Fear the Walking Dead
5.6
Fear the Walking Dead

Série AMC (2015)

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En 2010, notre compatriote Franck Darabont avait la bonne idée d’adapter le comics à succès The Walking Dead. D’autres avant lui avait voulu rafler les droits mais tous s’étaient cognés au refus de Kirkman. L’auteur estimait qu’ils ne comprenaient pas les clés du succès de sa marque : "parler des hommes, de l’humanité, pas des zombies". L’expérience et la filmographie de Darabont avait de quoi rassurer et il était soit disant le premier à comprendre cette recette tellemeeeeent révolutionaiiiiire. C’est donc naturellement qu’il décrochait le jackpot, avec une liberté artistique que pourraient (devraient) lui envier tout ses successeurs.
D’ailleurs Kirkman ne s’était pas trompé : la première saison livrée prenait par la gorge. Loin d’être parfaite, elle atteignait quand même des niveaux d’intensité qui ne seraient par la suite jamais égalés. En fait, Darabont avait peut être même mieux compris les enjeux que Kirkman. La série prenait plus son temps que le comics, elle posait une ambiance et ne se débarrassait pas tout de suite du personnage problématique de Shane pour faire mûrir comme il se doit ses intrigues. Elle dévoilait des personnalités sans chercher à tout pris à les exhiber. Tout était si bien huilé que le succès (pas forcément attendu, ou à bien moindre ampleur) suivi assez logiquement.


Bien au delà de la réussite du comics, AMC, Kirkman et Darabont venaient de donner naissance à un véritable monstre commerciale. On repartait donc aussi vite que possible pour une deuxième saison, quitte à se briser les deux jambes au passage en voulant aller un peu trop vite. Darabont qui avait sûrement fait le tour de son sujet se perdit dans les méandres d’un « Plus belle la vie de l’apocalypse ». Internet s’offusqua. Darabont fut salement mis à la porte. De toute façon, on se frottait les mains dans les bureaux de la chaîne : on tenait les droits d’une machine à pognon, une vraie. Et tant pis si les réalisateurs qui suivaient se contentaient de répéter les erreurs de Darabont sans jamais entrevoir ses qualités.
AMC s’assurait un contrôle complet avec des réalisateurs mercenaires qui n’auraient pas assez d’aura pour contredire les ordres d’en haut. Qu’on ne se leurre pas, le gros de la production marche comme ça et aujourd’hui un réalisateur qui a de la bouteille n’est plus attirant pour un producteur car trop peu docile à l’usage d’une marque (Vous les connaissez vous les directors des derniers Marvel ou de vos séries favorites ?). On pense d’un coup à Vince Gilligan qui développait Breaking Bad pour la même chaîne, soulagés que lui n’est pas sauté dans les quelques rares moments un peu mous de son bébé (il doit bien rester un peu de bonté, là dedans)…



Fear The Walking Dead S01EP01: Pilot



Alors, après quelques saisons plus que moyennes et une multitude de produits dérivés (dont quand même un jeu vidéo de très bonne qualité) on reprend tout à zéro. Chez AMC, on a eut la bonne idée de ne plus en avoir. Breaking Bad est terminé ? SPIN-OFF !! Walking dead proche de la fin ? SPIN-OFF !! Le premier (Better Call Saul) s’en tirera à merveille grâce à son univers solide et toujours Gilligan. Pour le second, c’était loin d’être gagné… C’est vrai que le spin-off d’une série qui n’a déjà plus rien a raconté n’est pas nécessairement de bonne augure, mais on pouvait espérer voir quand même un peu d’audace. Et les puristes pouvaient se rassurer en se disant que Kirkman était cette fois aux commandes.
[C’est rassurant de savoir ça ?]


Parce que nous y voilà, dans la recette secrète de monsieur Romero Junior, tombés en plein dedans. On parle pas de zombies. On parle d’abord d’humains. Mais c’est quoi parler des humains ? Les grands mots ne cacheront pas longtemps les gros maux. Il faudrait être un poil stupide pour penser qu’on puisse faire autre chose que "parler d’humains". Mais à l’inverse pas besoin d’être très malin pour savoir qu’on peut en parler bien mieux que Kirkman. Par exemple, Plus belle la vie fait mieux, et il n’y a plus qu’à attendre un épisode « Zombies au Mistral » pour révéler l’imposture (avec ou sans Darabont, au point où on en est). Plus sérieusement, tout est tellement gros, vide...


La structure de la famille visiblement cher à l’auteur est encore au cœur dans un amas de clichés pourris. Il n’y a pas plus de finesse chez les vivants que chez les morts tant attendus.
Et la finesse, parlons en (ou plutôt parlons de son absence). Tout jusqu’au titre est grossier. « Fear the Walking Dead », c’est terrifiant mais pas comme il faudrait. On colle un petit Fear à la marque comme les marketeux colle un « Cherry » à Coca. Ça a le mérite d’être sincère en annonçant une série « un peu mais pas vraiment différente de la première ».


Ça commence dans une église, Kirkman aime les églises (la famille et la foi, à défaut d’avoir la patrie). Puis on découvre le fils Nick. Nick. Nick. Nick. Nick… RICK ?
On change une lettre, juste assez mais pas trop, avant de partir pourquoi pas rencontrer Baryl et Carlo. Rnick donc, se retrouve rapidement coincé dans un hôpital parce que comme tous les jeunes camés de son age il se fait écraser par une voiture après avoir cru voir des zombies. Mais il sait pas trop, comme il se drogue. Et en passant oui, Kirkman aime aussi les hôpitaux a tel point qu’il y commence toutes ses histoires de zombies.
Son beau père décide d’aller vérifier à DEUX reprises le squatte où il dit les avoir rencontrer, donc l’église parce qu’on y va jamais assez. Et deux fois parce que là aussi le spectateur doit s’attendre à ce que ça soit trèèèèès lent. On le dépouille de son précieux temps. On a pas grand chose à lui raconter, en fait.


Encore mieux : quand, après s’être vautré dans des flaques de sang gluant, beau papa annonce à maman que le fiston a peut être raison, elle lui rétorque que la présence de litres d’hémoglobine doit être du à la fréquentation du lieu par tous les vilains petits camés. Beau papa ne contredit pas maman. Pourtant beau papa n’est pas con puisqu’on nous montre sans aucune exagération que c’est un professeur trop trop cool dans une longue séquence dont là encore l’utilité reste un mystère. Un professeur trop trop cool qui ne pense même pas à décrocher son téléphone pour en parler à quelqu’un d’un peu plus compétent.


Parce que Kirkman hésite, il ne sait pas trop si ses héros savent ce qui les attend ou pas. Il a donc très vite du mal à justifier leurs actions et se perd entre ce qu’ils savent et ce que lui/nous savons. A tel point qu’on est baladés impuissants dans tout ce tintouin et qu’on ne peut s’empêcher de voir les humains qui défilent sous nos yeux comme des crétins finis et irrationnels. En somme, les humains de Kirkman. Ils attendent les zombies mais ils ne savent pas qu’ils les attendent.


L’intrigue défile sans trop de vraisemblance, sans trop d’effort. Kirkman accumule les clichés d’une imagerie épuisée depuis trop longtemps. Il essaie de lui apporter un peu de neuf… avec d’autres clichés pas plus frais : en tête le dealer de drogue black qui veut subitement tuer Rnick sans trop qu’on comprenne pourquoi (si ce n’est parce qu’il est trafiquant et noir, donc vraiment pas du tout fréquentable), et le petit (gros) geek qui prophétise l’arrivée des marcheurs parce qu’il a du avoir une vision en jouant à sa PS4 (sûrement à Last Of Us dont Kirkman doit envier l’efficacité scenaristique). Les palmiers de Los Angeles pourraient quant à eux apporter mais il faudra voir comment le lieu sera exploité par la suite: confronter les zombies, produits hollywoodien, a la ville qui les a vu naitre et grandir pourrait être pertinent.


La force de la première saison de The Walking Dead, c’était justement de nous emmener dans l’inconnu. Mais ici, Kirkman ne crée que du déjà vu. Dans ce premier épisode de Fear TWD, il tente en vain de jouer sur notre capacité de prévision pour installer une tension. Ça aurait pu fonctionner, si il n’était pas aussi insistant...
Pourtant, il y a fort à parier que le produit fonctionnera un moment (je pronostique à tout hasard 3 saisons et autant d’ennui). Car si les mécaniques sont artistiquement douteuses, elles constituent un divertissement qui sera à coup sûr addictif. En ne parlant de rien on met le spectateur en situation d’attente et plus le spectateur attend plus il voudra en avoir pour son temps (quitte à se contenter d’un épisode riche en action par saison pour une dizaine d’épisodes de "teasing"). C’est ce que tendent à mettre en place les séries les plus surestimées de notre époque, un autre exemple flagrant étant la dernière saison de Game Of Thrones qui se prenait subitement sur ses derniers épisodes a humilier, torturer et massacrer en masse une dizaine de personnages principaux pour choquer/divertir un bon coup (gratuit ? Noooooooon).
Le drame, maintenant, ce serait qu’après s’être vautré sur les vivants Kirkman rate aussi l’arrivée des morts. Robert Kirkman ET Dave Erikson, parce qu’il ne faut surtout pas oublier qu’ici l’homme à un complice pour faire ce qu’il fait…


TWD est aujourd’hui devenu une marque dont même le nom a un doux écho ironique : des produits (artistiquement) morts qui continuent de marcher (commercialement). Certes, rien de nouveau… En attendant l'antidote.


WW

Naël_Malassagne
3

Créée

le 27 août 2015

Critique lue 4.1K fois

55 j'aime

6 commentaires

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55
6

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