C'est encore l'histoire douce-amère d'une trentenaire un peu délurée et désabuée... a priori rien de bien intéressant à se mettre sous la dent, puisque j'ai quand même l'impression qu'on a un peu fait le tour de ce genre de fictions qui peine quand même à se renouveler.
Mais, parce qu'il y a un mais, Fleabag a quelques qualités, notamment sa distribution, on va dire que ça joue plutôt bien, notamment l'actrice principale/scénariste : Phoebe Waller-Bridge. Disons qu'elle parvient avec ses nombreuses apostrophes et regards caméras à établir une connexion avec le spectateur, sans que ça paraisse forcément forcé ou artificiel. C'est mignon de la voir craquer sur un mec, ou bien dépérir à la suite d'une gaffe tout en commentant. Elle fait bien la moue, et c'est l'essentiel.
Par contre, je dirais, surtout dans la première saison, qu'il y a des problèmes d'écriture. On ne sait pas trop où tout ça veut aller, le rythme est assez haché, on passe du coq à l'âne et si la série parvient à être drôle en créant des situations plutôt cocasses, certains gags tombent un peu à plat (à cause d'un problème de rythme ou juste parce que c'est pas assez drôle). Disons que ça confirmait ma première impression ; c'est une série sur la trentaine, tout droit sortie d'un moule très contemporain où il faut parler de cul de manière explicite, sans jamais rien montrer... pour ne pas choquer... mais qui ne vole pas non plus forcément bien haut. C'est divertissant... voilà tout.
Mais la seconde saison amorce un tournant bien plus intéressant, cette fois on a un vrai fil rouge et ça s'ouvre sur un épisode qui se déroule en huis clos dans un restaurant, où tous les personnages sont réunis pour mieux se déchirer... comme dans une bonne pièce de théâtre. Là tout de suite on sent qu'on est passé à la qualité supérieur dans l'écriture. Peut-être que la pause entre la saison 1 et 2 a fait du bien et a permis de mûrir le projet et de faire quelque chose de ces personnages. Cet épisode est d'ailleurs le meilleur de la série.
La suite de la saison évitera la plupart des écueils de la première saison : notamment les flashbacks lourdingues, qui se font plus rares, plus discrets et moins lourdingues.
Et puis ses problèmes de cœurs sont plus intéressants que ses problèmes d'argent. Surtout que là, après l'avoir vu coucher avec tout le monde et n'aimer personne, on la voit aimer sans réussir à coucher, ça change... C'est toujours plus marrant d'avoir des histoires d'amour impossible avec deux personnages qui s'aiment s'aiment, plutôt qu'une liste de baises sans lendemain.
Il y a du conflit interne chez les personnages, et c'est toujours stimulant, surtout lorsqu'ils sont plutôt bien écrits, et que leurs dilemmes vont rappeler ceux de Léon Morin ou de La loi du Silence. Disons que la série a de bonnes références sur lesquelles s'appuyer pour faire quelque chose de bien.
Elle arrive à tirer quelque chose de très mélancolique de cette fille paumée qui essaye de corrompre sexuellement un prêtre.
Et en fait avec ça, la série touche quelque chose d'universel et de réellement touchant, à savoir l'histoire d'amour impossible. Deux personnes qui s'aiment, mais dont l'histoire n'est pas possible. Le faire un avec un curé, fonctionne d'autant mieux que contrairement à un homme marié qui pourrait quitter sa femme, prendre une maîtresse ou que sais-je, là, le dilemme est plus d'ordre spirituel et n'a pas besoin d'avoir une résolution rationnelle. D'ailleurs on note que le dilemme de sa sœur, beaucoup plus simple est quant à lui résolu de la manière la plus rationnelle qui soit.
Je trouve toujours ça bien lorsqu'une œuvre parvient à être juste et à parler à son spectateur, même s'il est finalement très éloigné du sociotype du personnage.
N'en déplaise à certaines, être représenté dans une œuvre de fiction c'est avant tout raconter quelque chose de juste au spectateur qui va le toucher intimement, le reste n'est que jérémiades twitteresques.
Et je dois avouer que le final arrive à toucher, à partager sa mélancolie et sa douce amertume. C'est toujours agréable.