Si vous avez un peu suivi les derniers projets de Panayotis Pascot, de son spectacle de standup très réussi Presque sur Netflix à son premier roman à succès La prochaine fois que tu mordras la poussière, vous ne serez pas perdu et retrouverez quelques-unes de ses obsessions. Enterrement de vie de garçon aborde donc la masculinité détachée des diktats de la virilité, l'amitié au sein d'un groupe d'hommes, le blocage émotionnel suivant un deuil, mais aussi les difficultés d'une génération qui peine à devenir adulte et à s'épanouir (amoureusement notamment). Bref, on suit une bande de potes la veille de l'enterrement du frère de l'un d'entre eux.
Le contraste entre le drame qui se joue à l'écran et la légèreté de ton des personnages rend le pilote assez prometteur et saisissant. Mais très vite le scénario s'englue, ne sachant pas quoi faire de ses personnages et accumule les situations les plus improbables. Les interactions entre le groupe d'amis manquent d'originalité, nous ressortant les mêmes poncifs habituels dès qu'il est question de masculinité et de bromance assez vague : l'incapacité à dire "je t'aime" à sa copine, à pleurer la perte d'un être cher, à exprimer ses sentiments devant ses amis, à parler de sa sexualité sans tomber dans la vulgarité, etc. Très vite, on a l'impression de regarder l'œuvre assez nombriliste d'une bande de potes humoristes qui a voulu se faire plaisir dans un projet de série pas franchement inspiré. D'ailleurs, des femmes, vous en verrez peu au passage. Les trois personnages féminins entrevus sont réduits à leur relation avec des hommes : la strip-teaseuse, la petite amie (jouée par la talentueuse Fadily Camara) et la mère du défunt. Bechdel au secours.
La réalisation pourrait être soignée si elle ne dégoulinait pas d'emprunts peu convaincants au cinéma de Xavier Dolan (on sait que Panayotis Pascot a beaucoup d'admiration pour le réalisateur). La dynamique au sein de ce groupe d'amis tente ainsi de reproduire l'alchimie loufoque des personnages de Matthias & Maxime (on y retrouve d'ailleurs Adib Alkhalidey), la spontanéité des échanges de Lawrence Anyways, et bien sûr toute la tension d'une révélation qui tarde à venir comme dans Juste la fin du monde ou dans la série La nuit où Laurier.... Si Dolan s'amuse à jouer sur la langue et les expressions dans ses dialogues pour générer des scènes de cohésion et de complicité au sein d'un groupe, ici c'est beaucoup trop appuyé et répétitif. L'épisode 3 constituerait presque une forme d'hommage raté et caricatural autour de la figure dolanienne de la mère au bord du craquage émotionnel, surligné par des ralentis et une musique poussive (comme un déjà vu?). La moindre situation dramatique est par ailleurs vite désamorcée et a finalement peu d'incidence sur le reste de l'histoire.
La série vaut néanmoins le coup d'œil si on s'intéresse à Fary, toujours très charismatique et impeccable, même s'il tend à s'enfermer dans son propre rôle. La dynamique créée entre lui, Jason Brokerss et Adib Alkhalidey fonctionne plutôt bien et permet de s'enchaîner les 4 épisodes sans ennui. Guillermo Guiz a la lourde tâche de camper un personnage très mal écrit et improbable (ses répliques sur le fait qu'il puisse être confondu avec un arabe sont assez problématiques). Panayotis Pascot de son côté est le plus en retrait du groupe, manquant parfois de justesse à la fois dans l'écriture et dans son jeu.
A trop vouloir passer de projet en projet, on finit aussi peut-être par s'essouffler ? Xavier Dolan devrait justement lui servir d'exemple.