Autant un film qu'une série (sorti en salle en Italie, à la TV chez nous), le dernier film de Bellochio (83 ans !) est un chef-d'oeuvre, et de toute évidence l'un de ses plus hauts faits d'arme. 20 ans après "Buongiorno, Notte" qui reste à mes yeux son plus grand film, Bellochio décide de retraiter l'affaire la plus traumatisante de la seconde moitié du 20ème siècle en Italie, à savoir l'enlèvement et l'assassinat d'Aldo Moro. C'était le sujet de "Buongiorno, Notte", mais "Esterno Notte" en offre le parfait contrechamp. C'est intéressant de noter que le mot NOTTE est présent dans les deux titres, comme il est intéressant que noter que le mot qui précède ici est ESTERNO soit extérieur. En effet, dans Buongiorno, nous étions en permanence enfermés dans le petit appartement où était séquestré Moro, avec lui et les quelques terroristes qui le détenaient. La caméra n'était quasiment jamais en extérieur. Ici, c'est tout le contraire, puisque le cinéaste décide de s'intéresser à tout ce qu'il y a autour. Dans sa version TV, les six épisodes sont découpés de la façon suivante : le premier est consacré à Moro avant son enlèvement, le second au ministre de l'Intérieur, le troisième au Pape, le quatrième aux terroriste, le cinquième à la femme de Moro et le sixième est une conclusion au dénouement douloureux que l'on connait tous. Chaque épisode, chaque point de vue, vient enrichir l'ensemble, donnant une impression de regard à 360° sur l'affaire et montrant avec encore plus de certitude que l'assassinat du chef du parti de la Démocratie Chrétienne est le fondement de l'oeuvre du cinéaste. Et même l'épisode 4, pourtant consacré aux terroristes, reste le parfait contrechamp de Buongiorno. Dans ce dernier, comme je l'ai dit, nous étions avec les gens qui le séquestraient, alors que dans l'épisode 4 nous suivons les terroristes qui sont au dehors et qui tentent de négocier, qui prennent les décisions, etc. Pas un plan en commun, pas une seule idée qui serait une redite. L'ensemble se dévore, est un exemple en terme de mise en scène, de rigueur, d'épure, et de courage politique, car Bellochio règle définitivement ses comptes avec le gouvernement italien (et le Vaticanais) montrant sans la moindre hésitation que tous ces gens-là avaient le moyen de sauver Aldo Moro mais qu'ils ont préféré le laisser mourir.