est que le reflet de notre difficulté d'être à tous surtout aux yeux des autres.
La série souffre tout de même de quelques défauts à commencer par quelques ficelles narratives un peu grosses et une légère baisse de rythme sur les deux derniers épisodes. La disqualification des gros candidats tombe un peu comme une pirouette narrative facile, tout le récit autour du jeune protégé de Stéphane semble au final assez artificiel et le grand débat entre les deux finalistes est finalement plutôt décevant par son manque de mordant. Alors que d'autres séries étale leur intrigue plus que de raison sur dix ou douze épisodes, j'aurai bien aimé dans le cas de En Place un ou deux épisodes de plus ne serait ce que pour boucler correctement quelques péripéties narratives qui se retrouvent expédiées d'un revers de manche comme l'épisode du clip de rap déterré du passé du candidat qui aurait sans doute mérité un développement et un épilogue mieux construit qu'un simple "c'est bon ils ont tous oublié". Faute de moyens on a aussi un peu de mal à ressentir l'ampleur d'une campagne présidentielle qui se résume pour le coup à deux trois sorties en province et quelques meetings de quartiers devant trente bédoins. Un épisode sur de l'entre deux tours et l'affrontement des deux finalistes (hors débat) n'aurait à mon sens pas été de trop.
En Place est une petite série franchement sympathique pour laquelle je signerais volontiers pour une seconde saison. Je dois être un petit peu Zadiste tant l'humour, le sens de la vanne et l'humanisme qui se dégage de Jean Pascal Zadi me correspond plutôt bien.