All is Lost
The Walking Dead est une série qu’on adore détester. Elle fait partie de ces dramas qui alternent le très mauvais et l’excellent, des épisodes fillers pitoyables et des séquences d’émotion ou de...
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le 5 oct. 2015
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The Walking Dead est une série qu’on adore détester. Elle fait partie de ces dramas qui alternent le très mauvais et l’excellent, des épisodes fillers pitoyables et des séquences d’émotion ou de tension inoubliables. C’est d’autant plus dommage quand on connaît la solidité du comics, et surtout des jeux-vidéos de Telltale Games. L’annonce d’un spin-off, si elle n’était pas très surprenante quand on sait la politique actuelle d’AMC, avait donc de quoi piquer notre curiosité : en apprenant de leurs erreurs et en possédant, cette fois-ci, une histoire originale qu’ils allaient pouvoir directement adapter au format télévisuel, les scénaristes avaient toutes les cartes en main pour nous surprendre.
Fear the Walking Dead a démarré en douceur – au premier abord décevant, son pilote, malgré tous les défauts qu’il se traînait, prenait le temps de poser ses personnages. Ici ce ne sont pas des inconnus réunis par le destin, mais une famille dysfonctionnelle à hauteur d’homme : pas de flics, pas de têtes-brûlées qui massacrent du zombie à l’arbalète ; mais deux profs de lycée, un beau-père pacifique, un junkie ou encore un freak discret. L’autre caractéristique principale de cette introduction, c’est qu’elle retrace la fin du monde : les séries post-apocalyptiques, comme sa propre grande sœur, mais aussi Falling Skies ou Revolution, avaient pris pour habitude d’accélérer ou d’ignorer complètement cette partie. Fear the Walking Dead peint cette décadence d’un point de vue intime qu’elle s’évertue à cultiver tout du long de cette première saison.
C’est la rencontre de ces deux choix scénaristiques, complètement absents de The Walking Dead, qui fait toute la réussite de ce spin-off. Plutôt que de parachuter son spectateur dans un paradigme inhumain déjà en place, Fear the Walking Dead déconstruit lentement l’Homme, la civilisation, les rêves et l’espoir. Il y a ce facteur dévastateur, que les protagonistes observent, impuissants. Cette plongée étouffée dans la sauvagerie, dans l’animalité, comme un instinct refoulé qui referait subitement surface.
En résulte que tous les personnages, sans exception, sont attachants. Ce n’est pas seulement deux ou trois héros badass qui nous défoulent un peu comme dans The Walking Dead ; mais un véritable lien avec le spectateur, comme si le fait d’avoir vu la vie de ces personnes s’écrouler devant nos yeux était la fameuse donnée empathique absente de la création de Darabont. Pas de têtes à claques ici, mais des hommes et des femmes imparfaits, parfois ambiguës qui, en plus d’empiler les mauvaises décisions, se voient dans la nécessité d’affronter leurs conséquences. La teneur du casting n’y est pas non plus pour rien – il n’y a aucune réelle faute de goût.
Tout n’est pas irréprochable dans cette (courte) première saison de Fear the Walking Dead. Les péripéties sont très inégales – on se serait bien passé de cet épisode trafic de drogues – les dialogues et les échanges ne sont pas toujours passionnants, et ne parlons même pas de ces tentatives de jump scares complètement superficielles. Si l’on devait définir la réussite de la série, ce ne serait pas nécessairement une question de forme ou de fond, mais plutôt la combinaison miraculeuse de détails isolés. La poésie macabre d’une lumière lointaine que l’on voit apparaître dans une zone évacuée ; les terribles vérités que l’on choisit de ne pas croire par confort ; ce saccage quasiment nihiliste d’une maison bourgeoise voisine quand le monde que l’on a toujours connu semble s’être définitivement envolé.
Fear the Walking Dead, tout comme The Walking Dead, est loin d’être une série aussi bête que l’on voudrait bien le croire. Derrière le divertissement télévisuel honnête se cache une œuvre profonde et désespérée, sombre et consciente. Un récit initiatique moderne, un Candide horrifique, ou bien encore un Romero soapesque – on est loin de la critique sociale ou de la satire des travers humains. Fear the Walking Dead est un drame familial ; le père, la mère, le frère et la sœur comme dernier refuge institutionnel alors que nos liens sociétaux se sont brusquement évaporés.
On est en droit de conserver une pointe d’inquiétude quant à la suite des événements, car si fondamentalement différente cette première saison de Fear the Walking Dead puisse-t-elle être de The Walking Dead, le nouveau défi de ses scénaristes sera de prouver que la survie en milieu hostile n’est pas fatalement une finalité thématique pour les feuilletons de ce genre. Une œuvre touchante, tragique et éperdue – comme quoi, pour une bonne série d’infectés, il n’est pas nécessaire d’en tuer à la chaîne. La réaction d’un Travis Manawa, antibelliciste profondément attaché aux fondations morales de l’être humain, face à la jungle horrifique d’une invasion zombies sera toujours cent fois plus passionnante que les mésaventures de Rick Grimes et de son invincible commando.
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le 5 oct. 2015
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