Game of Thrones
8.2
Game of Thrones

Série HBO (2011)

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Game of Thrones et moi, c'est une longue histoire. Si j'ai attrapé la série en cours de route lors de la diffusion de la deuxième saison à la suite du conseil d'un ami, l'attachement fut immédiat: je me mis à dévorer la première saison en moins de trois jours, puis à rattraper mon retard sur la deuxième en moins de temps encore. Puis, pour la première fois de ma vie, je fus soumis à cet étrange sentiment de manque que l'on ressent entre deux saisons de Game of Thrones, et qui fait que ces neuf mois sans épisodes passent si lentement, sentiment que je n'avais encore jamais ressenti avec une telle intensité, pour une série. Qu'est-ce que j'aimais dans Game of Thrones ? Peut-être était-ce l'univers fantastique, qui entoure la série, et qui me rappelait les nombreux livres qui avaient bercé mon adolescence en la submergeant de ces détails surnaturels et magiques que l'on retrouve, à moindre dose, dans Game of Thrones. Peut-être était-ce ce scénario unique dans l'Histoire des séries, l'un des premiers à se montrer sans pitié envers le spectateur, provoquant son attachement naïf pour un ou deux personnages qu'il tuera sans vergogne au détour d'un épisode 9. Peut-être étaient-ce ces personnages justement si attachants, ni méchants, ni gentils, mais d'une complexité bienvenue et parfaitement réaliste, plus humaine que jamais.


Ou alors, peut-être qu'il s'agissait de ces trois choses-là à la fois.


Game of Thrones, c'est d'abord un univers. Westeros, Essos, Winterfell, Port-Réal, Harrenhal; autant de lieux que l'on visite déjà par le biais d'un générique qui fera date, autant pour son esthétisme que pour la musique envoûtante qui l'accompagne. Un générique qui permet également de réaliser à quel point le monde de la série est vaste, à quel point il est complexe, et à quel point il est réaliste: un monde, au sens premier du terme. Avec le recul, je me rends compte que cet univers quasiment parfait est peut-être que ce qui rend la série si attachante: à force d'en découvrir les moindres recoins en même temps que les divers personnages, on est happés par la puissance réaliste d'un monde qui se révélera certes aussi impitoyable que peut l'être la réalité, mais du même coup parfaitement captivant.


C'est sûrement ce qui me convainquit, alors que j'attendais fermement la troisième saison, de ne plus attendre et de prendre les devants: tout simplement, de me mettre à lire les bouquins. Car si HBO a la réputation de pondre des dramas de qualité, il ne faut pas oublier que Game of Thrones se base sur les écrits de George R.R. Martin, qui constituent cinq intégrales pour le moment. Découvrir le premier intégrale fut donc l'occasion de se replonger dans l'intrigue de la première saison, et de réaliser que les showrunners firent plutôt un bon boulot d'adaptation: au niveau narratif, on retrouve grosso modo les mêmes intrigues retranscrites de façon tout à fait plausible; les décors et les costumes sont crédibles, et les scènes de sexe et de violence sont respectées, lorsqu'elles ne sont pas trop nombreuses (mais ça, ce n'est pas moi qui m'en plaindrai). Eddard Stark, ami du roi Robert Baratheon, est appelé à ses côtés pour devenir sa Main du Roi, pour remplacer l'ancienne, empoisonnée. Entendant les rumeurs murmurant que les Lannister, la famille de la femme de Robert, sont responsables, il décide d'accepter l'invitation et de mener l'enquête. L'intrigue principale est teintée d'un manichéisme qui ne disparaîtra que lors de la deuxième saison, mais cela ne ternit en rien un show rythmé et surprenant, en particulier dans ses rebondissements soit audacieux, soit inattendus.


Adhérant totalement au style médiéval du premier intégrale, je me jetai aussitôt sur le deuxième: là encore, je me retrouvais en terrain connu, mais cela ne faisait que me motiver d'avancer plus vite pour découvrir la suite de la saison 2. Pour moi, les premiers épisodes de cette saison furent les seules fautes de la série. Game of Thrones aura toujours eu tendance, à travers ses cinq saisons de dix épisodes, à mettre du temps à se mettre en route, mais cela se ressentira d'autant plus dans cette saison 2 dans laquelle les personnages se dispersent et où la série prend un rythme plus lent. Là encore, je ne trouvai rien à redire à propos de l'adaptation du deuxième intégrale, tant il était retranscrit d'une manière fidèle et innovante à la fois: l'événement de l'épisode 9 de la saison 2, par exemple, rend bien mieux sur un écran que sur une page. Le véritable point fort de cette saison, c'est la façon dont sont développés les personnages secondaires. Encore une fois, on découvre des dialogues maîtrisés, notamment au sein des tribulations de Tyrion Lannister, par exemple, qui constituent une intrigue secondaire forte, authentique et originale.


Ce fut donc avec un grand enthousiasme que j'attaquais le troisième intégrale, pensant déjà avec allégresse à tous mes amis que je pourrai spoiler. Parce qu'il convient également de préciser que Game of Thrones, à l'approche de sa troisième saison, était en passe de se trouver un public exceptionnellement large, même si la sexualité débridée et la violence que la série affiche aurait pu laisser penser le contraire. Elle ne cesse, depuis sa création en 2011, de se développer, et chaque diffusion, chaque année, est l'occasion de réaliser combien la série est devenue un phénomène de pop-culture. C'est avec Game of Thrones qu'apparut véritablement une sorte de paranoïa chez les spectateurs, une espèce de peur de se faire spoiler, tant il est facile d'échapper le nom d'un personnage qui va mourir à quelqu'un de moins avancé dans la série. Une paranoïa, d'autant plus accrue par les réseaux sociaux, enflammés chaque année par des centaines de memes sur Game of Thrones, qui n'hésitent le plus souvent pas à enfreindre la prohibition du spoil, sorte de loi tacite interdisant le spoil sur un épisode sorti depuis moins de 24 heures.


Mais admettons plutôt que ce fut pour l'amour de Westeros que je me plongeai dans la troisième intégrale de cette saga en passe de devenir mythique. Je m'en rendrai compte plus tard, la troisième saison n'occupe que les trois quarts de cet intégrale, tant il est massif. Et tant il est dense. C'est d'ailleurs l'un des défauts, ou plutôt l'une des remarques, que l'on peut faire à cette saison 3: le support est si dense que l'on peut reprocher à la série d'outrepasser certains arcs, minimes certes, mais qui influencent d'une certaine manière l'univers de George R.R. Martin. Heureusement, même si de nombreux raccourcis sont faits, on suit avec plaisir une troisième saison qui se termine encore une fois sur un épisode 9 éblouissant: le Red Wedding. Fidèle à sa réputation, Game of Thrones place un rebondissement parfaitement inattendu et parfaitement mis en scène, qui semble mettre en déroute tout ce qui avait pu être préparé au cours de la saison. C'est en quelque sorte ce qui fait la force de la série: que ce soit dans le livre ou dans la série, il n'y a pas ce repère habituel que le spectateur a, et qui fait qu'il peut se dire: "Tout est mis en scène en tant que fiction, pour me faire passer un message". Non, dans Game of Thrones, le réalisme est poussé jusque dans ses déterminismes les plus obscurs: si un personnage doit mourir, pour une raison ou pour une autre, il mourra. Qu'il soit aimé par le public, qu'il soit important pour une intrigue, qu'il soit développé depuis plusieurs saisons: aucun personnage n'est à l'abri.


Evidemment, pour pallier au manque de personnages évident qui apparaît au détour de la saison 3, de nouvelles têtes apparaissent. De nouvelles intrigues apparaissent. De nouveaux lieux apparaissent. Et l'univers de George R.R. Martin s'étend encore un peu plus. La saison 4, elle, semble être une exception à la règle que j'ai fixé plus haut: cette fois-ci, dès l'épisode 2, la série propose un rebondissement parfaitement inattendu, sur lequel vont se baser les arcs narratifs de la saison. On est donc sans tarder jetés au cœur de l'action, à travers les intrigues de personnages toujours plus retors. De nouveaux acteurs font leur apparition, certains personnages déjà présents tombent le masque; mais ce que l'on peut réellement retenir de la saison 4, c'est qu'il s'agit de la première saison durant laquelle la série se détache du fil narratif établi par le livre. En effet, si certaines intrigues seront inspirées de la fin de l'intégrale 3, d'autres iront puiser dans l'intégrale 4, voire dans l'intégrale 5 pour garder une cohérence chronologique: certaines intrigues prennent plus de temps que d'autres.


J'ajouterai seulement qu'avec la saison 4, Game of Thrones n'hésite pas à être de plus en plus sanglante. Une scène de l'épisode 8 fera polémique pour cela, et suscitera des réactions violentes, au même titre que le Red Wedding. Des polémiques que l'on retrouvera d'ailleurs dans la saison 5, une saison 5 qui se base cette fois-ci sur les intégrales 4 et 5 mais qui les dépasse parfois. Ainsi, certains éléments scénaristiques susciteront des réactions, puisqu'ils surprendront même les lecteurs; George R.R. Martin dévoilant que le livre prendra une direction différente de celle de la série, les rebondissements et diverses trahisons sont donc plus que jamais d'actualité. La série avait jusqu'ici choqué pour ses scènes de sexe, pourtant parfaitement cohérentes avec l'univers moyenâgeux de Game of Thrones; avec la diffusion d'une scène de viol, au cours de la saison 5, la série se verra étiquetée comme "sexiste".


Cependant, qu'il s'agisse de cette étiquette "sexiste" ou des critiques dénonçant une série qui s'essouffle, au vu de ses rebondissements tardifs, il convient de rappeler les règles d'or de Game of Thrones, que j'avais déjà évoquées plus haut: une mort n'a pas besoin d'être logique, donc même si son traitement en aval fut trop mince, elle n'est pas blâmable; et l'univers de la série étant médiéval, il n'y a pas lieu de mal l'interpréter: dire que certaines scènes de viol en font l'apologie, c'est comme dire que Breaking Bad fait l'apologie de la drogue. On peut certes, sous un certain angle, reprocher à la série de se vouloir choquante par moments, mais pas au point de tuer ses personnages les plus importants pour rappeler qu'elle est audacieuse.


Au final, même si sa saison 2 et sa saison 5 constituent de petites baisses de régimes, ou plutôt des arcs narratifs trop lents à se développer, on peut difficilement reprocher quoi que ce soit à Game of Thrones. J'ai surtout vanté son univers, quasiment illimité en ce qui concerne ses ressources, mais l'on peut mettre d'autres choses en avant: ses personnages, son scénario. Au niveau de la retranscription audiovisuelle, la série parvient à conserver l'esprit de la saga littéraire: un esprit impitoyablement réaliste, dressant un univers sans pitié sans lequel la moindre erreur est fatale, traversant des thèmes plus divers les uns que les autres: politique, religion, esclavagisme... On croirait même reconnaître, dans certaines scènes, le style rude des livres: Game of Thrones bénéficie en effet d'une photographie superbe et d'une réalisation sobre mais de qualité. La série pourra quelquefois accuser un manque de budget, visible dans les effets spéciaux, mais c'est un défaut qui reste minime. Les personnages portés à l'écran sont convaincants et justes: Peter Dinklage remporte la palme en incarnant le nain Tyrion, même si d'autres acteurs ne déméritent pas: Lena Headey, Sean Bean, Nikolaj Coster-Waldau. La prestation de Kit Harington et de Emilia Clarke ne restera pas dans les annales mais aura au moins eu le mérite de les faire découvrir au grand public.


Game of Thrones n'est pas une vitrine de sexe et de violence. Game of Thrones est un monde réaliste et complexe, trop vaste pour être exploré en 100 saisons. Heureusement, 5 suffisent pour le moment pour nous donner un avant-goût de cet univers sans merci, à travers des intrigues politiques et médiévales entre personnages gris, plutôt que noirs ou blancs. Pour ceux qui ne s'y sont pas encore mis, n'hésitez plus, vous tenez l'un des meilleurs dramas de HBO. Seulement, si au détour d'une saison vous vous rendez sur les réseaux sociaux, n'oubliez pas: "Spoiler is coming !"

Soma96
8
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le 21 juin 2015

Critique lue 364 fois

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Kevin Soma

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