J'ai eu très peur, en lisant le résumé de Extraordinary Attorney Woo, de beaucoup de choses. J'ai eu peur que ce soit culturellement opaque, parce que je n'aime pas vraiment les séries coréennes et que toutes celles qu'on m'a recommandé par le passé m'ont déçu. J'ai eu peur que ce soit niais, car c'est une comédie romantique, asiatique en plus, et il faut dire que depuis que je suis adulte, c'est à peu près aussi difficile de me faire ressentir les papillons de ma jeunesse que de marcher de Pontoise à Pondicherry (donc, pas infaisable. Juste, si difficile que seul un inconscient se lancerait dans une tentative). J'ai eu très peur, enfin, que ce soit validiste, car l'avocate Woo est autiste, et il y avait toutes les raisons de penser qu'ils en feraient une tête de turc.
Je n'avais aucune raison d'avoir peur. Absolument aucune.
Cette série est un 10/10 sur toute la ligne. Par où commencer ? Quand l'avocate Woo débarque avec sa phobie des portes tournantes, ses costumes en forme de carré, et sa présentation à l'envers-à-l'endroit kayak-radar, elle est immédiatement drôle et attachante. Mais on l'imagine mal en héroïne de comédie romantique : comment cette dégaine de canard avec une coupe au bol peut-elle être crédible dans une relation amoureuse ? Je ne saurai pas vous le dire, mais à l'épisode 5 j'aurais été prête à assassiner à mains nues quiconque la regardait de travers. L'actrice fait un travail extraordinaire en incarnant un personnage aussi profondément bizarre que profondément honnête. Je ne peux pas dire qu'elle n'est jamais ridicule, mais c'est ce qui fait son charme et elle n'en est pour autant jamais pitoyable, et pas moins adulte. Sans rien changer à ses comportements ou aux symptômes de son handicap qui sont rendus avec une incroyable justesse, la romance est étrangement crédible, délicieusement bien faite et agréablement rythmée.
Tous les autres acteurs sont géniaux. Il n'y en a pas un qui laisse tomber la balle. Qui a fait ce casting ? Chaque personnage, des juristes les plus proéminents aux quidams dans les affaires du justice en passant par la copine bruyante de Woo qui bosse dans une gargotte, sont affublés d'un monstrueux talent. Ils ont la chance de ne dire que des choses drôles et intelligentes grâce au texte, combinaison plus rare encore. Leurs personnalités magnétiques sont encore plus mises en valeur en n'étant réalistes que dans les détails qui comptent : quand le copain de Woo voit une femme se faire brutaliser par son mari, plutôt que d'intervenir, il se cache. Quand le père de Woo élève sa fille autiste, il souffre terriblement de son handicap car il a l'impression d'être seul et isolé, et la série laisse béantes ces vérités aux yeux de tous.
Les affaires traitées n'ont pas froid aux yeux : déserteurs nords coréens, viols sur personnes en situations de handicap, exploitation de failles légales afin de manipuler le marché... les auteurs de l'avocate Woo n'ont peur de rien, eux. Ils proposent des vraies pistes de réflexion et toutes les affaires ne se finissent pas toujours bien, mais la série parvient à rester légère en n'étant jamais malhonnête, en entretenant un bon drame de série B en toile de fond en guise de cerise sur le gâteau.
Toute la série n'est pas encore sortie mais chaque épisode est mieux que le précédent, et je n'arrive pas à imaginer comment ils pourraient rater ce qui reste. Même les noms des personnages sont géniaux : ils sont suffisamment divers pour que je ne m'emmêle pas, car d'habitude tout le monde s'appelle Monsieur Park et on ne s'en sort plus.
C'est extraordinairement bien écrit, extraordinairement bien joué, extraordinairement bien fait. Extraordinaire, extraordinaire avocate Woo.