Faisant un superbe portrait de la société américaine au cours des dernières décennies du XXe siècle, la série explore ce qu'on a appelé la « terreur lavande » » qui a secoué les États-Unis en même temps que le « Maccarthysme » (et étroitement lié à celui-ci), qui sous couvert de lutte anti communiste s’était attaqué à tous les « déviants » (occasion en or pour se débarrasser de toutes les personnes non conformes aux dogmes et conformismes américains). Mac Carthy et l’épouvantable Roy Cohn ( pour en savoir plus sur ce sinistre personnage voir aussi "Angels in America" qui dans sa version minisérie de 2003 est joué par Al Pacino) lancèrent donc une chasse aux sorcières qui s’attaqua à des milliers d'homosexuels, entre autres. La survie des homosexuels pendant cette période hypocrite et désastreuse pour elle, où un simple regard pouvait ruiner votre existence, est ici très bien couverte. C’est dans cette ambiance détestable et dangereuse que Hawk et Tim, deux hommes pour lesquels il est impossible d'exprimer ce qu'ils ressentent, mais qui savent, acceptent et finissent par assumer (pour l’un d’entre il faudra 30 ans…) qu'ils sont le grand amour de la vie de l'autre, peu importe de savoir si les circonstances les séparent, parfois pendant de nombreuses années. Le scénario est très solide, avec des personnages bien construits (y compris secondaires) et le rythme parfait.. Le sexe entre hommes, rarement montré avec autant de réalisme qu'ici choquera les plus prudes et révèle en fait le courage jusquauboutiste de l' auteur.
C’est un plaisir de découvrir le travail, individuellement et en duo, de « Matt Bomer » et de « Jonathan Bailey » : « Hawk » et « Tim » travaillent à des échelons différents dans la politique, et doivent donc redoubler d’attention : Hawk a une partenaire officielle (Lucy), fille d’un sénateur pour lequel il travaille, et est assez âgé – et cynique – pour savoir comment se mouvoir et échapper à la surveillance. Sa relation avec Tim devient de plus en plus forte, mais sa double vie impose des limites et le rend très cruel et parfois même détestable. Tim, plus jeune, innocent et amoureux ne sait pas du tout se protéger ; il est noble, droit et timide mais honnête dans ses sentiments et implacable dans son engagement social (quand il aura perdu ses œillères politiques) et s’il ne mène pas une double vie, il travaille tout de même pour le sénateur « McCarthy » qu’il admire au pont de s'aveugler. Preuves s’il en faut de l’intelligence du scénario qui n’hésite pas à montrer ces hommes avec toutes leur contradictions, qui en fait non pas des pantins de fiction mais de beaux personnages profondément humains. Bomer, pour sa part, ajoute un personnage inoubliable à sa collection (juste pour rappel l’excellence de son interprétation dans ‘the normal heart" de "Ryan Murphy" ; D’ailleurs plus ou moins à mi-chemin la série plonge dans une autre période tout aussi désastreuse et plus centrée si possible sur la communauté LGBT : la condamnation et la stigmatisation dont elle a été victime au moment de l'épidémie du virus du Sida. "Fellow Travelers" avec son contexte dramatique historique, son histoire complexe de passion et ses scènes de sexe sous haute tension est une série remarquable, sensible, pleine d'histoire et d'engagement militant. Pour les téléspectateurs exigeant elle est une preuve que la télévision peut, quand elle le veut, distraire en proposant des œuvres fortes et potentiellement artistiques.