Fleming The Man Who Would Be Bond est un morceau de choix, une série pleine de cette distinction et de ce flegme tout britanniques, une série qui déborde de la noblesse de cette bourgeoisie londonienne au milieu de laquelle semblait déambuler Ian Fleming, l’auteur dont on commence à oublier qu’il est le père de James Bond, depuis que ses romans ne servent plus de base aux adaptations cinématographiques des aventures de 007. Cette série est assez bienvenue, en sauvant de l’oublie celui qui fit de sa vie un roman, aussi bien à l’écrit qu’en réalité, tant il semble qu’il était incapable de ne pas inventer même sa propre existence.
On se moque en fait, de savoir si cette série est une réussite, tant on est pris par l’enjeu, voir adaptée à l’écran la vie (du moins une partie) de celui dont on dit qu’il a truffé son œuvre de détails authentiques. L’ambiguïté est permanente, qui de Bond ou Fleming est un personnage de fiction ? Au cours des quatre épisodes, on découvre un Fleming tour à tour séducteur à tendances sadomasochistes, adepte de vodka-martini au shaker (pas à la cuiller), propriétaire d’une villa à la Jamaïque appelée Goldeneye, devenu commandant aus services secrets de Sa Majesté et affublé d’une secrétaire d’âge mûr nommée Monday, avec laquelle il pratique le jeu délicieux de la séduction. Toute ressemblance avec un personnage n’ayant jamais existé ne serait pas fortuite. Tout l’univers de Bond : personnages, situations, noms et caractères se retrouvent dans sa vie. Fleming était un électron libre, fâché avec la hiérarchie et qui se moquait du règlement mais qui, au contraire de son héros, n’est quasiment jamais allé sur le terrain, à son grand désespoir.
Sa vie semble avoir été presque aussi passionnante que celle de 007, en pleine Seconde Guerre Mondiale, il semble met son imagination (déjà fertile) au service de la reine et des services secrets de la Royale Navy. La reconstitution est d’ailleurs à saluer : décors criants de vérité, mœurs bourgeoises pleines de fourberie aristocratique alternent avec les alertes à la bombe. On prête beaucoup d’exploits à Fleming, mais combien en a-t-il inventés ? Au début on le croit sans peine, puis on se rappelle l’écrivain et on se demande à quel point il aurait pu romancer sa vie mais ce qui ressort, c’est qu’on comprend à quel point James Bond est son double, celui qu’il aurait rêvé d’être dans une autre vie, celui dans lequel il a jeté toutes ses frustrations, dues en partie à une mère castratrice et autoritariste.
Les Anglais semblant tenir à la qualité de leurs productions audiovisuelles, n’ont pas mégoté sur la qualité du casting, donnant le rôle de Fleming à Dominic Cooper (Need For Speed, Captain America) britannique et imbuvable à souhait, Rupert Evans (Un Monde Sans Fin) et dans le rôle de Monday, Anna Chancellor (How I Live Now). Mais on reste marqué par Lara Pulver, parfaitement venimeuse dans cette relation d’amour et de haine qu’elle entretien avec Fleming et troublante par ses faux airs de Jodie Foster. Le casting est so british, l’accent anglais est superbe et racé, la série doit énormément à la qualité de ses interprètes.
C’est finalement la mise en scène, la musique et la narration qui sont les plus troublantes, semblant glisser au fil des quatre épisodes vers l’ambiance des premières adaptations de Bond à l’écran. On fini par se laisser prendre avec délice dans le tourbillon de la guerre, par Fleming qui semble incarner à l’écran celui le 007 qu’il créera par la suite. Fleming semble jouer Bond lui-même, convaincu semble-t-il que s’il prend les choses trop au sérieux, la vie ne pourra que le décevoir. Le format en quatre épisodes semble le meilleur choix, ne reprenant qu’une partie de la vie de Fleming, nous épargnant naissance, mort et permettant d’apporter de la densité au sujet sans jamais ennuyer.
On fini passionné par une vie si complète d’un auteur qui verra son personnage survivre à la plus longue franchise de l’histoire du cinéma. On comprend à quel point Fleming s’est investi dans Bond et à quel point Bond s’est investi en Fleming : deux faces d’une même médaille qui montra un jour son revers. Fleming écrivain des aventures de Bond mais avant tout, Fleming écrivain de sa propre vie. Dans le quatrième épisode, on l’entend dire que les choses ne se passent jamais comme on les imagine, peut-être est-ce pour ça qu’il a un jour décidé d’imaginer les choses telles qu’il voulait qu’elles se passent.
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